Nan’Eco est l’association caritative créée par Sabine Renouard. Depuis 2022, l’infirmière de formation œuvre à améliorer les conditions hygiéniques des femmes africaines en concevant des protections en tissu lavables afin de les distribuer au Togo, en Afrique de l’Ouest.
La vie de Sabine Renouard, Flamande de naissance, semblait toute tracée. Infirmière sociale diplômée, elle souhaitait entrer à l’école des Tropiques à Anvers afin de partir avec Médecins sans frontières. Un travail au Club Med en Tunisie et sa rencontre avec un Français, devenu son mari, ont cependant chamboulé ses plans (dans le bon sens). Ce n’est qu’après avoir exercé en tant qu’infirmière libérale, en maison de retraite et à la crèche, et avoir travaillé 25 ans dans le cabinet médical de son mari, médecin, que le désir retape à la porte de son esprit. En 2020, le déclic est tel qu’elle part seule en tant que bénévole infirmière pour l’association AHGV (Aide Humanitaire Jeunes Volontaires), installée à Tsévié.
Pendant ce séjour humanitaire, Sabine Renouard essaie d’organiser une infirmerie, soigne les gens et fait un suivi des enfants malnutris et des enfants de rue, ceux qui sont abandonnés. « À Tsévié, 30% des enfants entre 0 et 18 ans sont dans la rue. Certains n’ont même pas de noms », souligne-t-elle. Elle fait également du soutien scolaire, organise des animations d’arts plastiques et une chorale. Elle y retournera plusieurs fois et c’est lors des soins qu’elle découvre que la plupart des jeunes filles et des femmes ont du mal à gérer leur hygiène intime. « Les filles abandonnent l’école ou n’y vont pas quand elles ont leurs règles. Elles n’ont accès à aucune protection et une école sur deux à des latrines », nous apprend-elle. « C’est quand même abominable de se dire que nées femmes, elles n’ont déjà pas les mêmes chances que les hommes là-bas. » Les femmes utilisent généralement des bouts de pagnes, des feuilles de maïs ou mettent plusieurs sous-vêtements. Certaines peuvent aller jusqu’à mettre du sable dans leurs sous-vêtements, ce qui peut causer de graves problèmes gynécologiques. « Les filles ne sont pas informées sur ce qu’il va se passer dans leur corps à l’adolescence, c’est un sujet tabou. Elles sont stigmatisées et restent souvent dans leur chambre. »
« Un enfant sur deux, à 14 ans, ne dépasse pas le niveau primaire à cause de ses menstruations. »
Face à ce problème écologique, économique et médical, Sabine se lance dans la création de protections en tissu réutilisables composées de quatre couches : un coton en bambou ou en éponge, un tissu dix fois plus absorbant dont elle est la seule à utiliser, un morceau de PUL (tissu imperméable, mais respirant) et un tissu africain pour l’extérieur de la serviette. Une petite étiquette a été pensée pour pouvoir faire sécher le linge facilement en l’accrochant. Trois tailles existent : mini, médium et maxi. Sabine précise : « J’utilise des couleurs vives pour dédramatiser le sujet ».
La première fois, elle distribue 400 serviettes faites main à Tsévié. « Ça ne devait être qu’une mission ponctuelle. » La deuxième fois, elle en réalise 800 (300 mini, 300 médium et 200 maxi), avec l’aide de petites mains pour le découpage, pour les vendre au prix de revient, soit entre 1€20 et 1€80. « J’achète le tissu, mais j’essaie au maximum de récupérer des chutes chez des couturières. » Cependant, elle est rapidement rattrapée par la grande pauvreté de la population. « Ils ne savent parfois pas s’ils vont pouvoir manger alors s’acheter ce genre de protection, c’est impensable. Le salaire moyen là-bas est de 17 €. »
De fil en aiguille, l’association Nan’Eco, de la contraction des mots “nana” et “écologique”, prend forme. La vente d’autres créations – lingettes démaquillantes lavables, bavoirs, petits paniers, pochettes, etc. – l’aide à financer le matériel nécessaire à la réalisation des serviettes. Sur les conseils de son fils, créateur de la marque Sekoïa, la couturière commence aussi la vente de serviettes lavables en Occident : la petite est à 8 €, la moyenne à 10 € et la grande à 12 €, en sachant qu’à partir de cinq achetées, la sixième est gratuite. L’achat d’une serviette taille moyenne lui permet de réaliser 10 Nan’eco basic, des serviettes moyennes sans ailettes.
De Tsévié, Sabine passe à Adétikopé, où elle collabore avec l’association CED, Comptoir d’Échanges et de Développement. « La première association ne voulait pas que le projet se développe dans d’autres villes, CED voit les choses en grand. » Des demandes affluent déjà du Bénin et du Ghana, mais Sabine souhaite ancrer durablement son projet au Togo avant de l’étendre.
Parallèlement à la distribution de l’été 2023, elle a organisé une infirmerie au sein du complexe associatif et donné des cours au personnel pour qu’il puisse se débrouiller pendant son absence. Elle a d’ailleurs mis en place un partenariat avec PHI (Pharmacien Humanitaire International). L’organisme national réunit des pharmaciens qui récupèrent du matériel dans les pharmacies et les hôpitaux pour permettre l’accès aux soins aux plus démunis. « Je les aide un après-midi par semaine et quand je pars au Togo, ils me fournissent du matériel (bandages, compresses, absorbants, etc.). »
Nan’Eco grandit à vue d’œil, son but est désormais de créer une économie locale sur place, des créations par et pour les Togolaises. Grâce à la vente en France, les serviettes peuvent être vendues moins chères que le prix de revient au Togo. Et avec ces ventes, elle peut continuer la distribution gratuite des “Nan’eco basics”. Son engagement se prolonge dans la construction d’un bâtiment, un atelier de fabrication et de formation au sein du complexe CED construit grâce aux ventes, à des subventions (500€ de Vezin-le-Coquet) et un apport personnel. Le bâtiment servira à la confection des protections par des personnes du Togo. Dans l’idée, les femmes seront formées et, quand elles seront formées, un système de rémunération sera mis en place. « Des commerçants viendront acheter au prix de base pour les vendre sur les marchés et dans les villages », précise Sabine.
En janvier 2024, le bâtiment sera inauguré et elle espère que le projet intéressera des personnes afin de démarrer la formation et la confection. Sabine a déjà envoyé des cartons sur place avec du tissu, des machines à coudre et une surfileuse, mais aussi du matériel médical. « Le grand problème est l’envoi du matériel qui coûte très cher. » Elle cherche actuellement un moyen de créer un partenariat avec des services de livraison ou de voiturier au Togo. Mais l’enthousiasme de l’infirmière semble sans faille puisqu’elle envisage déjà la suite : « On souhaiterait, dans les villages très isolés, organiser des formations avec des kits de couture pour leur apprendre à les coudre elles-mêmes à la main ».
L’association Nan’Eco compte actuellement quatre membres, mais toute aide, pécuniaire ou physique, est la bienvenue afin de lever un maximum de fonds. Elle aimerait notamment organiser un concert de jazz, entrer en contact avec des écoles de commerces pour faire des actions et créer un site. Mais aussi, pourquoi pas, organiser des expositions avec des photographies prises pendant ses missions humanitaires, comme ce fut le cas avec l’organisme PHI à Bruz. Ce type d’événements se révèle un bon moyen de découvrir la cause par la porte d’entrée de l’art. Les idées et les projets ne manquent pas pour Sabine Renouard qui a renoué avec sa sensibilité profonde, et qui pense à elle en pensant à elles. Un beau message qu’Unidivers transmet avec joie en cette fin d’année.
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