Le Convoi de Marijosé Alie, premier roman torride comme la Guyane

Marijosé Alie… Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant vous connaissez sûrement le « tube » qu’elle a sorti dans les années 80 : Caressé mwen est un des plus beaux appels qui soit à caresser une femme. Ceci dit, l’essentiel de sa carrière s’est passé à la télévision, que la journaliste a quittée en 2014, pour se consacrer à ses deux autres passions : la musique et la littérature.
 Son premier roman, Le Convoi vient de sortir. Destination : les Tropiques ! Loin des sentiers battus. Rencontre.

 

Unidivers : Qu’est-ce qui vous a motivée à écrire un roman ?

marijose alie le convoiMarijosé Alie : L’envie d’écrire sans contrainte et de mettre en résonnance mon parcours professionnel. D’abord, il faut savoir qu’en tant qu’îlienne, je regardais le ciel en face — bien obligée, sur une île, l’espace est court ! On est vite pris par l’envie de partir. Je l’ai fait au-delà de tous les océans (NDLR : comme grand reporter, elle a évolué entre Paris et l’outre-mer, elle a dirigé les Affaires internationales de RFO puis occupé le premier poste de responsable de la Diversité à France Télévisions). Donc, un jour, découvrant la Guyane et ses espaces vierges, je me suis dit « c’est comme ça depuis la nuit des temps ». Les gens qui y vivent m’ont fascinée. J’ai décidé que mon premier roman explorerait leur culture.

U. : Et après, ça a été facile ?

Marijosé Alie. : Disons que j’ai eu un coach exceptionnel : Patrick Chamoiseau (NDLR : prix Goncourt en 1992 pour Texaco). Il m’a encouragée en me disant : « lance tes premières quarante lignes, après ça suivra ».

U : Et voilà donc le chapitre 1 avec la cruauté du climat et l’angoisse d’une petite fille obnubilée par une mission impossible : voir sourire sa mère. Tout de suite apparaît une formule qui revient comme un mantra : « à 800 kms à la ronde ». Que signifie-t-elle ?

Marijosé Alie : C’est une indication relative au décalage horaire, la dimension approximative d’un fuseau. Pour moi le temps est une matière décuplée dans ces endroits oubliés, comme dans le désert (le plus étrange dans ma vie fut d’arriver à Wallis et Futuna la veille de mon départ !).

U. : Les chapitres suivants nous permettent de rencontrer Félicité, la belle bushinengue (NDLR : descendants des esclaves noirs qui se sont révoltés et enfuis des plantations), Tiouca, le « guerrier blanc » ou « blanc gâché », Lulla, l’Amérindien qui « ne compte pour personne », envoyé par ses parents au lycée de la ville lointaine, toute une galerie de personnages extrêmement pittoresques.

Marijosé Alie : Vous savez ? Je les ai tous croisés ! Lors de reportages. Ma vie de journaliste a nourri mon imaginaire. Ce sont des gens dont j’ai aimé le regard sur la vie. Je les ai gardés et je les ressors dans ce roman.

U. : Ils se retrouvent tous plus ou moins concernés par un énigmatique « convoi » qui traverse la forêt en se riant des frontières.

Marijosé Alie : Oui, car les Amérindiens se déplaçaient sur le continent bien avant que les Européens y posent le pied et finissent par dessiner des frontières. On leur a imposé une nationalité (guyanaise, française, brésilienne ou surinamienne…) dont ils se fichaient et surtout qui les gêne lors de leurs grands rassemblements inter-tribaux.

U. : Cela existe vraiment ces grands rendez-vous tous les 25 ans ?

Marijosé Alie : Non. J’ai imaginé ça dans mon roman pour amplifier la portée du convoi et les interrogations qu’il suscite.

alie le convoiU. :… et la convoitise !

Marijosé Alie : Effectivement. Parce que dans le monde moderne et matérialiste, on n’imagine pas qu’une telle organisation puisse être déclenchée sans qu’il s’agisse de transporter quelque chose de coûteux – or, drogue ou arme.

U. : C’est le syndrome des conquistadors ?

Marijosé Alie : Oui. L’appétit pour l’or qui guidait Pizarro et ses soldats perdure avec des gens sans foi ni loi, armés jusqu’aux dents, et prêts à commettre des horreurs.

U. : Loin de ce goût pour ce qui brille, il y a les avides de lecture, de culture, comme cet épatant Napi. Le jeune Amérindien ne sort pas sans « son petit plaisir dans son sac : une torche électrique et surtout le livre ».

Marijosé Alie : Il l’avait récupéré après un bivouac, vraisemblablement oublié par son propriétaire. Son plaisir : en lire un petit bout chaque fois qu’il le peut, sans trop connaitre le sens des mots. Il ne savait pas à quelle famille appartenaient ces images, elles lui étaient inconnues, mais lui faisaient du bien. La plupart du temps, il relisait pendant dix jours la même phrase, jusqu’à lui trouver un sens, une direction et c’était toujours très ardu.

U. : C’est merveilleux ! Surtout que le livre en question est La Philosophie de A à Z ! Un autre protagoniste, essentiel dans l’intrigue, est un curieux personnage : un grand poète qui roule en Porsche décapotable…

Marijosé Alie : Il existe vraiment ! On n’est pas dans le cliché du bon sauvage. Ce sont juste des « vraies gens ».

U. : On aime aussi la jeune Lune qui prépare à manger pendant que les garçons absorbent « le sirop d’un feuilleton brésilien mal doublé qui mobilisait tout le monde des deux côtés de l’Oyapock ».

Marijosé Alie : Elle est fière de sa recette piquée dans un livre de Toni Morisson, sa déesse littéraire. Elle aime l’idée que cette grande écrivaine soit aussi une épicurienne qui apprécie la bonne bouffe.

U. : La bonne chère et les plaisirs de la chair émaillent ce livre de la même sensualité que votre chanson Caressé mwen.

Marijosé Alie : Lannuit-la ka tonbé, ti zwèzo ka pozé… l’amour est la réponse.

Marijosé Alie Le Convoi, HC éditions, 
400 pages, 19 €

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Marijosé Alie, née en 1951, est une journaliste et chanteuse française. Elle est diplômée de l’École supérieure de journalisme de Paris en1974. Chanteuse avec le groupe Malavoi ; en 1983, sa chanson Karésé Mwen devient un immense succès populaire. Elle est présentatrice d’émissions sur la chaîne RFO puis France Ô, telles que Studio M. En décembre 2009, elle anime sur France 2 le magazine du Téléthon avec Laurence Piquet. La même année elle fait paraître un livre de poésie, Elle & elle, illustré par sa fille Fred. À la rentrée 2011 et durant 3 saisons, elle anime l’émission À nous deux, tous les samedis sur France Ô, dans laquelle elle reçoit une personnalité qui fait l’actualité, pour un entretien intimiste.

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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