Dans le Lohengrin de Wagner au Palais des congrès de Nantes, Catherine Hunold s’avère prophétique au milieu d’une troupe à l’avenant. Une fois n’est pas coutume, pour cette représentation du fameux opéra wagnérien, Unidivers s’était déplacé dans la capitale des pays de la Loire pour assister à l’ouverture de la saison lyrique 2016-2017 d’Angers Nantes Opéra.
C’était l’occasion rêvée de prendre des nouvelles d’une des remarquables cantatrices françaises en la personne de Catherine Hunold qui par trois fois déjà a réussi à subjuguer le public rennais.
Excellente opportunité également de comprendre in vivo la différence qui existe entre les versions à effectif réduit, dites version de Coburg, comme nous les avons connues précédemment, et les versions à effectif complet, comme celle qui nous a été proposée ce vendredi 16 septembre. Ce fut une expérience passionnante. La première impression, la plus marquante, se trouve dans l’ampleur de la pâte musicale et vocale délivrée par un groupe de 71 choristes, entraînés par un orchestre de plus de 80 musiciens. Le premier satisfecit vient, comme une évidence, de l’excellente direction du chef Pascal Rophé, qui mène l’orchestre national des pays de la Loire à la baguette, avec une énergie sans faille et sans s’encombrer de fioritures inutiles pendant les trois heures trente que dure l’œuvre.
Le rassemblement des chœurs d’Angers Nantes opéra et de Montpellier, respectivement dirigés par Noëlle Gény et Xavier Ribes, s’avère être une authentique réussite et offre aux séquences « émotion » de Lohengrin un écrin de grande qualité. Notre petit coup de cœur ira vers le pupitre des ténors, particulièrement sollicité, et qui triomphe des difficultés de la partition du maître de Bayreuth avec un brio assez époustouflant. Mais bien sûr la question présente dans tous les esprits reste, quid des solistes invités ? Prolongeant notre comparaison entre les versions de Rennes et de Nantes, c’est un peu la même conclusion qui nous vient à l’esprit, et c’est dommage, mais dans les deux cas, les rôles titre sont un peu en retrait…
Si le ténor allemand Daniel Kirch, couvert par l’orchestre, au premier acte, monte en puissance et incarne de façon plus convaincante le personnage de Lohengrin, force est de constater que Juliane Banse, en Elsa de Brabant, peine à nous émouvoir et à nous faire ressentir sa détresse comme sa fragilité. À l’instar du ténor elle montera en émotion au fur et à mesure du déroulé de l’œuvre, mais laisse globalement un sentiment de trop peu. Ce n’est certainement pas le cas de Robert Hayward, plantant un Friedrich de Telramund, tantôt abattu, tantôt véhément, avec une autorité qui ne fera que grandir, laissant l’assistance admirative devant la dimension théâtrale du bonhomme, et ce, bien que nous soyons en version concertante. Heinrich l’oiseleur, chanté par le remarquable Jean Teitgen, est au-delà de toute remarque, il interprète son rôle avec une perfection et une maîtrise dignes des plus grandes louanges, servi par une voix ample et profonde et une diction d’une clarté peu souvent atteinte.
Quoique son intervention soit plus confidentielle, le héraut, interprété par Philippe Nicolas Martin, nous procurera un sentiment des plus agréables, sa voix de baryton lyrique, puissante et bien posée, nous laisse augurer de moments de réel plaisir, puisqu’il interviendra à Rennes, dans Fidelio et dans l’Italienne à Alger dans la saison à venir. Il apparaît qu’une fois de plus, Alain Surrans, directeur de l’opéra de Rennes ait fait mouche avec adresse, en choisissant ce chanteur dont les qualités sont indéniables.
Quitte à être taxés d’un petit manque d’objectivité, car nous l’avons déjà copieusement encensée, Catherine Hunold, dans le rôle d’Ortrud est absolument prophétique. Drapée d’une somptueuse robe, elle apporte, par ses expressions empreintes d’une rage contenue, une présence incomparable à son personnage et son étourdissante puissance vocale laisse tout un auditorium abasourdi. Elle confirme, sans l’ombre d’une hésitation, tout le bien que nous pensions déjà d’elle. Particulièrement inspirée dans ses duos avec Heinrich Von Teralmund, son époux sur la scène, elle nous offrira un final en forme de revanche de la vénéneuse pythonisse, en un paroxysme digne du bouquet final des plus étincelants feux d’artifices. À la sortie de l’auditorium, les commentaires allaient bon train et, d’une façon tout à fait méritée, Catherine Hunold en était le centre.
Le public de Nantes découvrait cette artiste d’exception avec la même jubilation qui nous avait saisi lors de son passage à Rennes pour la Walkyrie en février 2013. En novembre, toujours en Ortrud, c’est à l’Opéra National de Corée que l’on pourra l’apprécier. La rumeur laisse entendre qu’elle interprétera prochainement le rôle de Marguerite dans la damnation de Faust d’Hector Berlioz et c’est certainement un événement qu’il conviendra de suivre, car, si ses capacités en tant que chanteuse wagnérienne ne sont plus à prouver, il sera tout à fait intéressant de l’entendre dans un registre différent et par la même de découvrir les autres qualités d’une artiste qu’il convient de pas limiter à un répertoire dans lequel elle a plus que largement fait ses preuves. Même s’il faut y aller en rampant, soyez sûr que nous y serons pour vous en faire un rapport des plus fidèles.
Lohengrin, opéra de Richard Wagner Angers Nantes Opéra
Direction musicale : Pascal Rophé
Daniel Kirch, Lohengrin
Juliane Banse, Elsa de Brabant
Jean Teitgen, Heinrich l’Oiseleur
Catherine Hunold, Ortrud
Robert Hayward, Friedrich de Telramund
Philippe-Nicolas Martin, Le Héraut
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Direction Xavier Ribes
Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon Direction Noëlle Gény
Orchestre National des Pays de la Loire
LOHENGRIN sous la direction de Pascal Rophé avec les solistes, Daniel Kirch, Juliane Banse, Jean Teitgen, Catherine Hunold, Robert Hayward, Philippe-Nicolas Martin, le chœur d’Angers Nantes Opéra, le chœur de l’ Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon et l’ ONPL.
https://www.youtube.com/watch?v=GDyLwKGTfi4