Olivier Hodasava, 48e parallèle Nord, Marnay-sur-Marne, Haute-Marne

Nouvel arrêt : Marnay-sur-Marne, village rurbain de Haute-Marne. Le voyageur : Olivier Hodasava. Un voyageur virtuel. Il arpente quotidiennement les artères du monde de Google Street View. Quand l’image saisie devient le réel ultime de la fiction commune…  Pour Unidivers, l’arpenteur – qui se fait un peu géomètre – avance à la façon d’un fildefériste sur une ligne (presque) imaginaire : le 48e parallèle Nord.  La latitude sur laquelle est située la ville de Rennes.

 

Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. (Céline, Voyage au bout de la nuit)

Marnay-sur-Marne. J’ai passé un week-end ici. C’était il y a une quinzaine d’années, peut-être plus. C’était en mai ou en juin. En tout cas, il faisait chaud comme en plein cœur de l’été. J’avais suivi une fille dont je ne me souviens plus du prénom. Peut-être Carole ou Karine… Elle était amoureuse de moi, et moi j’adorais son corps. Nous couchions ensemble.

Sa famille possédait une ancienne ferme à la sortie du village, peu confortable, mais charmante ; sans doute vestige d’un héritage. Ça a été l’unique fois où nous sommes sortis de Paris ensemble. Je viens de passer la matinée à la chercher, cette ferme du bout du village, sans véritablement la trouver (on ne peut pourtant pas dire que le bourg soit bien grand). Il n’est pas impossible qu’elle ait été, depuis, détruite ou réaménagée – ajouts de baies vitrées, murs tombés ou, au contraire, ajoutés au point de la rendre méconnaissable…

Non, je ne l’ai pas retrouvée, mais peu importe après tout. Je ne suis pas sûr qu’elle aurait pu d’une quelconque façon me permettre de renouer avec le fil du passé.

MARNAY_3J’ai peu de souvenirs de ce séjour d’alors. Je me rappelle que c’était l’effervescence dans le village, car se préparait une course pédestre. Je me souviens de ça parce qu’en allant acheter du pain j’avais croisé l’un des organisateurs de l’événement. L’homme avait réussi, contre une poignée d’euros ou de francs (je ne sais plus), à me refourguer un billet de tombola et une petite lampe à led aux couleurs du village. Dans la nuit, ensuite, pour ne pas réveiller Karine/Carole, je m’étais servi de la lampe pour descendre aux toilettes. Ça ne m’avait pas empêché de manquer une marche et d’aller taper, tête la première, contre une casserole cuivrée accrochée au mur en guise de décoration. La casserole était tombée sur le carrelage du couloir dans un boucan d’enfer. Mais ma chute n’avait pas réveillée mon amante (peut-être avait-elle tout juste ouvert un œil, avant, aussitôt, de se rendormir).

MARNAY_4Revenu dans la chambre, je m’étais dit que si elle avait un sommeil si profond, je pouvais bien essayer… Lampe à led en main, j’avais osé m’approcher au plus près de son corps. Elle dormait sur le ventre ou presque, nue, découverte. Longuement, j’avais regardé l’un de ses seins en partie comprimé sous le poids de sa cage thoracique. J’avais scruté le détail de sa peau dans le bas de son dos, sur ses fesses… C’est étrange, je le concède, mais, si je ne me souviens plus de son prénom, j’ai toujours en mémoire (du moins me semble-t-il) la configuration des grains de beauté qui constellait son derrière à la façon d’un champ d’étoiles sur une carte céleste.

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