Marie Rozenn Brard : L’Été à l’œuvre ou l’apprentissage lumineux de l’émancipation

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marie rozenn brard
Marie Rozenn Brard

À la fin des années 1990, Internet balbutie, les modems grincent et le monde s’élargit soudain d’un simple clic. Au cœur de cette bascule générationnelle, Marie Rozenn Brard plante le décor de son premier roman, L’Été à l’œuvre, publié aux Éditions Phébus. Une œuvre d’une grâce simple et lucide, où l’intime rejoint l’universel.

Une recommandation de l’émission Faites-moi lire : une coproduction Champs libres-TVR-Unidivers.fr, présenté et rédigé par Nicolas Roberti en collaboration avec les bibliothécaires de la bibliothèque des Champs libres où vous pouvez consulter cet ouvrage.

Elsa a 18 ans. Elle appartient à cette génération charnière qui découvre simultanément les promesses du réseau et l’embarras délicieux des premières libertés. Sous la surface paisible d’une vie familiale aimante et structurée, germe peu à peu le besoin irrépressible d’ailleurs, de frisson, d’expérience. Un jour, à travers le modem familial, elle répond à un inconnu. Ce geste inaugural enclenche le récit : exploration du désir, de l’inconnu, de soi.

Mais L’Été à l’œuvre est moins un roman de la rupture qu’un récit des glissements subtils. Rien ici de scandaleux ni de spectaculaire. L’intérêt réside ailleurs : dans la finesse du regard porté sur ces instants où une existence s’éprend de ses propres possibilités.

Loin des archétypes convenus du roman d’apprentissage adolescent, Marie Rozenn Brard refuse le pathos. Son écriture, sobre et précise, saisit au plus juste les hésitations, les emballements, les silences. L’émancipation d’Elsa ne passe ni par le conflit violent ni par la transgression radicale, mais par ces petits pas qui dessinent la carte discrète des grandes métamorphoses intérieures.

En arrière-plan, la fin du siècle bruisse doucement : l’arrivée d’Internet comme nouveau théâtre des identités flottantes, les débuts timides de la virtualisation des relations, et déjà cette question lancinante de la frontière entre soi et l’autre, entre authenticité et projection.

Ce qui frappe dans L’Été à l’œuvre, c’est la maîtrise d’une première œuvre qui refuse l’esbroufe. Pas de grandiloquence, pas de surenchère. Le roman avance à hauteur d’émotion, au rythme des confidences et des gestes retenus. L’écriture épouse le mouvement de la mémoire : elle effleure, éclaire, puis s’estompe, à la manière d’une photographie d’été un peu pâlie par le temps.

Certains parleront de « roman générationnel », et ils n’auront pas tort. Mais L’Été à l’œuvre a l’élégance de ne jamais sombrer dans la complaisance nostalgique. Marie Rozenn Brard capte quelque chose de beaucoup plus universel : ce moment suspendu où l’on découvre à la fois le vertige du choix et la beauté fragile de l’inconnu. Là réside sans doute la force de ce premier roman lumineux, qui réussit à dire l’essentiel sans hausser le ton.

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  • L’Été à l’œuvre
  • Autrice : Marie Rozenn Brard
  • Éditions Phébus
  • Parution : mars 2025
  • 19,90 €
  • ISBN : 9782752913365
Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il étudie les interactions entre conceptions spirituelles univoques du monde et pratiques idéologiques totalitaires. Conscient d’une crise dangereuse de la démocratie, il a créé en 2011 le magazine Unidivers, dont il dirige la rédaction, au profit de la nécessaire refondation d’un en-commun démocratique inclusif, solidaire et heureux.