Le soleil brille depuis plusieurs semaines, l’été est bel et bien installé. Et chacun rêve à ses prochaines vacances. Ralentir le rythme, profiter du beau temps et des paysages ! Quelque soit votre destination, il est toujours utile de glisser un bon roman dans ses bagages. Voici une petite sélection de livres que vous n’avez peut-être pas eu le temps de voir passer.
Encore inconnu il y a quelques mois, Paul Saint Bris cumule les prix littéraires pour son premier roman, L’allègement des vernis (Philippe Rey, 12 janvier 2023). Ce roman au style vif emmène le lecteur au musée du Louvre en compagnie de personnages passionnants. Aurélien, directeur du département des Peintures du Louvre, est un intellectuel nostalgique qui aime se tenir loin du bruit du monde. Daphné, la présidente un brin énergique, lui confie la restauration de la Joconde. Afin de l’épauler, Aurélien part à la recherche d’un restaurateur audacieux en Toscane. Jusqu’au dénouement inattendu, l’auteur démontre, avec brio et humour, que l’allègement des vernis bénéficie autant aux œuvres qu’aux êtres qui lui sont proches.
Journaliste au Monde, Marie Charrel n’en est pas à son premier succès littéraire. Après un roman plébiscité sur un danseur de flamenco, elle nous emmène cette fois en Colombie britannique, province à l’ouest du Canada. Là, on découvre une jeune fille affrontant un ours. Hannah, fille d’immigrés japonais, bercée par les contes de son père, rencontre Jack, un trappeur chargé de compter les saumons pour le compte du gouvernement. C’est un homme rustre mais bon, hanté de blessures mentales et passionné de légendes autochtones. Les mangeurs de nuit (L’Observatoire , 4 janvier 2023) est un roman magique, une ode à la nature et à la fraternité qui vous emportera loin de votre quotidien.
Lola Lafon vient de recevoir le Grand Prix des Lectrices Elle 2023 pour son document, Quand tu écouteras cette chanson ( Stock, 17 août 2022). Ce récit publié dans la collection Ma nuit au musée nous plonge au coeur de la maison d’Anne Frank. Mais l’auteure nous livre ici un autre regard. Anne Frank n’est pas seulement le symbole de la Shoah. Elle est une adolescente, une écrivaine en herbe. Avec un récit parfaitement maîtrisé, l’auteure fait un parallèle avec son histoire personnelle, et donne dimension exceptionnelle à son étude. Cloîtrée dans ce musée, la mémoire ouvre les portes de la grande histoire, pose des questions sur le travail d’écriture, son détournement et sa portée historique. Mais surtout ce livre est un vibrant hommage à l’adolescence brisée par les abus de pouvoir.
En littérature étrangère, je cite à nouveau l’excellent roman de Bernhard Schlink, La Petite-fille (Gallimard, 9 février 2023, traduit de l’allemand par Bernard Lortholary). Par la musique, la littérature, les voyages, l’écoute et la discussion, un libraire tente d’ouvrir l’esprit de sa petite-fille élevée dans l’idéologie de l’extrême-droite. L’auteur offre de nouveau un grand roman sur l’Allemagne qui sonde puissamment la place du passé dans le présent, et nous interroge sur ce qui peut unir ou séparer les êtres.
Avant de nous quitter en juin 2023, Cormac McCarthy nous a laissé deux romans exceptionnels. Avec Le Passager (L’Olivier, 3 mars 2023, traduit par Serge Chauvin), nous faisons la connaissance de Bobby Western, un mathématicien et physicien, hanté par la mort de sa sœur Alicia. En se situant dix ans avant, Stella Maris (L’Olivier, 5 mai 2023, traduit par Serge Chauvin) lève le voile sur le mystère d’Alicia Western. Deux romans noirs dans la lignée des plus grands textes de l’auteur.
À la limite du roman noir, Ces femmes-là (Globe, 9 mars 2023, traduit par Adélaïde Pralon) est surtout un récit féministe à la fine analyse psychologique car son auteur, Ivy Pochada place les victimes au centre de son histoire. Dans un quartier du sud de Los Angeles, plusieurs prostituées sont assassinées selon le même schéma. Ce qui ravive la plaie de Dorian dont la fille a disparu quinze ans plus tôt. Essie Perry, une détective latino, sera la seule à écouter ces femmes-là. Vues par Ivy Pochada, elles sont magnifiques, empathiques, douées et fortes. L’auteur parvient à transmettre leur peur quotidienne. Les mères angoissées pour leurs filles exposées à la violence, aimeraient croire au milieu du désespoir que « leurs filles comptent ». Malheureusement elles sont bien souvent emportées par la boue des violences raciales.
La transition est toute faite vers le roman policier. Et je commence avec Nicolas Lebel. Avec L’hallali (JC Lattès, 8 mars 2023), il nous entraîne dans une enquête addictive et troublante, où justice et vengeance se tiennent la main. Yvonne Chen, ex-flic de la Crime, aujourd’hui agentinfiltré de la DGSI, entre dans la danse des Furies, ces tueurs à gages sans foi ni loi. Un nouveau polar renversant porté par l’humour et le talent d’illusionniste de Nicolas Lebel, où chaque hypothèse du lecteur se voit pulvérisée page après page jusqu’à la révélation finale.
Chris Pavone vous propose de passer Deux nuits à Lisbonne (Gallimard, 11 mai 2023, traduit par Karine Lalechère). Ariel et John, récemment mariés, sont à Lisbonne pour le week-end. Dès le premier matin, John disparaît. Ariel le cherche sans relâche. Mais elle ne reçoit que doute et suspicion tant son récit est fluctuant et lacunaire. Quand les ravisseurs réclament une énorme rançon, Ariel ne sait plus où chercher de l’aide. Le lecteur est manipulé de bout en bout dans ce thriller démoniaque qui aborde des sujets contemporains brûlants : les fake news, la difficulté de protéger sa vie privée, la corruption et l’impunité des élites.
Avec Le cimetière de la mer (Le bruit du monde, 2 février 2023, traduit par Loup-Maëlle
Besançon), le norvégien Aslak Nore propose une fascinante saga familiale et un haletant thriller. Lorsque Vera Lind, écrivaine survivante du naufrage d’un express côtier pendant la seconde guerre mondiale se suicide, elle laisse à sa petite-fille un curieux testament. Aslak Nore s’inspire de toutes ses vies (même si il n’a que la quarantaine) pour construire cette passionnante saga familiale norvégienne. Secrets de famille, fresque sociale, drame historique, conflits familiaux et conflits armés. Nous sommes face à un roman foisonnant où chaque personnage est habilement travaillé. Le suspense reste entier jusqu’au dénouement inattendu quoique subtilement préparé.
Plus facile à glisser dans une valise et à transporter en tout lieu, le livre de poche est
particulièrement prisé pour les vacances d’été. En attendant avec impatience son prochain roman, Le plus court chemin (Verdier, août 2023), plongez dans la poésie de l’écrivain belge Antoine Wauters avec Mahmoud ou la montée des eaux (Folio, 9 février 2023). En Syrie, un vieil homme rame à bord d’une barque sur le lac el-Assad. Tentant d’oublier les combats qui font rage en ce printemps 2011, Mahmoud se souvient de ce village où il est né, enfoui sous les eaux. De son premier amour, de sa femme disparue et de ses fils partis à la guerre. Un magnifique roman, une poésie nostalgique face au chaos du monde.
Kukum (Points, 9 septembre 2022), le premier roman publié en France de l’écrivain et journaliste Michel Jean vient de recevoir le Prix du meilleur roman des Lecteur Points 2023. Almanda a 15 ans quand elle tombe amoureuse de Thomas, jeune Innu de l’immense lac Pekuakami. Orpheline québécoise d’origine irlandaise, elle quitte les siens pour le suivre dans cette existence nomade, brisant bientôt les carcans imposés aux femmes autochtones pour apprendre la chasse et la pêche. Ancré dans une nature omniprésente, sublime et très vite menacée, son destin se mêle alors à celui, tragique, d’un peuple ancestral à la liberté entravée.
À travers l’histoire de deux frères, Jess Walter propose avec Des jours meilleurs (1018, 15 juin 2023, traduit par Jean Esch), une grande saga historique, une aventure humaine véridique où marginaux, anarchistes et suffragettes s’unissent pour imposer leurs droits de travailleurs dans l’Amérique du début du XXe siècle. Un roman brillant et passionnant qui rend hommage aux acteurs des grands mouvements sociaux américains.
Unidivers vous souhaite un très bel été.