Sortie le 12 septembre. Christophe Miossec : un type capable de confier la rédaction du communiqué de presse de son nouvel album à l’impudent scribouillard qui avait osé écorcher l’avant-dernier. Voilà ce qui différencie sans doute le Brestois de ses collègues chanteurs : le monsieur, ancien journaliste, ne s’offusque guère de ce genre d’affronts, voire s’en amuse.
“Finistériens” (2009), son précédent, était réalisé avec Yann Tiersen, un voisin de la mer d’Iroise. Avant de concevoir un disque, Miossec pratique un genre de politique de la terre brûlée. Tout remettre à plat. Jouer avec d’autres gens. Enregistrer ailleurs. “J’étais avec mon groupe de tournée depuis longtemps, explique le bonhomme, on faisait du Miossec typique. Il fallait trouver d’autres musiciens.” Pour lui, pas question de s’auto-parodier, de tomber dans le plan de carrière balisé ou, horreur, de donner dans la chanson française. Une chose semblait claire, “il fallait se réveiller”. Le déclic s’est produit grâce à Dominique Brusson ingénieur du son qui pense à trois musiciens jouant, avec ou dans, Montgomery, Dominique A, X Mas X, Frank… Sébastien Buffet, David Euverte et Thomas Poli. “J’ai eu l’impression de passer une audition pour un groupe qui existait déjà. L’idée du power trio me plaisait.” La petite bande s’enferme à Rennes dans une ferme-studio. Miossec, qui a eu un groupe et vécu les années Marquis de Sade, retrouve de vieilles sensations. “Tu te couches à pas d’heure, tu te fends la gueule, tu retrouves une virginité. Les idées sont venues d’elles-mêmes. Le principe, c’était de faire des morceaux sur le moment. Deux notes de guitares et on fonçait. J’avais l’impression de faire de la musique comme quand j’étais ado. 1, 2, 3, 4…” De ces séances, ont jailli 11 chansons mixées par Mark Plati à New York. Il faut rendre ici hommage aux musiciens. Le bonhomme a réuni un vrai groupe, inspiré, soudé, énergique, qui brode des rythmiques soutenues et triture les guitares à la sauce My Bloody Valentine.
C’est aussi pour cela qu’on l’aime bien : Miossec préfèrera toujours les rockers obscurs aux tenanciers de la chanson d’ici. Imagine-t-on ces brillants artistes disserter sur la discographie tardive de Captain Beefheart ? Certes non. Restait à mettre ça en pratique. Musicalement Miossec a parfois tourné autour du pot, ni vraiment rock, ni vraiment chanson (pour employer des gros mots). On dira donc qu’il dispose ici enfin de l’écrin musical qui lui convient. Il jubile : “c’est un disque impulsif, avec du ventre.”
Et les textes ? Pas de métaphore filée ni de poésie de mirliton. Miossec, fervent lecteur d’Henri Calet et des Hussards, a conservé son style sec, direct. Ainsi que le sens de la formule. D’aucuns narrent les petites choses du quotidien, Miossec sort encore le lance-flammes : “ce n’est pas parce que tu te sens seul qu’on a besoin de voir ta gueule ”. On appréciera aussi les intitulés des morceaux : “Chanson dramatique”, “Chanson protestataire”, “Chanson d’un homme couvert de femmes”, etc. “J’ai pas mal potassé le répertoire d’avant-guerre avoue-t-il.
Il y avait les chansons à boire, les chansons à ceci, à cela. Chaque chanson avait une fonction. J’aime bien le côté hyper couillon.” Puisqu’on en parle, l’auteur de “Boire” ces temps-ci se désaltère à l’eau claire et au mojito sans rhum. Il en rigole :“En fait, c’est marrant, t’es vachement plus lucide sur ce que tu fais. Tu te fends plus la gueule, tu dramatises moins. J’ai arrêté de prendre le pouvoir en gueulant, je sais où je vais.” Sans vouloir faire le fayot, on est tenté de dire que cela s’entend.
Basile Farkas
Concerts : les 20, 21, 22 et 23 septembre au Nouveau Casino (Paris)