Le journal d’Aurore ? Aurore a 13 ans. Et elle détaille à son journal intime ses petits soucis, ses espoirs et tous les petits riens qui remplissent son quotidien. Elle parle de ses parents, bien sûr, et de sa petite sœur si énervante avec ses bons résultats à l’école, de la grande qui vit déjà sa vie d’adulte, de ses grands-parents qui la recueillent même chez eux quand ça barde trop à la maison, du collège, de Lola, sa meilleure amie-à-la-vie-à-la-mort et de son amour pour le beau Marceau.
Marie Desplechin, d’une plume alerte et gaie, se plonge littéralement dans la psychologie d’une ado et livre une petite pépite de drôlerie, mais aussi de finesse et d’intelligence. On se prend d’affection pour cette jeune fille qui réclame à cor et à cri un peu plus de liberté de la part de ses parents. Elle qui se révolte et fait ses coups en douce. Le lecteur déjà trentenaire ou plus retournera en pensée quelques années en arrière… quand il avait le même âge et les envies qu’Aurore, les révoltes aussi.
Aurore est aussi attachante que peste, l’une des caractéristiques communément admises des ados. Elle peut être parfaitement égoïste. Souvent narcissique, elle mériterait de temps à autre une bonne paire de claques, mais elle est également pourvue d’un humour à toute épreuve et peut se montrer très généreuse. Elle a du mal à communiquer avec ses parents, mais sa grand-mère, bien qu’extrêmement originale, arrive à lui parler ou, du moins, à lui faire passer quelques messages. Elle déteste la couleur saumon et peut se montrer ingrate et vraiment méchante.
L’ensemble émeut. Car le lecteur comprend ce qui traverse cette jeune fille : la recherche de sa voie existentielle et les bouleversements de son corps – deux dimensions qu’elle n’arrive toujours pas bien à gérer… Bref, elle rassemble toutes les contradictions des adolescents. C’est un petit moment de bonheur de respirer avec elle une bouffée de fraîcheur et d’innocence.
Ce qui caractérise les ados, c’est aussi ce côté excessif, cet appétit de vivre (qui parfois malheureusement se retourne en son contraire), cette façon de tout prendre au pied de la lettre, de monter sur de grands chevaux, cette assurance de tout savoir, d’avoir raison et, bien sûr, cette idée que ses parents sont de vieux crétins qui n’ont jamais rien vécu…
Bref, c’est un portrait criant de vérité que nous livre Marie Desplechin avec Le journal d’Aurore. Un portrait d’autant plus émouvant que c’est la jeune fille elle-même qui occupe la place de narratrice et analyse sa vie et ses actes à travers les pages de son journal.
Tome 1 : Jamais contente, L’école des Loisir, 2006, 180 p.
4ème de couverture :
12 février. On peut ruiner sa vie en moins de dix secondes. Je le sais. Je viens de le faire. Là, juste à l’instant. J’arrive à la porte de l’immeuble, une modeste baguette dans la main et la modeste monnaie dans l’autre, quand Merveille-Sans-Nom surgit devant moi. Inopinément. A moins de cinq centimètres (il est en train de sortir et je m’apprête à entrer, pour un peu on s’explose le crâne, front contre front). Il pose sereinement sur moi ses yeux sublimes. Je baisse les miens illico, autant dire que je les jette quasiment sous terre, bien profond, entre la conduite d’égout et le tuyau du gaz. Sa voix amicale résonne dans l’air du soir :
– Tiens ! Aurore ! Tu vas bien ? Je reste la bouche ouverte pendant environ deux millions de secondes, avant de me décider et de lui hurler à la figure :
– Voua ! Merdi !
Tome 2 : Toujours fâchée, L’école des Loisir, 2007, 180 p.
4e de couverture :
» – Je n’ai jamais rien entendu de plus laid, de plus ennuyeux et de plus nuisible que ce que tu joues avec ton groupe. Il vient de tomber par terre. Il se roule dans le sable en se tenant le ventre. C’est le soldat Ryan. Peut-être qu’il va mourir sur la plage. Je vais lui flanquer un coup de pied pour abréger ses souffrances. Je suis malheureusement interrompue par l’arrivée de Samira et d’Hélène qui s’approchent de nous avec des airs légèrement envieux. – De quoi vous parlez ? demande Samira. Vous avez l’air de bien vous marrer. Il se relève, il s’essuie les yeux et me montre du doigt. – C’est elle, gémit-il. Elle n’arrête pas de m’agresser, elle est trop marrante. Bon. Je me suis fait un nouvel ami masochiste. Il me regarde avec des yeux émerveillés. II m’adore, c’est clair. «
Tome 3 : Rien ne va plus, L’école des Loisir, 2007, 326 p.
4ème de couverture :
11 octobre : Areski a trouvé un nom pour le groupe. Blanche-Neige et les sept nains. Ce n’est pas que ça m’ennuie de faire Blanche-Neige, mais les garçons ne sont que cinq. Donc, inutile d’y penser plus longtemps, voilà ce que j’ai dit. Mais justement, a répondu Areski, c’est comme pour les trois mousquetaires. Un clin d’oeil. Un clin d’oeil ? – Je ne vois même pas de quoi tu parles. – Des trois mousquetaires. -Et alors ? – Ils étaient quatre. – Comment tu le sais ? – Tu n’as pas lu le livre ? – Quel livre ? – Les Trois Mousquetaires, bien sûr. – C’est le titre ? – Ben oui, c’est le titre. Qu’est-ce que tu veux que ce soit ? – Je ne sais pas, moi… Les auteurs ? J’en ai plein le dos, de tous ces bouquins que je ne connais pas. Areski était mort de rire. Il a raconté l’histoire aux autres nains au fur et à mesure qu’ils arrivaient de la mine. Et tous les nains de se gausser joyeusement.