Lepers. Para Bellum, un premier album rap entre ombre et lumière

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Lepers sortait Para Bellum, son premier album, le 26 mai 2023 sur le label Foudrage. Le rappeur rennais livre un généreux opus de 17 titres tout en nuances. Parfois brute et provocatrice, parfois sensible et poétique, la plume de Lepers se balade avec talent sur des productions composées avec Lokiboy. Le long de ce chemin, elle tend un miroir de la vie, celle de l’artiste aussi bien que la nôtre, entre ombre et lumière, élans autodestructeurs et espoirs de paix intérieure.

Lepers nous attend au Salon, 12 rue Dupont des Loges à Rennes, siège du label Foudrage. Visage tatoué, tenue streetwear, confortablement installé dans un fauteuil, il se livre. On sent chez le rappeur le désir de raconter des histoires et l’habitude de parler par images, comme s’il ne lâchait jamais complètement la plume avec laquelle il s’épanche dans son premier album, Para Bellum.

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Lepers au Salon.

Avant d’être Lepers, Lepers a été un petit garçon fasciné par le rap que pratiquait son grand frère au début des années 2000. « À l’époque les mecs se rejoignaient en fin de semaine pour faire des freestyles. Quand on était dans sa voiture, mon frère passait une instrumentale et rappait dessus. Je me rappelle encore la prod’, “Droop” de DJ Premier », raconte-t-il. Dès ses 8 ans, il commence à écrire des textes de rap. À 10 ans, il apprend en autodidacte les bases de la guitare, puis du piano. À 13 ans, il dépense toutes ses économies dans un logiciel de MAO. « J’ai toujours voulu mettre les mains dans la composition », explique-t-il.

Passent alors dans ses oreilles le rap américain, Slim Shady en tête (alter ego d’Eminem), les épigones français, Fonky Family, Don Choa, John Gali. Il écoute plus particulièrement les plumes du rap français : Médine, Kerry James, Youssoupha, La Fouine, Furax Barbarossa. Il dédie une passion à Stupeflip, pour sa façon de briser les codes en bricolant un son bien à part, et confie aussi un amour pour Freddie Mercury et Georges Brassens.

À l’adolescence, il enchaîne les projets musicaux. Arrivé à Rennes, il prend part au X3 gang, où le nom de Lepers fait ses premières apparitions. « À chaque nouvelle phase de ma vie, ma musique change avec moi. Le but c’est ça pour moi, apprendre », déclare Lepers. Il adopte finalement ce pseudonyme pour son projet solo, lancé en 2021. Après trois EP, dont un composé avec DJ Weedim, Lepers s’attaque à ce qui sera son premier album, Para Bellum.

Cet album, il le travaille avec son complice de longue date, Lokiboy. « Il compose la plupart des instru, enregistre et mixe », précise Lepers. « On essaie d’avoir une signature reconnaissable, une clarté dans la voix, dans le mix. On recherche un son pur », ajoute le rappeur. Les instrumentales soignées et pleines de détails tournent autour de la trap, qu’elle soit sombre, mentale ou mélodique. Mais au cours de l’album, on entend aussi des accents boom bap, RNB, dancehall, drum’n’bass, techno, des accords de piano et de guitare, des plages atmosphériques évoquant l’abstract hip hop. « L’album est une palette des différentes sonorités que j’aime », résume Lepers.

Au-delà du mixage et du mastering réalisé par Lokiboy, ce qui donne son unité à Para Bellum est la voix et la plume de Lepers, tantôt sensible et poétique, tantôt brutale, parfois ordurière. « L’écriture, c’est mon petit pétrole, mon savoir-faire que j’affine, que j’essaie de tailler comme une pierre », confie Lepers. Une fois l’instru trouvée, son écriture jaillit spontanément. Le storytelling vient ensuite. Le titre Para Bellum reprend la moitié de l’adage latin « si vis pacem para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre). La guerre, mais contre qui ? « Contre soi-même », répond Lepers. « Le thème principal c’est un mec tout seul. Il fait la guerre à personne, il parle de plein de sujets où il en veut au monde entier, mais c’est à lui qu’il fait du mal. C’est pour ça qu’on peut entendre deux voix dans l’album. L’une, grave, froide, terre à terre, plus haineuse, et une plus vive, plus aiguë, plus dans l’émotion. »

En effet, dans son album Lepers oscille entre rap brut, invoquant les parties les plus dures du hip hop, et la poésie urbaine qui rapproche le rappeur de la chanson française. « Comme tout le monde, j’ai ma carapace. J’aime ne pas être que l’artiste sensible ou que l’artiste énervé. J’aime que ma musique reflète la vraie vie », explique-t-il.

Dans ce miroir de la vie qu’est l’écriture, certaines formules ou termes peuvent accrocher l’oreille. D’autant plus à une époque où la langue se police, se corrige, à raison, pour ne plus perpétuer des formes d’oppressions. Le rap, qui historiquement a toujours choqué les bonnes mœurs par ses sujets de prédilection, son imaginaire visuel et sa langue fleurie d’argot et d’insultes se trouve alors dans une position délicate. Mais encore faut-il discerner de quelle façon ses codes sont utilisés. « Si t’es premier degré, tu vas pas m’encadrer », prévient Lepers. « Quand je dis “salope”, je m’adresse pas à la gent féminine. Quand je dis “suce-moi”, je parle pas de fellation. Ça veut dire vante-moi, admire-moi, on est dans l’egotrip », explique-t-il.

Aussi, Lepers se défend d’une interprétation simpliste de son œuvre. « Le problème aujourd’hui avec l’opinion publique, c’est que des gens qui ne cherchent pas à comprendre ce que tu veux dire vont se servir de la moindre chose pour te taxer de ceci ou cela », déplore le rappeur. Il défend au contraire une œuvre d’art avec « différentes couches de lecture », proposant ainsi sa « conceptualisation du monde » à travers un rap fait d’images, de métaphores, « comme dans la littérature », résume-t-il.

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Artwork : Kobanovitch

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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