Marion Lejeune est née en 1988 à Grenoble. Elle a voyagé en Islande, dans les pays scandinaves et en Russie. L’escale est son premier roman. Une belle plongée dans des Îles du Grand Nord qui ressemblent fort aux Féroé avec leur impressionnant rituel (ou carnage) du grind.
Grigori est marin sur le Gren, un voilier de commerce norvégien qui vit ses derniers voyages. Menacé de mort par un camarade pour une histoire de dettes contractés à l’occasion d’un combats de rats, il profite et de l’aide d’un curieux voyageur, Loukine, d’une escale sur l’Archipel, territoire isolé de l’Atlantique nord, aux allures d’iles Féroe pour trouver refuge à terre. Alors que la torpeur l’emporte peu à peu sur l’inquiétude, Grigori traverse des paysages peuplés de moutons et de vent, et découvre la vie des insulaires. Le ménage d’instituteurs qui l’accueille lui et Loukine d’abord ; Jon et Halle dont les sourires semblent cacher un mystère. Puis Alda, qui cherche des œufs d’oiseaux sauvages dans les falaises et ne rêve que de partir, et les instituteurs Jon et Halle qui, derrière leurs sourires, semblent dissimuler un secret. D’autres aussi, venus de loin et que l’Archipel réunit : un voyageur du Gren dont la mémoire vacille, des chasseurs de baleines éméchés, une riche botaniste…
Tu sais, ici, les choses vont lentement. Ce n’est pas parce que vous êtes arrivés que tout est prêt pour repartir. Il faut bien que les cailloux aient le temps de vous dévisager et se souviennent de vous pour les siècles à venir.
La quatrième de couverture résume le travail de l’auteure en ces mots : « Marion Lejeune a bâti un monde au sein duquel des individus en perpétuel mouvement rêvent d’un point fixe tandis que d’autres contemplent avec avidité l’horizon. Dans une langue envoûtante, elle met en scène les relations tumultueuses entre les êtres humains et la nature.«
L’Escale met en scène la monstration d’une géographie physique et humaine composée d’éléments inexorables (la mer, les îles), de souvenirs et d’espoirs d’individus pris isolément ou dans relations nécessaires de (sur)vie. Le lecteur est entraîné par la langue précise de Marion Lejeune dans les mouvements de quelques personnages, notamment Grigori, en un va-et-vient-huis-clos dans une atmosphère ventée et salée. Dans ce petit monde clos, ouvert à tous les vents, mais aux rares issues, chacun cherche son équilibre dans un monde raide où quelques expériences enracinantes restent possibles. L’Escale inscrit ainsi son imagination dans une littérature ethno-existentielle de type Nature writing. Un premier roman réussi, bien écrit, cohérent dans sa construction, à la narration efficacement déroulée, et séduisant par son enjeu littéraire de monde à la fois ethnographique, fictif et vivant. Pour autant, le mode descriptif bien que pertinent s’empèse d’un excès de redondances imagées et illustratives jusqu’à atteindre une forme de dilution qui sans doute sert le rendu atmosphèrique voulue par l’auteure mais dessert l’adhésion au rythme de la narration par le lecteur. On lira avec intérêt son prochain roman qui ne manquera pas de resserrer ce léger mais regrettable bâillement du style.