MARGIELA, LES ANNÉES HERMÈS OU l’ANTIFASHION

Margiela, les années Hermès, ce sont les années 1990. Mouvement de l’Antifashion. Au royaume de la mode, les modernistes et les minimalistes s’imposent. Déclaration d’une ère nouvelle. Sophistication, exubérance et provocation laissent place à une esthétique résolument épurée, décontractée, conceptuelle. La création est au coeur de cette révolution. Les plus grandes Maisons de Couture parisiennes ne se sont pas laissées surprendre. Elles adaptent leur stratégie marketing au mouvement en marche. Les logos s’effacent, les grands noms se voient voler la vedette par les jeunes étoiles montantes de la mode venues des quatre coins du monde.

MARGIELA les années hermès

1995, Hubert de Givenchy lègue son empire à Alexander McQueen. 1996, John Galliano, enfant terrible de la mode, entre chez Christian Dior. 1998, Marc Jacobs fait ses premiers pas chez Louis Vuitton. Mais la nomination la plus remarquable est sûrement celle de Martin Margiela pour la maison Hermès, alors présidée par Jean-Louis Dumas.

MARGIELA les années hermès

Le très discret créateur belge a fait ses armes à la célèbre Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, se révélant d’abord au sein des “Six d’Anvers” puis aux côtés de l’anticonformiste Jean-Paul Gaultier. En 1988, il débarque à Paris avec Maison Margiela, créé en collaboration avec Jenny Meirens. On parlera de la “Maison du fil lâche et des étiquettes cousues avec quatre larges points de fil blanc” en référence à sa politique d’anonymat. La touche Margiela ? Une ambiguïté des genres, une déconstruction des coupes, une redéfinition des silhouettes. Un regard insoumis sur la mode de son époque, une vision poétique mariant à la fois conceptualisme artistique et élégance confortable. Un avant-gardisme qui détonne entre les murs du traditionnel et conservateur Hermès.

MARGIELA les années hermès

Le pari était risqué, les critiques sont pourtant unanimes. Margiela, Les années Hermès est un éloge du travail du créateur. Les témoignages l’encensent tant en fondateur de Maison Margiela (1988) qu’en directeur artistique d’Hermès (1997-2003).
Le tandem Margiela-Hermès est devenu un véritable symbole de l’Antifashion. Connu pour son art du mystère, cet iconoclaste se tient loin des célébrités, des interviews. C’est peut-être cette capacité à rester dans l’ombre, pour laisser s’exprimer le produit sans phare, qui séduisa JL Dumas.

MARGIELA les années hermès

Malgré le monument que représente Hermès, Margiela ne dérogea pas à ses principes. Sous son crayon, la femme Hermès se veut plus mouvante, décontractée, toujours raffinée et élégante vêtue de cuirs nobles et d’épais tissus aux coloris neutres.

Notre première préoccupation commune est le vêtement et la femme qui le porte, pas l’écho qu’en donneront les médias.

1998. Sa première collection Automne-Hiver au sein de la Maison familiale donne le ton. Bien loin des grandes productions, du tapage et du sensationnalisme, le défilé prend place dans le magasin du Faubourg-Saint-Honoré. Margiela étonne encore en recrutant ses mannequins parmi les anciennes, des femmes mûres, et en lançant des castings sauvages dans la rue. L’heure est à l’authenticité.

Martin Margiela ne destinait pas ses collections à de très jeunes mannequins. Pour ses défilés, il choisissait des femmes à la maturité rayonnante et d’âges différents, de vingt jusqu’à soixante ans, ce qui est très inhabituel dans l’univers de la mode qui considère la jeunesse comme le fétiche ultime. Parmi ses mannequins, il y avait certes des ex-mannequins, mais aussi d’authentiques femmes de caractère.

Le style épuré est poussé à l’extrême. L’iconique carré de soie se réinvente en un losange uni. Le logo devient discret, la lettre H se dessinant dans le bouton à six trous. L’originalité des coupes s’impose par des pièces uniques comme le trikini ou le bracelet double-tour qui connaîtra un énorme succès commercial. Il décline une garde-robe évolutive. Ses vêtements se veulent superposables, réversibles, intemporels.

La femme Hermès était donc invitée à jouer le jeu d’un dressing à choix multiple, à pratiquer l’art de s’habiller à la carte, de combiner et d’associer ses tenues comme bon lui semblait, et par conséquent d’en prolonger le plaisir.

MARGIELA les années hermès
Margiela, Les Années Hermès s’établit comme une référence pour tous les passionnés d’histoire de Mode, retraçant à merveille l’exposition du MoMu d’Anvers ayant pris place du 31 mars au 27 août 2017. Et l’on redécouvrira l’art d’un des plus grands créateurs du XXe siècle dans une rétrospective annoncée pour 2018 au Palais Galliera, le musée de la mode de la ville de Paris.

Margiela, les années Hermès. Actes Sud. Beaux Arts. Collectif Hors collection. Avril 2017. 256 pages. 45€.

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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