Meurtre en cellule à Vezin près de Rennes : autopsie d’un drame carcéral

2673
prison vezin rennes

Rennes, centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet. Samedi 14 juin 2025, un agent pénitentiaire pousse la porte de la cellule 224, quartier maison d’arrêt. À l’intérieur, Alexis B., 25 ans, est allongé, inerte. Son corps porte des traces évidentes de violences. L’autopsie révélera des brûlures, des fractures, un pneumothorax. La mort n’a pas été immédiate. Elle a été infligée, méthodiquement.

Son codétenu, Lotfi H., 26 ans, est rapidement placé en garde à vue. Deux jours plus tard, le lundi 16 juin, il est mis en examen pour meurtre aggravé par actes de torture ou de barbarie. Ce que le parquet de Rennes qualifie de « sauvagerie exceptionnelle ».

Un mobile glaçant : “Je ne supportais plus l’odeur”

Au fil des auditions, le récit s’épaissit d’un malaise. Lotfi H., connu pour son instabilité et ses antécédents de violence (22 mentions au casier judiciaire), partageait depuis plusieurs semaines la cellule avec Alexis B., un détenu fragile, souffrant d’incontinence chronique. Ce dernier, décrit comme discret et vulnérable, faisait l’objet de moqueries et de remarques constantes de la part de son codétenu.

« Il disait ne plus supporter l’odeur », rapporte une source judiciaire. Lotfi aurait demandé plusieurs fois à changer de cellule. Sans suite. Le soir du drame, les coups pleuvent. Des coups portés avec une violence rare, que le mis en cause évaluera lui-même à « 9 sur 10 ». Il n’a pas utilisé d’arme, dit-il. Juste ses poings. Et son ressentiment.

Une prison sous tension

Située aux portes de Rennes, la prison de Vezin, inaugurée en 2010, n’est pas inconnue des observateurs des droits en détention. En 2017 déjà, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté alertait sur des violences récurrentes, un sous-effectif chronique, et une gestion problématique des profils psychiatriques.

En juin 2025, la situation n’a guère évolué. Le taux d’occupation dépasse les 120 %, et le personnel est débordé. Trois détenus se sont donné la mort au printemps. Aucun psychiatre à temps plein. Les infirmiers, eu aussi débordés, ne sont pas en mesure de repérer tous les signaux faibles.

Dans ce climat délétère, le huis clos d’une cellule peut virer à l’enfer. Et la cohabitation imposée entre deux profils incompatibles devient une bombe à retardement. « Ce n’est pas un simple fait divers, c’est l’aboutissement d’un échec systémique », commente un représentant syndical pénitentiaire.

Une information judiciaire ouverte

Le juge d’instruction saisi a ordonné le placement en détention provisoire de Lotfi H., désormais transféré au centre pénitentiaire du Mans. Les investigations devront déterminer la chronologie exacte des faits, mais aussi les responsabilités au-delà de l’auteur présumé : pourquoi la demande de changement de cellule n’a-t-elle pas été traitée ? Pourquoi un détenu aussi vulnérable a-t-il été laissé sans surveillance renforcée ? Pour l’avocat de la famille d’Alexis B., Me Julien D., la justice devra aller plus loin : « Il y a des responsabilités individuelles, mais aussi une défaillance de l’administration. Ce jeune homme n’aurait jamais dû être exposé à ce danger. »

Ce meurtre, brutal et évitable, soulève des questions essentielles sur les conditions de détention en France. Loin des fantasmes sécuritaires, il met en lumière une réalité plus crue : celle de prisons surpeuplées, où la vulnérabilité est un facteur de risque mortel. Alexis B. n’était pas un criminel endurci. Il n’aura pas purgé sa peine. Il l’a payée de sa vie.

Ce que dit la loi :

L’article 221-1 du Code pénal punit le meurtre de la réclusion criminelle à perpétuité lorsque celui-ci est accompagné d’actes de torture ou de barbarie (article 221-3). L’irresponsabilité partielle peut être invoquée en cas de troubles psychiatriques, mais les experts n’ont pour l’heure pas conclu à une altération du discernement du mis en examen.