Linden Tar c’est le titre d’un film encore inachevé. C’est l’histoire « vraie » de Tishka, un personnage en peluche qui évolue dans un univers fantasmagorique fait de bric et de broc, mais sculpté par une lumière ordonnatrice et créatrice. Linden Tar, c’est le projet porté par Olga Gretchanova, une jeune artiste russe.
La laideur a de la beauté et la beauté a de la laideur. Le monde est plein de ce paradoxe qu’il poursuit jusqu’à l’absurde. C’est lui qui donne à l’art son unité, tout à la fois harmonieuse et dramatique. (Andreï Tarkovski, Le Temps scelléI)
La fréquentation des réseaux sociaux, l’abonnement aux actualités de certains artistes ne sont pas nécessairement une vaine occupation. Elle permet parfois la découverte de beaux projets en devenir. C’est par le biais d’un fil d’actualité de Sargent House, la maison de disque de Chelsea Wolfe que nous avons eu connaissance du projet de court-métrage intitulé Linden Tar. En cours de réalisation, ce film nous a paru digne d’un grand intérêt par son propos et sa manière de le traiter. Utilisant uniquement des objets, des bouts, des rebuts, des choses déclassés et rejetés pour en faire naître un univers tout à la fois poétique, lunaire et signifiant, Olga Gretchanova s’apprête à créer une œuvre courte, mais extrêmement dense. Peut-être précisément par cette sorte de résurrection créatrice que l’œuvre apporte à ces petits bouts de rien. Ceux-ci ne sont pas remisés par une fausse commisération dans un réalisme péremptoire en porte-à-faux. Tout en restant à leur niveau de fragilité, ils sont conduits vers l’exutoire d’une vie fantasmagorique émotionnellement plausible. Sans maniérisme, mais avec une grande minutie, les images sont belles, vivantes, animées d’un désir vibrant, portées par un étourdissant travail sur la nostalgie première de la lumière…
Olga et son équipe espèrent pouvoir terminer à temps leur film afin de le présenter au Festival international du film d’animation d’Annecy en France en 2016. C’est ce que nous pouvons souhaiter de mieux à ce projet aussi charmant que déroutant. A ce petit film à l’esprit d’enfance fait, non pour les petits enfants, mais pour les grands, pour les nostalgiques qui veulent tirer le meilleur et le plus beau, le plus onirique et le plus significatif de ce sentiment qui peut être aussi amer que prospectif…
Linden Tar est un court métrage d’animation d’une durée de 5 minutes. C’est une histoire à propos de notre capacité à surmonter nos peurs et à réaliser que nous ne sommes pas obligés de tout faire par nous-mêmes. Notre héros sera contraint à quitter le confort de son domicile et à faire face à l’immensité d’un monde rempli de dangers et qui vit gouverné par des lois inconnues. Mais que se passerait si il ouvrait son cœur à ce monde ?
Unidivers : Quand avez-vous commencé le projet Linden Tar, pourquoi et quelles étaient vos motivations ?
Olga : J’ai commencé à travailler à il y a un an. J’ai d’abord commencé en créant une poupée-lampe avec tout ce que j’avais sous la main : des billes de spray déodorant par exemple – c’était un vrai jeu de construction. J’ai été totalement absorbé par ça et je ne pouvais plus m’arrêter.
U : Votre projet prend la forme d’un film animé en stop motion picture… C’est un travail dur, long, fastidieux, pourquoi avoir choisi cette forme d’expression ?
Olga : Les poupées me rendent heureux. L’animation avec des poupées c’est un monde, un monde qui a ses propres surfaces, ses matériaux, son air… et sa lumière. Regarder le travail d’un directeur de la photographie c’est comme dessiner, c’est même plus agréable encore. Il y a aussi une sorte de challenge car en stop motion il est impossible de corriger une scène, vous devez la refaire. Vous devez rassembler toutes vos forces sans savoir avant la fin si vos efforts seront couronnés de succès.
U : Y a-t-il une signification particulière au fait que vous utilisiez principalement des objets usés, rejetés, passés de mode ? A propos de la manière dont nous vivons avec les choses, avec nos émotions, nos souvenirs ?
Olga : Nous vivons en Russie et, bien sûr, nous disposons de tous les gadgets actuels. Néanmoins nous sommes tous nés au temps de l’URSS. Nous portions alors les vêtements de nos aînés, nos vélos avaient été les leurs aussi. Dans la lampe du film, sur la bande qui l’entoure, il y a des images de mois lorsque j’avais douze ans, à la plage avec mes parents. Alors, oui, ces choses disent quelque chose de moi, de mon histoire. Mais bien sûr chaque enfant à eu un chien ou un ours en peluche comme ceux que nous utilisons. Aussi la tendresse et la rigueur face aux choses de cette période et des histoires qu’elles en racontent viennent de là.
U : Même si vos images sont intrigantes il y a en elles quelque chose de lumineux. Et pourtant vous avez choisi de demander à Chelsea Wolfe de vous donner le droit d’utiliser ces chansons pour votre film… Les chansons de Chelsea Wolfe ne sont pas si lumineuses, pourquoi lui avoir demandé à elle ?
Olga : L’équilibre entre le mignon et l’affreux, l’amusant et l’inquiétant est très important à mes yeux. Je perçois des stridences, de la beauté et de la peine dans la musique de Chelsea. Elle complète notre film cette musique, elle le rend plus pénétrant…