Avec son nouveau magazine Mon côté sud France 3 entame un virage stratégique vers une télévision nationale enracinée dans les territoires. Guidé par Carole Gaessler et des personnalités invitées, le programme invite chaque semaine à redécouvrir le Sud de la France sous un prisme intime et sensible. Mon côté sud est un parfait prototype de « décentralisation éditoriale centralisée » : les territoires sont bien la matière première, mais la gouvernance éditoriale reste centralisée à Paris (direction des programmes nationaux). A voir en direct ou en replay sur France TV (attention : l’image en replay manque de qualité et l’accès est gratuit mais avec 30 secondes de publicité imposées).
Un programme né en région propulsé à l’échelon national
Créé en 2023 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, Mon côté sud bénéficie depuis le 7 juin 2025 d’une diffusion nationale, chaque samedi à 12h55. Ce changement d’échelle illustre le virage stratégique pris par France Télévisions sous l’impulsion de sa présidente Delphine Ernotte : réenraciner le service public dans les régions, et proposer aux téléspectateurs des récits ancrés dans les territoires. Produit à Marseille par 13 Productions, le magazine confie ses clés à Carole Gaessler, figure tutélaire de l’information et du patrimoine télévisuel public (Des racines et des ailes). France 3 y retrouve ainsi son ADN historique de télévision des territoires, tout en tentant de capter un public national.
Un Sud pluriel à hauteur d’habitants
Chaque épisode de Mon côté sud suit une personnalité attachée à son territoire : Gérard Jugnot, Charlotte de Turckheim, Patrick Bosso, Charles Berling, Melissa Theuriau ou Grégory Montel. À travers leurs regards et leurs émotions, la Provence, la Côte d’Azur, les Alpilles ou les calanques dévoilent des facettes souvent intimes, loin des simples cartes postales touristiques. Le ton se veut à la fois chaleureux et sensible : marchés de village, artisans, paysages, anecdotes personnelles… Un patrimoine vécu et incarné, qui distingue le programme des formats purement institutionnels ou promotionnels.
La décentralisation éditoriale : une stratégie sous contrôle
Derrière l’affichage de la décentralisation, l’opération Mon côté sud illustre une formule hybride propre à France Télévisions : une décentralisation de production sous gouvernance éditoriale centralisée.
- Oui, la production est régionale : tournages en PACA, équipes techniques implantées localement, valorisation des savoir-faire régionaux.
- Mais la validation reste centrale : c’est la direction des programmes nationaux qui arbitre les choix éditoriaux, détermine les standards de diffusion et opère le calibrage pour le public national.
- Un modèle de « nationalisation sélective » des programmes locaux : seuls certains formats régionaux jugés compatibles avec les attentes d’une audience nationale franchissent le cap.
En résumé : Mon côté sud est moins un laboratoire de « fédéralisme audiovisuel » qu’une nouvelle déclinaison du centralisme souple à la française.

Une réponse à la fracture territoriale française ?
Le succès potentiel de ce type de format interroge des enjeux plus profonds : celui de la représentation des territoires dans l’espace médiatique français. Dans un pays marqué par des fractures géographiques, sociales et politiques croissantes, la capacité du service public à incarner tous les « France » devient un enjeu politique autant que culturel. Mon côté sud tente ici un exercice d’équilibriste : parler des territoires sans provincialisme, inscrire le local dans le récit national, sans tomber dans l’ethnographie condescendante ni la carte postale figée.
Au-delà de Mon côté sud, cette expérience pourrait préfigurer une nouvelle architecture éditoriale pour France 3 dans les années à venir. D’autres régions pourraient suivre le modèle PACA : Bretagne, Occitanie, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine… en alimentant un catalogue national plus diversifié, sans pour autant renverser les logiques de gouvernance centralisée du groupe.
Prochaine diffusion : chaque samedi à 12h55 sur France 3.
FAQ Unidivers :
La décentralisation éditoriale dans l’audiovisuel public : de quoi parle-t-on ?
La décentralisation éditoriale vise à confier la production de contenus nationaux à des rédactions, studios ou équipes implantées en région, et non uniquement à Paris. Objectif : mieux représenter la diversité des territoires, favoriser des regards multiples, et retisser un lien entre l’audiovisuel public et l’ensemble des citoyens. Cette approche, qui rompt avec la centralisation historique de la télévision française, est aujourd’hui portée par France Télévisions dans le cadre de sa réforme stratégique.
Décentralisation éditoriale vs. nationalisation des programmes locaux : où placer le curseur ?
Dans l’audiovisuel public, la décentralisation éditoriale consiste à produire des contenus nationaux depuis les territoires, avec des équipes et des moyens implantés en région. Mais cette décentralisation n’implique pas une autonomie éditoriale complète : la sélection, le calibrage et la programmation restent largement décidés à Paris. Le modèle actuel de France Télévisions s’apparente à une nationalisation progressive de formats régionaux jugés « exportables » vers l’ensemble du public hexagonal.
