Katrina, l’ouragan infernal : Spike Lee ausculte vingt ans de plaies ouvertes

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Katrina ouragan

Vingt ans après le passage de l’ouragan Katrina, la Nouvelle-Orléans n’a pas pansé ses blessures. Avec Katrina. L’ouragan infernal, disponible sur Netflix, Spike Lee revient sur l’une des plus grandes tragédies américaines du XXIᵉ siècle.

Aux côtés de Geeta Gandbhir et Samantha Knowles, le cinéaste new-yorkais signe une fresque documentaire en trois volets, à la fois enquête, réquisitoire et hymne à la résistance culturelle.

Le compte à rebours de la catastrophe

Le documentaire s’ouvre sur les jours précédant le 29 août 2005. Les climatologues alertent, les digues menacent, mais la décision d’évacuer reste timorée. Des archives glaçantes montrent la gouverneure Kathleen Blanco appelant à… prier. Les premières rafales emportent tout : 270 km/h de vent, des quartiers submergés, 1 836 morts dont une écrasante majorité d’Afro-Américains, deux millions de déplacés.

Les deux premiers épisodes rejouent ce cauchemar : Superdome transformé en mouroir, Convention Center saturé de réfugiés, habitants livrés à eux-mêmes tandis que les forces de l’ordre protègent d’abord les commerces. Le montage alterne vidéos amateurs, bulletins télévisés et témoignages de survivants, donnant chair à l’abandon institutionnel.

Portrait d’un désastre politique

Spike Lee et ses coréalisatrices n’édulcorent rien. Ils pointent l’impréparation des autorités locales, fédérales et nationales. Le choix d’une évacuation « volontaire » condamna les plus pauvres, les personnes âgées, hospitalisées ou incarcérées. La militarisation de la réponse, au détriment de l’aide humanitaire, révèle une logique de contrôle social plus que de secours.

Au milieu du chaos, quelques figures émergent, comme le général Russel L. Honoré, au franc-parler dévastateur : « Baissez vos armes, bordel ! » hurle-t-il face aux soldats plus prompts à brandir leur fusil qu’à sauver des vies. Mais la majorité des rescapés n’ont dû leur survie qu’à la solidarité de leurs voisins.

Vingt ans après : une ville défigurée

Le troisième épisode, coréalisé par Spike Lee, délaisse le récit du désastre immédiat pour explorer ses cicatrices. Gentrification, spéculation immobilière, privatisations : la ville a changé de visage. Quarante pour cent de la population noire a quitté « NOLA » et nombre de familles n’ont jamais pu revenir. Plus de 5 000 enseignants noirs du public furent licenciés, remplacés par des jeunes diplômés venus du Nord, étrangers à la culture locale.

Cette substitution sociale et culturelle est le vrai sujet de Lee : l’effacement d’un héritage, celui des Afro-Américains qui ont façonné l’âme de La Nouvelle-Orléans, du blues au gospel. Derrière la catastrophe naturelle se dessine un désastre politique et racial, où l’Amérique persiste à proroger ses ségrégations.

Jazz, slam et colère : une déclaration d’amour

La mise en scène porte la marque de Spike Lee : mots projetés à l’écran comme des uppercuts, musique omniprésente (jazz, gospel, slam), témoignages croisés d’artistes et d’universitaires, montage syncopé qui épouse la rythmique de la ville. Loin d’un simple travail de mémoire, le film se fait manifeste pour la survie d’une culture.

« Vingt ans après, les gens souffrent encore », lâche Shelton « Shakespear » Alexander, habitant du Ward dévasté. Ces paroles résonnent comme une plainte mais aussi comme un appel.

Regardez le documentaire ici

Katrina. L’ouragan infernal Mini-série documentaire en trois parties de Geeta Gandbhir, Samantha Knowles et Spike Lee
États-Unis, 2025 — 2 × 62 min et 1 × 88 min
Disponible sur Netflix à la demande