Au bas de la place des Lices, l’église Saint-Étienne se cache derrière de grands immeubles. À peine visible, elle est une des rares églises conventuelles de Rennes. Malheureusement pas toujours ouverte au grand public…
La communauté des Augustins chercha à s’installer dès les années 1660 dans la capitale bretonne. Faute d’argent, ils n’ont pas édifié le couvent espéré, mais ils ont inauguré en grande pompe une église conventuelle le 16 janvier 1700, au bas de la Place des Lices.
« Saint-Étienne : la seule église conventuelle »
À la Révolution française, les religieux furent expédiés loin de la ville et leur église conventuelle devint paroissiale. Tout au long du XIXe siècle, les fidèles y prièrent la mémoire de saint Augustin dont la statue fut installée en 1816 à côté de celle de Saint-Étienne près de l’autel.
En 1848, les vitraux des deux saints furent même installés au fond du choeur. Puis en 1859, J.-B. Barré sculpta un Saint-Augustin et un Saint-Etienne en façade. Tandis qu’en 1870, l’atelier de C. Lavergne de Paris réalisa les verrières du transept, avec d’un côté le Martyre de Saint-Etienne, et de l’autre la Conversion de saint Augustin.
La plus grande réussite architecturale est sans commune mesure celle de la façade. « Le corps central est bien dessiné et les statues de JB Barré (1859), les médaillons (Cœurs de Jésus et de Marie, 1844) et quelques enjolivements (par exemple à la croix) sont à noter, » fait remarquer le père Blot, dans une étude en 2006.
Avec 52 m de long sur 26 de large, cet édifice compte parmi les grandes églises de l’Ancien Régime à Rennes. Elle serait bien plus spacieuse que l’église des Jésuites ou celle de Saint-Sauveur. En revanche, elle n’aurait pas la même qualité architecturale. Le seul ornement valable : la présence de pilastres au carré de transept, dans lesquels sont percées quatre niches.
Dans le temps ancien, le maître-autel était jugé somptueux. De tout cela, il ne reste que les quatre grandes colonnes de marbre noir ainsi que la croix et les chandeliers venus de Paris en 1824. « En 1827 en effet, tout fut refait intégralement, sous la direction de l’architecte Soulefâché. Le baldaquin et le tabernacle par le menuisier Guignette et l’autel, semble-t-il, par Melin. Le centre de la gloire fut sculpté par Odelly tandis que Rouaux ajoutait les rayons. Le tout fut peint et doré par Laporte et l’an suivant furent ajoutés deux Anges adorateurs d’Odelly ».
En 1842, Charles Langlois améliora cet autel jugé trop sec. Par la suite, les Anges adorateurs ont cédé la place à d’imposants candélabres de l’orfèvre parisien Poussièlgue-Rusand… À noter également une grande statue de la vierge de terre cuite qui se trouvait dans le jardin du presbytère de Saint-Étienne, dans une grotte. Provenant sans doute de l’ancienne église Saint-Étienne, sa main droite fut refaite, il y a une dizaine d’années.
Outre le tableau de la multiplication des pains, une grande statue de Madeleine pénitente est à découvrir dans l’édifice. Elle fut réalisée par J.-B. Barré en 1842 (encore lui) et primée au Salon de Paris en 1843. « Elle fut placée à Saint-Étienne le 14 août 1843 pour remplacer le petit autel de la Providence en haut de nef, et finalement reléguée au bas de l’église en 1956. «
Dans une paroisse où elle voisine avec la cathédrale métropolitaine et la basilique Saint-Sauveur, cette église modeste a-t-elle un intérêt ? « Elle est la plus apte à assumer la fonction proprement paroissiale. Elle est du reste bien placée, près d’un pont qui relie le quartier «historique » et le nouveau quartier du Bourg-Lévêque, et son environnement immédiat est bien dégagé et très paisible, » indique le père Blot dans une étude consacrée à cette église en 2006.
Rare témoin des églises conventuelles, l’église Saint-Étienne est composée d’un mobilier reno-rennais. « C’est par exemple l’église qui renferme le plus d’œuvres de J.-B. Barré, mais aussi des Mélin, de Jourjon ou d’artistes oubliés comme Odelli ou ce Lesoufâché (ou Soulefâché) qui en 1827 (à 18 ans !) dirigea la construction du baldaquin et de l’orgue avec sa tribune… Ses trois orgues et sa bonne acoustique sont aussi un atout. »
De nos jours, le diocèse se pose la question, « non pas d’une élimination, mais de la réaffectation plus valorisante » de quelques œuvres : le troisième orgue; la statue de la Vierge à l’Enfant du début du XVIIe (arrivée récemment, elle pourrait combler l’absence de Vierge de vénération dans la cathédrale) ; la statue de Saint-Pierre qui pourrait aussi jouer un rôle plus intéressant à la cathédrale… Tout reste à étudier au plus vite et le plus sérieusement du monde. En attendant, l’édifice devra être réhabilité intérieurement, après l’avoir été extérieurement. Il en aura en effet bien besoin, surtout la voûte de plâtre et les orgues. L’affaire est à suivre…
Jean-Christophe Collet
Sources : une étude écrite en 2006 par le Père Roger Blot pour la Chronique Patrimoine de la revue Église en Ille-et-Vilaine