Les Belles Ambitieuses : de tout temps, on sait ce qui a conduit les uns les autres aux plus hautes fonctions du pouvoir : l’argent, la politique, le sexe. De tout temps, on sait ce qui a provoqué la chute des plus influents : l’argent, la politique, le sexe. Voilà donc à la fois ce qui attire ou ce qui apeure. Peut-on réussir sans en passer par là ???
Traîner au lit avec une dame aimable est une sagesse : on n’y a besoin de rien ni de personne d’autre. C’est aussi une plénitude, c’est-à-dire un paradis.
Paris, années 70.
Amblard Blamont-Chauvry, polytechnicien, énarque est promis à une grande carrière. Descendant d’une famille puissante, son destin semble tout tracé. Autant que son ami Thierry d’Audignon, riche héritier. Blamont-Chauvry doit se résoudre à un beau mariage avec la jeune Isabelle Surgères, même s’il ne l’aime pas. Il faut savoir se sacrifier un peu pour nourrir ses ambitions et entretenir son statut social.
Nonobstant, le jeune homme en a décidé autrement. Ce qu’il souhaite avant tout : s’adonner à la paresse, l’oisiveté, la luxure, la gourmandise et autres plaisirs. Eh oui, c’est un jouisseur, pas nécessairement un « sauteur »… Un jouisseur. Et puis, il y a celle qu’il aime en secret, la jeune Coquelicot. Intrigante ? Peut-être… En tout cas, c’est elle qui éveille tous ses sens et qui anime les vaisseaux de son cœur. Et puis, il n’y aurait pas d’apprentissage efficient pour devenir le parfait égoïste gonflé d’orgueil comme de cynisme sans sa bonne marraine, la comtesse de Florensac qui tient salon dans les parages et lui prodiguera les meilleures leçons possibles pour nager dans ce « marigot doré » car c’est bien connu, même les crocodiles se dévorent entre eux.
À travers une époque, savamment retracée, celle des années post 68, en pleine période Pompidou, fin des Trente Glorieuses, Stéphane Hoffmann nous offre une peinture satirique d’une certaine société, celle des nantis, des héritiers – non des bourgeois bien trop vulgaires -, qui vivent nombre d’intrigues (qui ne sont pas sans rappeler celles des cours de nos ancêtres rois de France). D’ailleurs, l’essentiel de l’intrigue de ce roman cruel se déroule dans la bonne ville de Versailles, Paris manquant singulièrement de panache.
Au-delà, la thématique de l’ambition est le cœur même de cette proposition littéraire. Quand on est issus de là, que faire de sa vie ? Comment s’épanouir ? Doit-on être utile ? Peut-on être utile ? Être libre ? Faut-il être ambitieux ? Et comment s’y prend-on pour réussir à ne rien faire en donnant le sentiment de s’investir, d’être nécessaire et incontournable ?
Si les hommes sont – avec une redoutable efficacité – croqués, les femmes, ces Belles Ambitieuses, ne sont pas en reste. L’auteur leur réserve des portraits au scalpel. Si les petits marquis gonflés de testostérone croient les diriger, les maîtriser, les dominer, il n’en est rien. Ces dames savent utiliser leurs charmes pour mener leur barque. Et acquérir un statut social, se protéger du lendemain, s’assurer une sécurité n’est pas non plus impossible. Car ces petites marquises, souvent menacées par l’âge, maîtrisent parfaitement l’art de la manipulation, de la politique, de l’intrigue. Et qu’on ne les prenne pas pour des écervelées, elles peuvent s’avérer redoutables et venimeuses.
Roman élégant à l’humour mélancolique. C’est éblouissant de finesse. (de là où il est La Bruyère a dû se délecter)
Les belles ambitieuses un roman de Stéphane Hoffmann aux Éditions Albin Michel. 265 pages. Parution : 22 août 2018. 19,50 €.
Couverture : © Philippe Narcisse – Photo Stéphane Hoffmann – © David Ignaszewski
Lire un extrait ici.
Journaliste et critique littéraire, Stéphane Hoffmann publie Le Gouverneur distrait en 1989 et obtient le prix Nimier pour Château Bougon en 1991. Des filles qui dansent (2007) et Des garçons qui tremblent (2008) le consacrent comme un de nos plus brillants romanciers. Les autos tamponneuses, en 2011, confirment son succès. En 2016, il obtient le prix Jean Freustié pour Un enfant plein d’angoisse et très sage.
https://vimeo.com/276399344