MobLand (Paramount+, 2025) : Tom Hardy, Guy Ritchie et l’art délicat de recycler le crime organisé

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Parfois, la télévision britannique semble rejouer un même air à la manière d’une ballade populaire aux accords rebattus, mais toujours capables de charmer. Avec MobLand, Guy Ritchie et Ronan Bennett s’inscrivent sans complexe dans cette tradition du crime familial où l’hémoglobine côtoie les alliances brisées, les accents chancelants et les dynamiques shakespeariennes.

Dans l’univers de la télévision contemporaine, chaque décennie produit ses grandes fresques mafieuses. Après The SopranosBoardwalk Empire ou encore Peaky Blinders, voici MobLand, la dernière incursion de Guy Ritchie dans l’arène des familles déchirées par le pouvoir, la trahison et la vengeance.

Sur le papier, la recette est simple. Deux clans s’affrontent dans les bas-fonds d’un Londres aussi crépusculaire que théâtral. Au centre : la dynastie Harrigan, emmenée par Conrad (Pierce Brosnan) et Maeve (Helen Mirren), patriarche et matriarche au bord de la guerre civile. En contrechamp, Harry Da Souza (Tom Hardy), fixer impassible, nettoyeur attitré des dérapages sanglants et des maladresses stratégiques de ses employeurs. Autour d’eux gravitent intrigues secondaires, règlements de compte et jeux de pouvoir.

Difficile de nier que MobLand repose sur les épaules solides de Tom Hardy. L’acteur, dans une veine proche de ses performances dans Peaky Blinders et Taboo, y livre une partition d’une intensité feutrée, où chaque regard suffit à condenser des litres de tensions contenues. Hardy est ce personnage fatigué, désabusé mais inébranlable, seul véritable point d’ancrage émotionnel dans une série souvent plus préoccupée par ses effets de style que par la construction de ses personnages secondaires.

Face à lui, Pierce Brosnan et Helen Mirren peinent à trouver un équilibre. Leur interprétation des Harrigan, censée porter une charge tragique, frôle parfois la caricature, en particulier dans leurs tentatives d’accent irlandais, qui ont suscité de nombreuses réactions moqueuses chez les critiques comme chez les spectateurs.

Visuellement, MobLand confirme que Guy Ritchie sait encore manier sa grammaire cinématographique avec brio. Le montage rapide, les dialogues ciselés, les cadres élégants, la violence chorégraphiée : tous les ingrédients de sa signature esthétique sont là. Les premières scènes impressionnent par leur nervosité, l’éclairage froid des intérieurs londoniennes plonge le spectateur dans une ambiance poisseuse et anxiogène.

Mais derrière cette efficacité, on perçoit aussi les limites du dispositif. Plusieurs critiques ont souligné le caractère parfois répétitif des arcs narratifs, et une écriture qui sacrifie la profondeur psychologique à l’efficacité narrative. Là où The Sopranos explorait la complexité existentielle de ses personnages, MobLand privilégie souvent l’exposition spectaculaire de conflits stéréotypés.

Sur les réseaux sociaux et les forums spécialisés, les avis oscillent entre enthousiasme fervent et exaspération lassée. Les partisans de MobLand saluent un divertissement efficace, un « plaisir coupable » à haute teneur en adrénaline, superbement incarné par Hardy et rythmé avec panache par Ritchie. Les détracteurs, eux, dénoncent un recyclage paresseux des tropes du genre, des personnages secondaires sous-développés et un certain manque de souffle dans l’écriture.

De mon côté, je pointerai un déséquilibre tonal structurel : MobLand semble hésiter en permanence entre drame mafieux sérieux, hommage postmoderne aux films de gangsters et pastiche involontaire. Cette indécision lui coûte à mon avis l’accès au statut de série événement.

Si la série décroche une seconde saison — les discussions sont en cours — il lui restera à confirmer ses ambitions : creuser la psychologie de ses personnages, densifier ses enjeux moraux et assumer un ton plus unifié. En l’état, MobLand demeure un divertissement soigné, parfois grisant, mais encore loin de se hisser au rang des grandes fresques criminelles du XXIe siècle.

Fiche technique de la série MobLand (2025)

  • Titre original : MobLand
  • Création : Ronan Bennett
  • Réalisation principale : Guy Ritchie
  • Production exécutive : Ronan Bennett, Guy Ritchie, Marn Davies, Bill Block
  • Plateforme de diffusion : Paramount+
  • Pays d’origine : Royaume-Uni / États-Unis
  • Langue : anglais
  • Nombre de saisons : 1 (saison 2 en négociation)
  • Nombre d’épisodes : 10
  • Durée moyenne des épisodes : 45 minutes
  • Date de diffusion initiale : 30 mars 2025
  • Genre : Thriller / Drame criminel / Saga mafieuse

Distribution principale

  • Tom Hardy : Harry Da Souza
  • Pierce Brosnan : Conrad Harrigan
  • Helen Mirren : Maeve Harrigan
  • Joanne Froggatt : Jan Da Souza
  • Paddy Considine : Kevin Harrigan
  • Geoff Bell : Richie Stevenson
  • Lara Pulver : Lisa Dwan O’Hara
  • Mandeep Dhillon : Seraphina

Musique

  • Bande originale : Divers titres contemporains et ambiance électro, avec notamment Breathe de Kasablanca dans le générique.
  • Supervision musicale : supervisée par l’équipe de Guy Ritchie, fidèle à ses usages musicaux nerveux et atmosphériques.

Lieux de tournage

  • Londres et ses environs (quartiers de Docklands, Canary Wharf, Hackney, etc.)
  • Quelques scènes intérieures tournées aux studios de Leavesden (Royaume-Uni)

Particularité

  • Le projet avait initialement été développé sous le titre The Donovans avant d’être réintitulé MobLand en phase de production.