Le Petit Prince, l’oeuvre – autobiographie discrète ! – la plus connue d’Antoine de Saint-Exupéry, fut publiée le 6 avril 1943 à New York, simultanément en anglais et en français (la 1re édition chez Gallimard est sortie en novembre 1945). Le Petit Prince est un exceptionnel conte philosophique qui, sous l’apparence d’un texte poétique écrit pour des enfants, s’adresse davantage à des adultes. Dans son premier chapitre consacré à l’énigmatique apparition du Petit Prince dans la vie de Saint-Exupéry, Laurence Vanin précise cette note écrite par Martin Heidegger (laquelle figure sur la couverture de l’édition allemande de 1949) : « Ce n’est pas un livre pour enfants, c’est le message d’un grand poète qui soulage de toute solitude et par lequel nous sommes amenés à la compréhension des grands mystères de ce monde. C’est le livre préféré du professeur Heidegger ».
En effet – et c’est à cette grande et noble réputation que l’ouvrage doit sa notoriété –, Saint-Exupéry invite le lecteur à retrouver « l’enfant qui est en soi » par le biais de fragments allégoriques, de métaphores somptueuses et d’aquarelles (des baobabs). D’ailleurs, le Petit Prince n’est pas seulement et apparemment frêle et candide comme l’est l’enfant ! Au narrateur qui « échoue » dans le désert du Sahara, on se souvient qu’il raconte avec une étonnante maturité son existence sur sa planète, l’astéroïde B612 où sa principale occupation consiste à ramoner des volcans et à prendre soin d’une fleur qu’il veut vite retrouver, car il s’en sent « responsable ». Et puis, au fil de son « passage » sur la terre des hommes, il découvre avec gravité la profondeur de l’amitié, l’amour, ses failles, ses déceptions, les ressorts de la vanité, de l’orgueil, l’univers factice des hommes, l’absurdité de l’existence, les vicissitudes de l’âme humaine.
L’ouvrage de Saint-Exupéry est dédié à Léon Werth, l’un des meilleurs amis adultes de l’auteur « quand il était petit garçon ». Il ne faut pas faire lire Le Petit Prince à des enfants trop jeunes car ils ne sont ni prêts ni matures pour en saisir l’exquise subtilité, ni avec celui ou celle, qui, d’ailleurs, voit de la mièvrerie où il n’y en a guère ! Le Petit Prince est un texte universel, allégorique et profane, qui confine au merveilleux. 61 ans après et 70 ans après la mort de son prodigieux auteur, il n’a pas pris une ride.
On notera également que le Petit Prince, maintes fois adapté au cinéma, sur scène ou retranscrit en BD, est l’ouvrage de littérature le plus vendu au monde depuis sa parution et le plus traduit après la Bible.
L’essai de Laurence Vanin est exceptionnel à plus d’un titre. Il fait partie de ces livres qui favorisent l’éveil et dont la densité s’intensifie à mesure qu’ils sont lus ou relus par des lecteurs attentifs et sensibles aux préceptes de sagesse qu’ils délivrent… Les quêtes terrestres évoquées dans cet ouvrage laissent présager d’un message sous-jacent que l’auteur, Laurence Vanin, s’est attachée à traduire – d’autant que le mouvement de déplacement ou translation qu’effectuent le Petit Prince et le pilote entre le moment de la panne en plein désert et celui de la découverte d’un puits, atteste d’un chemin parcouru et de la quête d’un breuvage « sacré » indispensable à l’humanité.
Dans son étude analytique, l’auteur s’interroge sur les inspirations éminemment philosophiques de l’œuvre tout entière autour de l’incompréhension du héros dans ce monde en transformation, de son expérience de la solitude, de ses questionnements. En évoquant le mystère des astéroïdes, Laurence Vanin réalise ce qui ne fut jamais fait jusqu’alors : ouvrir des brèches de réflexion sur les illusions de la raison, les illusions du vouloir-vivre, l’être et le paraître ainsi que le rapport esthétique à la nature, les réflexions propres à un homme dont la première fonction était avant tout d’être aviateur.
Laurence Vanin se demande avec une acuité exceptionnelle : qui se cache derrière la Rose ? (Consuelo ? Non). Voilà encore tout un pan du symbolisme contenu dans ce conte pour adultes décrypté à la loupe. Tout semble clair et explicité autour du sens des métaphores, des paraboles, et cette manière très intellectuelle d’aborder l’ouvrage par tous les angles rappelle au lecteur lambda la maturité de ce récit si concis et l’intransigeance de ce voyage initiatique, que quelques-uns continuent d’appréhender. Laurence Vanin laisse néanmoins vagabonder l’imaginaire en entrant à son tour dans la peau des personnages. On revit les situations du Petit Prince consciencieusement en cheminant au gré des chapitres. Et sans doute les relit-on différemment. Cette approche interpelle et amène à son tour commentaires et questions. En effet, comment comprendre l’exigence d’un mouton ? Pourquoi les grandes personnes portent-elles des cravates ? Pourquoi évoquer un allumeur de réverbères ou chérir une étoile ? L’auteur lève le voile sur quelques mystères et L’auteur élucide un assemblage d’énigmes jusque là ignorées car insoupçonnées par bon nombre d’entre nous.
Enfin, relevons l’importance de cet ouvrage sur les voies de compréhension et les secrets d’une philosophie de l’éveil : sont naturellement abordés les valeurs de l’amour, les valeurs humaines, le rapport à l’autre, la quête de sens et l’absurdité de la vie et de la mort, son corollaire. Les richesses philosophiques du Petit Prince sont savantes et respectent le but qu’elles se sont fixé. Faire preuve d’une intention philosophique en tant que telle pour un humanisme à conquérir.
Laurence Vanin, L’énigme de la rose, Editions Ovadia, décembre 2013, 183 pages, 18€
Laurence Vanin est philosophe, essayiste, docteur en philosophie politique et épistémologie. Elle enseigne également à l’Université de Toulon où elle est directrice pédagogique de l’Université du Temps Libre.