La décision du gouvernement français de mettre les drapeaux en berne sur les bâtiments publics, ce samedi 26 avril, jour des obsèques du pape François, a suscité une vive controverse. Entre volonté de rendre hommage à une figure mondiale et crainte d’une atteinte au principe de laïcité, les réactions politiques et sociétales révèlent une tension persistante dans l’interprétation de la neutralité de l’État français.
Un hommage à une figure d’envergure internationale
Pour les partisans de la mise en berne, cette décision n’est pas une entorse à la laïcité, mais un hommage rendu à un chef d’État et à une personnalité influente sur la scène mondiale. Le pape François n’était pas seulement le chef spirituel de l’Église catholique : il était également le souverain de l’État de la Cité du Vatican, sur lequel il exerçait la plénitude du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. À ce titre, il bénéficiait d’un statut unique dans le concert des nations, justifiant, aux yeux du gouvernement français, un hommage protocolaire.
Cette perspective s’inscrit dans une tradition diplomatique : la France entretient des relations officielles avec le Vatican, et rend parfois hommage à certains chefs d’État étrangers décédés. À noter toutefois qu’en 2005, lors du décès du pape Jean-Paul II, si des hommages avaient été rendus, la mise en berne des drapeaux n’avait pas été décidée, ce qui nourrit aujourd’hui des interrogations sur une éventuelle évolution dans la pratique républicaine.
Certains observateurs ajoutent que le pape François, au-delà de sa fonction religieuse, s’était affirmé comme une voix engagée sur des causes universelles — la justice sociale, la lutte contre la pauvreté, la défense de l’environnement —, ce qui pourrait justifier un hommage dépassant les cadres confessionnels habituels.
Un geste perçu comme contraire au principe de laïcité
À gauche, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer cette décision, perçue comme une violation du principe de neutralité religieuse de l’État. Des responsables politiques, notamment du Parti socialiste, de La France insoumise et des associations telles que le Comité laïcité République, ont critiqué la mise en berne des drapeaux, y voyant « une atteinte grave au principe de laïcité ».
Selon eux, dans une République laïque, il n’est pas approprié de rendre un hommage officiel à une autorité religieuse, même lorsqu’elle est également chef d’État. Ils rappellent que le Vatican est un État dont la nature même est confessionnelle, ce qui, selon eux, devrait inciter à une prudence accrue de la part des autorités françaises. D’autant plus qu’aucune mesure similaire n’est prise pour des figures d’autres confessions ou de la société civile, ce qui pourrait apparaître comme une marque de préférence religieuse.
La laïcité française, consacrée par la loi de 1905, impose que la République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Pour ses défenseurs les plus stricts, toute reconnaissance publique particulière, même indirecte, à l’égard d’un chef religieux, entre en contradiction avec cet impératif.
Une controverse révélatrice des tensions françaises autour de la laïcité
La polémique autour de la mise en berne des drapeaux traduit en réalité des divergences profondes sur l’interprétation contemporaine de la laïcité en France. D’un côté, une vision « ouverte » de la laïcité, tolérant des gestes symboliques dès lors qu’ils ne signifient pas un alignement confessionnel ; de l’autre, une approche « stricte », exigeant une neutralité absolue dans l’ensemble des actes publics de l’État.
Dans un climat où les questions de laïcité sont devenues de véritables lignes de fracture politiques et sociales — sur fond de débats relatifs aux signes religieux, aux accommodements raisonnables ou encore aux tensions interconfessionnelles —, la moindre décision symbolique est immédiatement investie de significations profondes et conflictuelles.
La mise en berne des drapeaux français pour les obsèques du pape François apparaît ainsi comme un geste diplomatique, mais non dépourvu d’enjeux politiques et philosophiques majeurs. Elle relance un débat de fond sur la définition même de la laïcité en France, entre fidélité stricte aux principes républicains et reconnaissance pragmatique de la stature internationale de certaines figures religieuses. Plus que l’acte lui-même, c’est la conception que se fait la France de sa propre laïcité dans un monde pluraliste et globalisé qui est aujourd’hui questionnée.
Voici un aperçu des gestes adoptées dans quelques pays :
États-Unis
Le président Donald Trump a ordonné que les drapeaux soient mis en berne sur tous les bâtiments publics fédéraux, les installations militaires et les ambassades jusqu’au jour des funérailles du pape, le 26 avril.
Philippines
Le président Ferdinand Marcos Jr. a décrété une période de deuil national, avec les drapeaux en berne jusqu’aux funérailles du pape. Des messes commémoratives ont été organisées à travers le pays.
Brésil
Le président Luiz Inácio Lula da Silva a déclaré une période de deuil national de sept jours en hommage au pape François.
Argentine
Le pays natal du pape a observé une semaine de deuil national, avec des drapeaux en berne et des hommages officiels.
Italie
Le gouvernement italien a décrété cinq jours de deuil national, avec les drapeaux en berne sur tous les bâtiments publics .
Espagne et Portugal
Les deux pays ont observé trois jours de deuil national, avec des drapeaux en berne et des cérémonies commémoratives .
Pologne
Le président Andrzej Duda a ordonné la mise en berne des drapeaux et a salué le pape comme un homme guidé par l’humilité et la modestie .
Slovaquie
Le gouvernement a décrété une période de deuil national, avec les drapeaux en berne du 22 au 24 avril .CNEWS
Thaïlande
Le gouvernement thaïlandais a ordonné la mise en berne des drapeaux en hommage au pape François .
Taïwan
Les autorités taïwanaises ont mis les drapeaux en berne pour honorer la mémoire du pape .
