A L’atelier et Galerie d’art L’imagerie de Lannion, l’artiste photographe rennaise Lise Gaudaire expose Les Faiseurs de paysage du 2 octobre au 31 décembre 2021.
Lise Gaudaire présente à L’Imagerie son projet Les Faiseurs de paysage, fruit d’un travail au long cours initié en 2017. Dans cette série, ce ne sont pas les paysages spectaculaires ou grandioses qui intéressent l’artiste, mais plutôt des lieux ordinaires, relativement communs, souvent situés en territoire rural : des sous-bois, des champs, les berges d’une rivière. Des lieux qu’on ne regarde plus à force de les fréquenter et qu’on tend à considérer comme « naturels », comme si la main de l’homme n’avait pas de prise sur eux. Pourtant, même si aucune construction ou habitation n’y est visible, ces paysages ont tous été — à des échelles variées — façonnés par l’homme.
C’est cette influence plus ou moins perceptible des activités humaines sur le paysage que documente Lise Gaudaire. Elle photographie par exemple une forêt après le passage des bûcherons, transformée de manière évidente par l’abattage des arbres. Mais la forêt se trouve tout autant modifiée par d’autres aménagements moins sensibles au premier abord, comme les plantations de nouveaux arbres gérées par les employés de l’Office National des Forêts, qui changent la forêt au fil des ans. Les paysages sont le résultat de décisions (économiques, administratives ou politiques) qui agissent sur leur morphologie. Ils ne sont pas « déjà là », immuables, mais sont au contraire perpétuellement mouvants, toujours en devenir.
Les Faiseurs de paysage est l’aboutissement de trois résidences artistiques, ayant donné lieu à trois chapitres, rassemblés ici pour la première fois. Le projet a débuté à Bazouges-la-Pérouse (Ille-et-Vilaine) et concerne la forêt. Il s’est poursuivi à Pontmain (Mayenne) en se concentrant sur le bocage, pour s’achever avec le dernier chapitre, dans le Trégor, qui se rapporte à la rivière. Dans les environs de Lannion, Lise Gaudaire a ainsi photographié le Léguer, cours d’eau ponctué de nombreux barrages qui sont maintenant progressivement effacés pour retrouver son caractère sauvage. Cette renaturalisation, là aussi entièrement planifiée et contrôlée par l’homme, est l’objet — indirect — des clichés de l’artiste.
Pour l’accompagner dans sa découverte des lieux, Lise Gaudaire s’entoure de différents interlocuteurs qui l’aident à comprendre les sites, à en saisir toute la complexité au-delà des apparences. Dans sa série, les vues de paysages se trouvent associées aux portraits de ceux qui les construisent (paysans, pêcheurs, agents des espaces verts, etc.), photographiés le plus souvent parmi la végétation. Les fougères, le houx et le lierre envahissent les images jusqu’à occuper parfois toute la surface des photographies. Dans les broussailles luxuriantes, dans les lisières de forêt touffues ou sur les berges humides, le paysage et l’humain s’entrecroisent et se mêlent. L’un façonne l’autre autant qu’il est façonné par celui-ci.
Biographie
Lise Gaudaire est diplômée de l’École Supérieure d’Art de Lorient en 2007. Après des séries de portraits consacrées à son père paysan, à l’enfance en famille d’accueil et au passage de l’adolescence à l’âge adulte, elle s’intéresse depuis 2013 aux rapports que l’homme entretient avec le paysage, avec son territoire, à la manière qu’il a de le regarder et de l’appréhender, et en particulier à celles et ceux qui le travaillent. Munie de sa chambre photographique et de son micro, souvent accompagnée de personnes qui vivent et font l’espace rural — paysans, gardes forestiers, techniciens —, elle arpente la campagne. Elle les suit, les enregistre, échange et les photographie, eux et leurs paysages. Les séries photographiques de Lise Gaudaire, au-delà de leur dimension sensible, s’apparentent ainsi autant à une démarche de type anthropologique qu’à une archéologie du paysage.
En 2019, elle reçoit une bourse d’aide individuelle à la création de la DRAC Bretagne et a bénéficié, en 2020, de deux résidences de création : à L’Imagerie à Lannion et au Centre d’art contemporain de Pontmain. Elle poursuit ses recherches dans le cadre de la Casa de Velázquez où elle est accueillie en 2021-2022, pour un projet sur les oasis.