Montreuil le Gast, petite commune de 2000 habitants à 20 km de Rennes, perpétue une tradition quasi centenaire : l’élection de la Rosière. Choisie parmi les jeunes filles du village, Laure Delots, 18 ans, est la Rosière 2024.
La fête de la Rosière est célébrée depuis 1930, y compris durant la période sombre de l’occupation allemande de 1940 à 1944. A l’origine de cette tradition, le legs d’une Montreuillaise Marie-Joseph Forge née en 1851. Toute jeune fille, elle s’en fut travailler à Paris, ville de perdition, ce qui entraîna qu’elle fut déshéritée par ses parents.
Devenue Madame Carré, bien plus tard, sentant la mort venir, elle demande à rédiger un curieux testament. Elle léguait ses biens à sa commune natale à condition que chaque année le conseil municipal élise une jeune fille “pauvre honnête, vertueuse”, laquelle recevra un don représenté par les intérêts du capital légué.
Madame Carré décède le 27 novembre 1910, chez elle au 20 route de Montesson à Chatou près de Saint-Germain-en-Laye.
Il faudra pourtant attendre 1930 pour voir élue ma première Rosière. Depuis, aucune année n’a manqué sa pétale.
Extrait de son testament datant de 1907 :
Ceci est mon testament et mes dernières volontés.
Je donne tout ce que je possède après ma mort pour former une Rosière pour le jour de l’anniversaire de ma mort à mon lieu de résidence qui est la Commune de Montreuil le Gast (Ille et Vilaine) toutes les valeurs devront être converties en une rente sur l’Etat français ainsi que le reste qui m’appartient. Cette jeune fille devra avoir de 20 à 25 ans, être pauvre, honnête et de bonne conduite. En cas de refus de la dite commune je désire que ce soit pour la Commune de La Chapelle Chaussée où sont enterrés mes père et mère. Je déshérite complètement ma famille pour cause d’ingratitude.
Je désire être enterrée soit à Montreuil Le Gast soit à la Chapelle Chaussée à l’endroit qui acceptera le don.
Je désire avoir un cercueil en chêne et un tombeau en granit.
P.S : je voudrais être enterrée de préférence à Montreuil Le Gast.
Le 10 février 1911, le Conseil municipal de Montreuil le Gast a reçu le corps de Madame Carré. Sa tombe se trouve sur la place de l’église.
Le 9 Juillet 1911, le maire demande de rejeter les réclamations des frères et sœurs de Madame Carré :
” Considérant que les parents proches de Madame CARRE demande au Conseil d’Etat de ne pas autoriser le legs consenti par cette dernière à la Commune de Montreuil le Gast,
Considérant que leurs réclamations ne peuvent être retenues et qu’il importe de les rejeter, qu’en effet, ces personnes sont les héritiers collatéraux de Madame CARRE et que depuis de très longues années ils n’ont entretenu avec elle les moindres relations,
Qu’ils ignoraient même son adresse, considérant d’autre part que Madame CARRE était mariée, les frères et sœurs ne pouvaient compter normalement sur sa succession et qu’ils sont malvenus à raison du legs consenti à la commune de Montreuil Le Gast à vouloir réclamer une part,
Considérant qu’il n’y a pas lieu d’accueillir de semblables réclamations et d’aller à l’encontre de la volonté de madame CARRE si nettement manifestée dans son testament.
Le Conseil municipal demande au Conseil d’Etat de dire que les réclamations de la famille ne peuvent être prises en considération et qu’il y a lieu de les respecter “.