Deux romans autobiographiques (Rien ne s’oppose à la nuit et D’après une histoire vraie) ont permis aux lecteurs de comprendre la force et la sensibilité de Delphine de Vigan. Avec Les loyautés, l’auteure renoue avec la fiction et la compréhension des fragilités adolescentes (No et moi, 2008) et des doutes des adultes (Les heures souterraines, 2009).
Ici, plus que jamais, d’un regard sensible et percutant, Delphine de Vigan nous interpelle sur l’enfance maltraitée.
Hélène est professeure de sciences dans un collège. Battue dans son enfance par un père sadique, elle est particulièrement sensible aux petits signes silencieux des enfants en détresse. Elle voit tout de suite en Théo un adolescent en souffrance.
« C’était quelque chose dans sa façon de se tenir, de se soustraire au regard… »
Sa révolte obsessionnelle et son obstination la poussent alors à dépasser ses droits. Pour tenir les promesses de l’enfant qu’elle fut, elle veut absolument en savoir plus et sauver ce garçon.
Aucune trace de coups sur le corps de Théo. C’est ailleurs que s’immisce le mal résultant d’un divorce mal vécu. Sa mère reporte son dégoût d’un mari déserteur sur son fils. Le père, entraîné dans une mauvaise spirale renonce à la dignité. Taisant ses hontes et ses souffrances, Théo boit de l’alcool comme s’il voulait en mourir, descendre du train de cette vie humiliante.
Dans cette folie, le jeune garçon entraîne Mathis, son unique ami.
« Jusqu’où peut-on être complice de l’autre ? »
À qui se confier lorsqu’on est adolescent ? Les adultes sont loin et se débattent aussi dans leur propre misère. Cécile, la mère de Mathis, est en pleine confusion en découvrant la vraie personnalité de son mari. Ce grand homme de belle famille qui lui a tant reproché son modeste milieu de naissance se révèle être une énigme.
Dans ce roman choral, chacun est victime de l’autre et chacun se débat en solitaire cachant sa honte et ses blessures. Lumineuse, volontaire, Delphine de Vigan croit pourtant à cette solidarité humaine qui peut sauver les autres en se sauvant soi-même.
Car ces loyautés, que définit l’auteur en incipit, nous les avons au fond de nous.
« Les loyautés.
Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres — aux morts comme aux vivants —, ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l’écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d’ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires. »
Le roman Les Loyautés tant attendu en cette rentrée littéraire tient ses promesses. Delphine de Vigan porte un regard sensible et juste sur les douleurs intimes que l’on cache au plus profond de soi par honte ou par respect du lien que l’on veut garder avec l’autre.
Les Loyautés Delphine de Vigan, JC Lattès, 3 janvier 2018, 208 pages, 17 euros, 9 782 709 661 584
Biographie de Delphine de Vigan
2001 : Jours sans faim, éditions Grasset (sous le pseudonyme de Lou Delvig)
2005 : Les Jolis Garçons, éditions Jean-Claude Lattès
2005 : Un soir de décembre, éditions Jean-Claude Lattès
2007 : No et moi, éditions Jean-Claude Lattès
– Prix des libraires 2008
– Prix du Rotary International 2009
2008 : Sous le manteau, éditions Flammarion (ouvrage collectif)
2009 : Les Heures souterraines, éditions Jean-Claude Lattès
– Prix des lecteurs de Corse, 2010
– Prix du roman d’entreprise, 2009
2011 : Rien ne s’oppose à la nuit, éditions Jean-Claude Lattès
– Prix du roman Fnac 2011
– Prix Roman France Télévisions 2011
– Prix Renaudot des lycéens 2011
– Prix des lectrices de Elle
2015 : D’après une histoire vraie, éditions Jean-Claude Lattès
– Prix Renaudot 2015
– Prix Goncourt des lycéens 2015