Danse, AH/HA Lisbeth Gruwez – Peut-on en rire ?

Éclater de rire. Pleurer de rire ! Mourir de rire !! Rire de joie ou rire jaune ? Du rire salvateur qui libère au rire gras qui détruit, dans AH/HA Lisbeth Gruwez explore tous les états que le rire provoque dans une performance incandescente !

Lisbeth Gruwez, cette flamboyante guerrière de la beauté, a marqué de son empreinte le répertoire de la danse contemporaine. Avant de devenir une chorégraphe de notoriété mondiale, elle a travaillé pour les plus grands créateurs belges. Depuis 1999, elle travaille avec Jan Fabre. Ce metteur en scène et chorégraphe flamand (dont elle a longtemps été l’égérie) a créé pour elle et avec elle le très remarqué solo Quando l’Uomo Principale è una Donna. Il continue de la soutenir en accueillant sa compagnie dans son lieu fétiche : le Troubleyn/Laboratorium à Anvers.

AH/HA ©Luc Depreitere
AH/HA @ Luc Depreitere

Le compositeur Maarten Van Cauwenberghe travaille avec Jean Fabre depuis 1999 également. Avec Lisbeth Gruwez, ils ont créé en 2007 la Cie Voetvolk – en français Infanterie. Ils s’engagent ainsi : Nous voulons jeter nos corps dans la bataille sans artifices techniques.

Dans leur nouvelle production AH/AH, si le rire part en éclat, la performeuse en ramasse les moindres débris afin d’en exploiter intensément les effets physiques, physiologiques et psychiques. Elle rompt avec l’habitude contractée durant ses quatre précédents solos en étant accompagnée sur scène par deux danseuses et deux danseurs. Pour explorer le rire, elle choisit pour la première fois le groupe. Comme une évidence.

AH/AH Lisbeth Gruwez et Maarten Van Cauwenberghe
Cie Voetvolk

Un coin d’herbe surgit du plateau plongé dans le noir… Un tapis vert pré montent comme une colline en arrière-scène,  les cinq danseurs s’y tiennent droits, immobiles, comme en apnée.

Puis dans une savoureuse symbiose, les corps se creusent avant de se tordre en choeur dans une imperceptible lenteur. Les costumes typés very british style sims 80’s, comme des fleurs, accentuent les singularités. La lumière est faible. En chœur, les corps se mettent à rebondir, montés sur ressorts… Twing, twing, twing : la bande-son vient scander l’étrange bruitage grinçant d’un vieux sommier aux ressorts rouillés, évoquant inévitablement… les ébats amoureux. Tous les membres et les visages des danseurs rebondissent du grotesque à l’érotique. Les saccades durent et deviennent maladives par leur accumulation.

Alors, les cinq danseurs semblent exploser d’un rire sans son. Des gestes convulsifs éclatent, comme jetés hors de contrôle. Les convulsions du rire gagnent monstrueusement les corps jusqu’à ce qu’ils se rassemblent, s’immobilisent au lointain sur deux lignes serrées. D’immenses sourires s’inscrivent sur tous les visages. Un cri de rire jaillit de l’un , puis tous hurlent de rire, comme des instruments émettant une effrayante musique sur le même mouvement. Le rire communicatif contamine le public.

Une ambiance de trouble psychiatrique envahit la scène. Les rires silencieux – altérant les visages et les corps, submergés d’hystérie et déformés de folies – finissent par susciter la gêne… Au même plan, le solo calme de l’une des danseuses distribue des gestes doux et gracieux ; ils viennent apaiser le spectateur éprouvé par tous ces va-et-vient magnétiques aux frontières poreuses du normal et de l’anormal.

Les corps des danseurs s’unissent doucement dans un mouvement oscillant et sensuel. Les visages semblent s’embrasser, avant que les jambes et les bras s’emmêlent, dans une union délicate et érotique. Comme un serpent à cinq têtes, à l’image du mythique Nâga, symbole de l’énergie vitale, dix mains aux caresses suggestives passent sur toutes les parties des corps, jusqu’à ce qu’ils explosent d’un rire de joie.

D’un coup sec, ils se dispersent !

AHHA lisbeth gruwez
AHHA © Michel Petit

Pour en rire.
Avant une nouvelle longue apnée immobile, étalés au sol, tournés vers le fond de scène. Les corps, scratchés comme des vinyles doucement finissent par s’élever jusqu’à tenir debout.
Ils avancent vers les spectateurs sur la chanson tubesque Hello de Lionel Richie. Une invitation à danser le traditionnel slow final…

Lisbeth Gruwez fait jaillir l’énergie vitale du rire ! Sa présence permanente en fond de scène embrase de sa lumière ses interprètes. Son sujet de prédilection « l’extase des corps » l’emmène aux frontières ténues entre la performance et l’expérimental. Elle prend le risque de plonger dans des zones qui dérangent. Loin de la comédie burlesque qui pousse à l’hilarité, il se dégage de cette chorégraphie une joie de vivre réjouissante d’humanité. AH/HA peut être perçue comme une suite du précédent solo de Lisbeth Gruwez intitulé It’s going to be worse, and worse and worse my friend. Ce travail remarquable s’employait à décrypter la puissance des gestes et la sémiotique corporelle des orateurs de pouvoir durant un discours et se terminait par les soubresauts saccadés qui suivent les fous rires…

À suivre, Lisbeth Gruwez danse Bob Dylan. Production en création. Un hymne à l’amitié et une exclamation de gratitude envers ses guides. Un nouveau rendez-vous border line magnétique et flamboyant à ne pas manquer.

 

concept & chorégraphie Lisbeth Gruwez / composition, création sonore & assistance Maarten Van Cauwenberghe / danseurs Mercedes Dassy, Anne-Charlotte Bisoux, Lisbeth Gruwez, Vicente Arlandis / Recuerda, Lucius Romeo-Fromm / costumes Catherine Van Bree / conseiller artistique  Bart Meuleman / répétiteur Marina Kaptijn / création lumières Harry Cole / assistante lumière Caroline Mathieu / production Liesbeth Stas / stagiaire production Stephanie Pysson / stagiaire assistante-chorégraphie Sarah Huygens

+ d’infos: Troubleyn/Laboratorium

Lisbeth Gruwez

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