Depuis quelques jours, le dernier spectacle de Roméo Castellucci, sur le concept du visage du fils de Dieu, fait l’objet d’une campagne violente menée par des fondamentalistes chrétiens et des militants royalistes de l’Action française. Actuellement présenté sur la scène parisienne du Théâtre de la ville, il est régulièrement perturbé par des jets d’oeufs et de boules puantes sur le public, quand les perturbateurs ne rentrent pas carrément sur les planches.
Les jeunes extrémistes ne supportent pas la mise en scène du Christ, dont l’image est maculé par une étrange matière (assimilée par les provocateurs à de la m….). Mais de là à censurer bruyamment la création du metteur en scène italien, l’intelligentsia parisienne ne peut le comprendre. Sous l’égide du directeur de la salle parisienne, Emmanuel Demarcy-Molla, plusieurs artistes et intellectuels ont signé une pétition. Tandis que Frédéric Mitterrand a porté plainte contre les agitateurs. Quoi de plus normal.
Jouée dans d’autres pays, la pièce n’a pas fait de bruit. Mais pourquoi donc en France, provoque-t-elle autant de remous ? Dans notre contrée, les oeuvres anti-chrétiennes ont toujours suscité les protestations virulentes des mouvements traditionalistes et intégristes. A l’époque de La tentation du Christ, film de Martin Scorcèse, tout fut tenté pour empêcher que le film soit vu par les cinéphiles. Dans les salles, des activistes ont cassé des glaces, menacé les spectateurs et incendié le cinéma Saint-Michel.
Dans les journaux, Castellucci pardonne les fauteurs de troubles car “ils n’ont jamais vu le spectacle”. Visage de la raison, le metteur en scène trouve les mots pour apaiser les choses. Il apparaît bien au dessus de la mêlée et se fait au passage un sacré coup de pub. Car, encore une fois, la qualité du spectacle n’est pas mesurée à l’aune des critiques, mais à celle de l’imbécillité des extrémistes. Convenons-en, ces jeunes hommes auraient été mieux inspirés s’ils avaient su manier l’ironie dans leur protestation.
A Rennes, où le spectacle est programmé dans le cadre du festival Mettre en scène du jeudi 10 novembre au 12 novembre, on utilisera la force publique en cas de fauteurs de troubles. François Le Pillouër, directeur de la salle du Théâtre nationale du public, l’a dit et redit dans les colonnes des journaux locaux. En attendant, il prévient les âmes sensibles sur son site Internet par ces quelques mots : “Attention, ce spectacle peut choquer”. Pour s’en convaincre, il suffit juste d’aller le voir…
Résumé de la pièce : Sous le visage du fils de Dieu, dans un salon d’une suprême élégance, un vieillard au corps délabré crache sa souffrance, ses dégoûts, se déleste de tout ce qui l’encombre : le monde policé qui l’entoure, auquel il appartient et dont il se voit prisonnier. A ses côtés, son fils, pareil à ce qu’il fut et qu’il ne peut plus être, le soigne et tente de le ramener aux convenances.