Maison bretonne de Rémy Prin est sorti aux éditions Terres du couchant. Un récit sur une maison en Bretagne, à travers lequel l’auteur questionne le monde qui la prolonge et le voyage qu’elle propose, à travers le temps, l’espace et la culture d’un pays.
C’est avec une langue aux accents lyriques que Rémy Prin écrit le temps qui passe dans Maison bretonne, scandé de cloisons qui tombent et de volumes qui s’ouvrent, offrant des vides qui s’empliront de nouveau. On est là à « refaire » une maison. Qu’est-ce que ça veut dire « refaire » ? On démonte et on remonte des murs et ce faisant on comprend, pierre après pierre, les gestes de ceux qui les ont faits et refaits avant nous. De nouvelles lumières entrent, plus tôt ou plus tard dans la journée. On change les ardoises brisées, on remplace les poutres mangées des vers, on ôte le lierre qui insinue partout sa vie dévorante, on refait les joints creusés par le vent et la pluie : c’est un travail patient que de se loger dans ce qui existe.
La soir, on pose assez tôt les outils pour aller profiter des dernières lumières, suivre les sentes qui longent la dune, sinuent le long des grèves, entre marais et ressac. Il y a ces îles qui rythment l’horizon, s’éloignent ou se rapprochent, suivant les marées, la brume, les vents. D’un côté, le golfe, de l’autre côté, l’océan.
Habiter, ré-habiter, c’est aussi faire connaissance avec les voisins, ceux qui ont vécu là avant nous, ceux qui vivent tout contre nous, ceux aussi qui vont venir nous rejoindre (ce « nous », qui entre dans la phrase) – il y a la fille de la ferme d’à côté qui hésite, qui ne sait pas encore si elle doit partir ou bien rester, s’en aller c’est peut-être se perdre ; rester ce serait ne pas choisir : que va-t-elle décider ?
Les nuages passent sur la presqu’île de Rhuys, les saisons, les marées, les jours. La maison petit à petit se transforme et les relations se tissent : c’est qu’on n’est jamais isolé dans ces hameaux ou finissent les routes. Les voisins deviennent amis, on fait ensemble confiture de vieilles prunes (des « couilles de pape » un peu acides, un peu frustes), on plante de nouveaux pommiers qui sont d’un très ancien lignage, on va aux chapelles à la nuit tombée écouter des chants bretons venus du fond des âges – qu’on ne comprend pas toujours. Le vent du Nord parfois transporte jusqu’à nos oreilles les échos d’un monde qui va trop vite – c’est que par là-bas il y a la grand route – mais pour un temps au moins, patiemment construit de tous ces gestes, on est à l’abri, on est entre nous, on est bien.
Maison bretonne, Rémy Prin. Éditions Terres du couchant. 157 pages. Parution : 2 novembre 2023. 15€
à 19h et les dimanches quand il fait beau.