Le livre que vient de publier Jean-Pierre Escofier, mathématicien à l’IRMAR aujourd’hui en retraite, est une vraie surprise. Mesurer la Terre de l’Antiquité à nos jours vient en effet de sortir aux éditions Dunod sans qu’aucune information ne me parvienne. Or, il se trouve que nous nous connaissons puisqu’à quelques étages près, nous avons fréquenté le même bâtiment du campus de Beaulieu à l’université de Rennes sans, il est vrai, nous croiser souvent.
N’en déduisez pas que cette chronique sera de parti-pris ou de complaisance. Ce serait assurément le trahir. Certes, ce livre n’est peut-être pas à confier à toutes les mains, mais il intéressera, j’en suis convaincu, celles et ceux qui sont passionnés par les sciences et par l’histoire des découvertes scientifiques, attirés un tant soit peu par le goût de la géométrie et de la cartographie du monde et par les voyages dans l’univers. Notre auteur n’en est pas à son premier coup d’essai, car il a signé plusieurs livres de mathématiques* dont l’un (Petites histoires de mathématiques chez le même éditeur) adopte le style de celui qui nous occupe ici.

Un travail de longue haleine contenu dans un volume de 336 pages (une gageure pour couvrir autant de siècles, n’est-ce pas ?) qui se lit comme un récit à travers petits et grands événements, anecdotes amusantes sur ces savants très imaginatifs pour arriver à leurs fins, la connaissance. Je n’en prendrai ici que quelques exemples savoureux. Auparavant, car Jean-Pierre Escofier en parle dans les premières lignes de son ouvrage, sachez que la terre est bien ronde et, au risque de fâcher ceux qui pensent encore la terre plate, nous le savons depuis les grecs Anaximandre, Parménide et quelques autres, c’est-à-dire des centaines d’années avant notre ère. Au Moyen Âge, un temps loin des Lumières, Joannes de Sacrobosco, mathématicien et astronome réputé, dans un Quartier latin déjà très couru, l’argumentait clairement. Rappelons qu’il faudra attendre Nicolas Copernic au 16ème siècle pour placer le soleil et non la Terre au centre de l’univers.
Venons-en aux exemples promis. Ces brèves histoires fourmillent dans le livre de Jean-Pierre Escofier et il a fallu faire un choix. Le premier concerne la mesure de distance de Fernel entre Amiens et Paris qu’il effectue en 1525 en comptant les tours de roue de sa voiture à chevaux et en introduisant quelques corrections savantes dont il a seul le secret, semble-t-il, lorsqu’il s’éloigne de la ligne droite. Une mesure rudement précise et de quoi laisser ébahi et un rien dubitatif notre mathématicien. Le second retrace les mésaventures de François Arago de retour des Baléares après avoir mesuré le triangle entre les 3 îles. Il fuit les espagnols à Majorque, arrive à Alger repart pour la France mais son bateau est capturé, retour en Espagne, libéré grâce au Bey d’Alger…. La mesure de la Terre n’a jamais été de tout repos. Et l’épisode précédent est loin de s’arrêter là, croyez-moi.
Au-delà de mesures et de mathématiques, c’est donc d’humanité que nous parle Jean-Pierre Escofier et là est toute la magie de son livre.

Suite… je n’ai pu résister à poser une question à Jean-Pierre Escofier en le rencontrant virtuellement (eh oui !) dans l’escalier : quelle idée de mesurer la Terre ?
Jean-Pierre Escofier – Mon éditrice m’a consulté un jour du printemps 2024 sur un livre d’une américaine traitant de la mesure de la Terre, surtout sur la Terre plate vue à la fin du Moyen-Age, et tout ce que les Américains avaient pu écrire là-dessus de bêtises. C’était d’une grande médiocrité, avec des pages de bavardage, et je lui avais conseillé de le rejeter en ajoutant, bien mal m’en a pris, que je ferai beaucoup mieux… Elle a aussitôt sauté sur ma répartie et j’ai dû m’exécuter ! Je croyais à l’époque connaître suffisamment de choses pour une rédaction facile mais il s’est avéré que mes connaissances étaient en réalité un peu lacunaires et j’ai dû faire un gros travail de recherche de documents, de lectures, de croisements de sources, etc. Voilà toute l’histoire…
Jean-Pierre Escofier, Mesurer la terre, De l’Antiquité à nos jours, 336 pages, 20,90€. Parution : septembre 2025. Lire un extrait
