Madeleine Riffaud s’est éteinte mercredi 6 novembre 2024 à l’âge de 100 ans. La poétesse était aussi journaliste, résistante et scénariste de ses faits d’armes. Le 23 août 2024, à l’occasion de son 100e anniversaire, les éditions Dupuis ont publié le dernier tome de sa série BD Madeleine, résistante. Scénarisé par Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud et dessiné par Dominique Bertail, ce dernier tome finissait de relater ses mémoires de guerre.
Madeleine, résistante, publiée aux éditions Dupuis, est une série de trois ouvrages sur l’authentique destin de résistante de Madeleine Riffaud (1924-2024) au cours de la Seconde Guerre mondiale, racontée en bande dessinée. Le troisième tome, Madeleine, résistante – Les nouilles à la tomate, paru le 23 août 2024, revient avec une précision implacable sur les tortures que la résistante a endurées dans les geôles de Vichy et les prisons nazies, avec au bout du supplice, la victoire ! La mise en scène de la torture est fait sans volonté de choquer, mais sans l’amoindrir pour autant ; le défi a été relevé de manière poignante, en collaboration avec Dominique Bertail au dessin, et Jean-David Morvan au scénario.
Début de la BD : nous sommes en 1944 et Madeleine, de son nom de code Rainer est arrêtée après avoir abattu un officier nazi. Ce crime terroriste la condamne aux terribles interrogatoires des Brigades spéciales, la police de Vichy du commissaire Fernand David, le traqueur d’ennemis intérieurs…
Les deux premiers tomes de la série Madeleine, résistante :
Tome 1 : Madeleine, résistante – La Rose dégoupillée, paru le 20 août 2021
Madeleine Riffaud vit heureuse avec son grand-père et ses parents, jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale ne sépare la famille. Madeleine est atteinte de tuberculose et est envoyée dans un sanatorium. L’adolescente entretient le projet fou d’entrer dans la Résistance ; elle y parviendra pourtant, sous le nom de code Rainer…
Tome 2 : Madeleine , résistante – L’édredon rouge, sorti le 29 septembre 2023
Avec ses compagnons, dont Picpus, amoureux comme elle de poésie, Madeleine va faire vivre au lecteur le quotidien de la Résistance avec une précision documentaire jamais atteinte. Elle raconte aussi la rencontre avec les camarades du célèbre groupe Manouchian, la joie des victoires et le drame des pertes humaines..
Le récit des aventures des deux premiers tomes ont bénéficié aussi du concours du scénariste de bande dessinée Jean-David Morvan et du dessinateur et coloriste Dominique Bertail. La trilogie est nourrie de milliers de détails d’une mémoire qui n’a rien oublié…
Portrait de Madeleine Riffaud
Madeleine Riffaud vient au monde le 23 août 1924 à Arvillers en Picardie dans une famille originaire de Haute Vienne. Ses parents sont tous les deux instituteurs et Jean-Emile, le père, est un grand blessé de la Grande Guerre ! En 1941, Madeleine a 17 ans et souffre de tuberculose ; elle est envoyée pour des soins au sanatorium des étudiants à Saint-Hilaire-du-Touvet en Isère. C’est en ce lieu, qu’elle découvre les poèmes de l’autrichien Rainer Maria Rilke (1875-1926) et qu’elle fait la rencontre de l’écrivain et journaliste Claude Roy (1915-1997). C’est aussi au sanatorium qu’elle découvre l’action de résistants, car l’établissement héberge une imprimerie clandestine, qui permet de rédiger de faux certificats médicaux pour que des Juifs puissent s’y cacher en qualité de malades. Elle rencontre aussi Marcel, un étudiant en médecine et dès la rentrée de 1942 elle s’inscrit à la faculté de médecine de Paris pour suivre une formation de sage-femme.
C’est à Paris, à l’âge de 18 ans, que Madeleine Riffaud commence à rejoindre les résistants en tant qu’agent de liaison, en transmettant à un cheminot une clé de tire-fond qui sert à faire dérailler les trains. Après plusieurs missions, elle est acceptée dans ce réseau et intègre le triangle de direction du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France des étudiants en médecine du Quartier latin de Paris. Madeleine Riffaud s’engage dans la Résistance française sous le nom de code Rainer, en mémoire au poète autrichien. elle participe à plusieurs actions contre l’occupant Nazi.
En juillet 1944, la jeune résistante est capturée par un milicien et livrée à la Gestapo après avoir abattu, de deux balles en pleine tête, un officier nazi sur le pont de Solférino à Paris. Elle est torturée par la Gestapo puis condamnée à mort ; elle est finalement libérée de justesse le 18 août dans le cadre d’un échange de prisonniers. Madeleine Riffaud ne se décourage pas pour autant. Élevée au rang d’aspirant lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), elle reçoit le commandement d’un détachement pour participer à l’attaque d’un convoi ennemi. Le jour de son 20e anniversaire, soit le 23 août 1944, et au cours de la Libération de la capitale, elle conduit une attaque victorieuse contre un train allemand aux environs du tunnel des Buttes Chaumont et contribue à la capture de sept soldats de la Wehrmacht.
Madeleine Riffaud participe aux derniers combats de la Libération de Paris, sans fêter sa délivrance le 25 août, car elle vient d’assister le jour même à la mort de son ami résistant Michel Tagrine, nom de code « Barbier », tué sous ses yeux par un soldat nazi.
Après la Libération, Madeleine Riffaud se marie avec Pierre Daix, jeune déporté revenu du camp de la mort de Mauthausen en Autriche, le 26 septembre 1945 à Vitry-sur-Seine (94). Pierre Daix sera chef de cabinet du ministre de l’Armement et Madeleine, qui souffre du syndrome du revenant, écrit des textes illustrés évoquant la Résistance. Le couple divorcera quelque temps après la naissance de leur fille Fabienne, née en septembre 1946.
Madeleine poursuit ses combats en tant que journaliste pour les magazines Ce Soir, Vie ouvrière, puis rejoint en qualité de grand reporter l’Humanité, pour lequel elle couvre dans ses colonnes les guerres d’indépendance en Algérie et au Vietnam. Anticolonialiste convaincue, elle est blessée en 1956 par un attentat de L’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui n’entame en rien son engagement. Au Vietnam, elle rencontre le poète vietnamien Nguyen Dinh Thi (1924-2004), l’amour de sa vie ! Le couple partagera sa vie, jusqu’à la mort de celui-ci, le 18 avril 2004 à 80 ans.
À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien et publie son premier best-seller Les Linges de la nuit en 1974.. Également poète, Madeleine Riffaud témoigne à partir de 1994 de ses expériences dans la Résistance, dans la lignée du couple de résistants : Lucie et Raymond Aubrac. Elle témoigne aussi dans les établissements scolaires parisiens et au cours de reportages télévisés sur la Libération.
En 2016, l’artiste russe Artof Popof, de sa vraie identité Alexis Ginzburg, représente une fresque pour commémorer l’attaque du convoi du 23 août 1944 : au-dessus du violon de Michel Tagrine, on reconnaît le visage de la jeune résistante, peint au-dessus des rails où elle et ses compagnons se sont illustrés ce jour-là.
Madeleine Riffaud a été décorée de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme et citation à l’ordre de l’armée, pour ses activités de résistance contre l’occupation nazie. Elle a été aussi Chevalier de la Légion d’honneur, reçue des mains de Raymond Aubrac.
Elle résidait dans le quartier du Marais à Paris. Elle est morte ce jeudi 6 novembre 2024 à Paris. Avec son décès, la France vient de perdre l’une des derniers grands témoins de la Seconde guerre mondiale.