Nommée en janvier 2020, Natacha Le Fresne a pris ses fonctions à la direction de l’association Danse à tous les étages ! au mois de mars dernier. Nourrie de l’héritage laissé par Annie Bégot, elle arrive avec un nouveau projet et prépare de nouveaux événements. Unidivers l’a rencontrée.
Au-delà de ses multiples expériences professionnelles, Natacha Le Fresne est tombée dans le milieu de la danse quand elle était petite et avoue être une véritable férue d’art chorégraphique. « Je suis passionnée de danse depuis mon plus jeune âge. Adolescente, j’ai été bénévole sur des festivals de danse, notamment à Cesson-Sévigné ».
Directrice de production pour les chorégraphes Maud Le Pladec et Thierry Micouin pendant plus de 5 ans, elle les a accompagnés dans leur parcours et la structuration de leurs projets. « La compagnie de Maud était émergente et elle préparait sa première création. Suivre son ascension m’a donné l’opportunité de voir de quelle manière un parcours artistique se déploie à l’international et comment une jeune danseuse atteint la reconnaissance institutionnelle. Notre collaboration a cessé à sa nomination à la direction de Centre Chorégraphique National d’Orléans en 2017 ».
Après l’entrée de la chorégraphe au CCN d’Orléans, elle rejoint l’équipe de Boris Charmatz au Musée de la danse (2016). À quoi pourrait ressembler un musée de la danse ? Comment traduire une histoire de la danse au sein d’un musée ? De quelle manière faire vivre un art éphémère sans proposer un musée figé ? Comment créer une structure vivante et renouvelée avec un rapport direct au public ? « L’enjeu était tout autre, mais complémentaire. De quelle manière un chorégraphe reconnu se reconfigure ? Le projet était ambitieux et innovant dans le format avec cette perspective déjà annoncée d’un changement de direction. Par la suite, un projet tout aussi innovant est arrivé avec le Collectif Fair-e ».
Ce n’est pas un hasard si des projets atypiques prennent leur source à Rennes. La ville possède une culture de l’expérimentation très forte. Le soutien assumé de la DRAC et des collectivités permet une évolution des modèles. Toutes les villes possèdent des projets expérimentaux, mais de façon plus inhabituelle, ces projets émergent au sein d’institutions à Rennes.
Unidivers – Le confinement a suivi de peu votre prise de poste en tant que nouvelle directrice de l’association Danse à tous les étages !. Une complication inattendue…
Natacha Le Fresne – Je n’aurais jamais imaginé une telle situation (rires). Je ne cache pas que les débuts ont demandé beaucoup de travail, mais je préfère regarder le côté positif. Ce contexte a agi comme un moteur de mobilité intellectuelle et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur une équipe formidable et super mobilisée. Malgré le fait que nous avons appris à travailler ensemble par écrans interposés, cette expérience nous a soudé. Les reports et annulations ont dû être gérés, mais plutôt que de rentrer immédiatement dans l’opérationnel, on a pu prendre des temps de réflexion que l’on n’aurait peut-être pas eu autrement.
Unidivers – Vous arrivez à la direction avec un nouveau projet. Quelle nouvelle orientation va prendre l’association ?
Natacha Le Fresne – L’évolution du projet Danse à tous les étages s’inscrit dans la dynamique d’expérimentation propre à Rennes. Rien ne s’invente, il s’agit plutôt d’expérimenter l’inhabituel de manière nomade et itinérante. Se demander ce que serait un projet d’accompagnement de la danse aujourd’hui peut avoir un côté très expérimental. Les questions sont multiples : quelles priorités géographiques ? Comment construire une itinérance sans s’éparpiller ? Quel itinéraire suivre ?
Annie Bégot a dirigé l’association pendant plus d’une vingtaine d’années. Cette militante de la danse est partie de rien et son travail phénoménal a inscrit le projet dans le territoire. Avec une antenne à Rennes et une à Brest, l’itinérance est au fondement de Danse à tous les étages, comme l’accessibilité au plus grand nombre. Annie Bégot s’est demandée comment amener la danse sur des territoires et publics éloignés de l’art chorégraphique. Elle a développé des projets d’actions culturelles et sociales en rassemblant structures culturelles et structures sociales avec des points communs, mais aussi des différences de fonctionnement, d’enjeux, de temporalité, etc. Elle a relevé le défi haut la main et l’association possède aujourd’hui une identité très forte. Mon projet écrit la suite de l’histoire, mais je me suis nourrie de cet héritage.
Je me suis demandée comment ouvrir le champ chorégraphique et repousser les limites. Une étude sur le secteur chorégraphique, parue il y a deux ans, a émis le constat que les espaces de la danse se réduisaient d’année en année. Sur trois saisons, environ 43 % de dates ont été supprimées sur le territoire breton. Ce phénomène n’est pas seulement local, mais national. À quel moment l’art chorégraphique s’est isolé dans une bulle pour ne plus être accessible au grand public ? D’où vient cet isolement ? Le monde entier danse et ça ne date pas d’hier, mais les personnes n’assistent pas aux spectacles de danse… Ce constat m’attriste profondément.
La danse est un langage sensible et universel qui laisse une grande liberté aux spectateurs. Chacun a la place de construire sa propre histoire et interprétation. Elle peut avoir une résonance à la fois citoyenne et politique.
Il m’a semblé intéressant d’amener la danse dans des lieux où elle n’est pas forcément attendue. Partir à la rencontre de structures non dédiées à l’art chorégraphique, mais envieux de proposer des projets. Il est notamment peu représenté en Centre Bretagne où beaucoup d’initiatives régionales existent, mais moins d’institutions. L’enjeu de mon projet est d’élargir géographiquement les champs de la danse, mais également via l’interdisciplinarité avec un axe géographique pré-défini, celui du canal de Nantes à Brest. Cette contrainte géographique m’incite justement à aller à la rencontre de territoires inconnus. Et l’idée n’est pas d’arriver avec un projet fini, mais de soutenir les envies de ces territoires et de s’appuyer sur les réseaux existants – les lieux de patrimoine, les salles de musiques actuelles, les centres d’art, etc. – afin de connecter les publics entre eux.
Unidivers – De quelle manière votre projet se retranscrira t-il dans la programmation future ?
Natacha Le Fresne – L’activité reprend dès la rentrée 2020 en privilégiant des formes in situ et adaptables. La programmation sera restreinte les premiers mois, mais montera en puissance à partir de 2021. Les projets d’actions artistiques et sociales vont également reprendre.
Un temps fort aura lieu dans le cadre des Journées du Patrimoine – les 19 et 20 septembre 2020. La saison s’ouvre avec un nouveau format, car l’association sera présente sur trois villes à la fois : Béatrice Massin, chorégraphe de danse baroque et artiste associée au projet, a imaginé une proposition in situ au musée des Beaux-Arts de Brest ; Rebecca Journo, une jeune artiste, proposera une performance au musée des Beaux-Arts de Quimper ; et une expérience chorégraphique portée par le collectif COEF180 sera présentée au sein de leur festival Le Vent en poulpe à Saint Malo.
Par ailleurs, nous travaillons sur la première édition d’un festival itinérant autour d’un tronçon du canal de Nantes à Brest les dix premiers jours de juin 2021. Ce temps fort artistique de découvertes du territoire tend à montrer toutes les significations de la danse. Le festival se matérialisera entre Rohan et Landevennec avec des propositions dans des théâtres, à l’espace Glenmor (Carhaix), mais aussi dans des espaces défrichés comme la salle des fêtes de Rouans. Des lieux de patrimoine seront également investis comme le musée de l’ancienne abbaye de Landevennec. Nous voulons aussi déployer des projets sur les berges du canal, des parcours chorégraphiques à côté de Rostrenen.
Comme nous sommes partenaires de l’appel à projets Corps Espace Sensibles du domaine de Kerguéhennec, le festival accueillera l’artiste retenu, Sylvain Prunenec. Sa proposition prendra forme dans un espace naturel sensible, certainement la forêt de Quénécan, une forêt très sauvage autour de Pontivy.
Unidivers – En traitant une zone géographique précise, pouvons-nous imaginer le déplacement du festival les années suivantes ?
Natacha Le Fresne – Rien n’est encore défini et la co-construction avec les partenaires et le territoire est au cœur de l’événement. Le canal traverse tous les départements bretons et la première édition englobe le Finistère, les Côtes d’Armor et le Morbihan. C’est intéressant, car cette proposition trace une cohérence différente de celle des départements. Plusieurs options peuvent être envisagées pour le futur : un coup de projecteur sur un tronçon chaque année ou une logique cumulative. Si le festival se déroule bien et que les partenaires nous suivent, pourquoi ne pas envisager l’agrandissement du tronçon d’année en année pour une traversée plus longue ?
Unidivers – Avez-vous déjà contacté des chorégraphes et/ou compagnies pour l’événement ?
Natacha Le Fresne – Des projets sont déjà actés, notamment la présence de Jonas Chéreau. Son projet en cours, Baleine, s’articule autour de projections d’éléments de langage, des mots, autour du lien à la nature et l’environnement. Parallèlement, une résidence d’une semaine sera menée avec les élèves de CM1 et CM2 de l’école primaire de Rohan. Comme j’aimerais créer des passerelles entre les propositions et les territoires, le projet de Sylvain Prunenec s’intégrera à cette dynamique. Une rencontre avec les élèves sera également organisée dans le but de créer du lien artistique et d’inviter les élèves à aller découvrir le projet à Quénécan.
Une journée autour du lien entre danses historiques et création est également en préparation avec l’artiste associée Béatrice Massin. Spécialiste de la danse baroque, elle questionne la transmission de ces danses dans le contexte contemporain. Nous avons pensé à un temps de rencontres autour d’artistes qui travaillent cette dimension. Filipe Lourenço travaille les danses traditionnelles du Maghreb et notamment la danse guerrière allaoui. Il a lui-même été formé à la danse traditionnelle pendant des années avant de devenir chorégraphe contemporain et cette formation alimente son travail. Plus encore, j’aimerais beaucoup inviter un cercle de danses traditionnelles bretonnes à présenter et partager leur travail.
Unidivers – Le festival Waterproof matérialise l’envie commune de nombreuses institutions rennaises de travailler ensemble autour de la démocratisation, le développement, l’ouverture et l’accessibilité à la culture et la création. De quelle manière envisagez-vous la suite à domicile ?
Natacha Le Fresne – Historiquement, Danse à tous les étages a construit des projets d’actions artistiques et sociales à Rennes. Je m’interroge sur la façon dont on peut davantage connecter ces projets et les participant.e.s personnes avec l’autre champ d’activité qui est le nôtre, l’accompagnement de la création et la diffusion. Plusieurs possibilités sont à imaginer à Rennes comme embarquer certains des participants dans une aventure de projet participatif et collectif monté à l’échelle de Waterproof – en partenariat avec l’Opéra de Rennes, le CCNRB, le Triangle et l’Intervalle (Noyal-sur-Vilaine). Chacun va co-produire une forme de spectacle Je suis né du bruit des autres de Naïf Production qui intègre des non-danseurs sur le plateau.
Au-delà d’un projet social artistique, il y a aussi cette envie de voir comment étirer l’expérience dans le temps par des parcours culturels. Une fois le projet terminé, comment prolonger ces expériences par des rendez-vous réguliers qui permettraient de créer des liens en s’appuyant sur le tissu local ? Comment les aider à appréhender un territoire culturel ? Mon collègue Arnaud propose actuellement un parcours culturel aux participants au projet Déplaces. Ils se donnent rendez-vous sur les événements pour une autre manière de se rencontrer.
Site de Danse à tous les étages
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Calendrier Septembre – Décembre 2020 – Danse à tous les étages
Journées européennes du patrimoine à Brest, Quimper et St Malo
- Samedi 19 septembre 2020 – 14h et 16h30 / Musée Départemental Breton – Quimper (29)
L’épouse – Rebecca Journo, Collectif La Pieuvre
- Samedi 19 septembre 2020 – 15h à 18h / Musée des Beaux-arts – Brest (29)
Ateliers découverte de la danse baroque – Béatrice Massin, Compagnie Fêtes Galantes
- Dimanche 20 septembre 2020 – 18h / Musée des Beaux-arts – Brest (29)
Visite dansée du Musée des Beaux-Arts – Béatrice Massin, Compagnie Fêtes Galantes
- Dimanche 20 septembre 2020 / Festival Le Vent en Poulpe – St Malo (35)
Journées Européennes du Patrimoine ateliers avec Dominique Le Marrec
Programmation et résidences hors-les-murs
- Du lundi 5 au vendredi 9 Octobre 2020 / Ecole Marc Chagall – Plumelin (56)
Projet d’éducation artistique et culturelle – Sébastien Laurent, Cie Moi Peau
- Vendredi 9 octobre 2020 / Plumelin (56)
Sourdre – Sébastien Laurent, Cie Moi Peau
- Mardi 27 et mercredi 28 Octobre 2020 / L’espal – Le Mans (72)
La Grande scène – Réseau National des Petites Scènes Ouvertes
- Samedi 21 Novembre 2020 – 20h / La Ville Robert – Saint-Brieuc (22)
Lou – Mickael Phelippeau, Cie Fêtes Galantes
- Samedi 28 novembre 2020 / Finistère
Les Chemins créatifs, journée d’étude et de partage autour de la notation Feuillet- Béatrice Massin, Compagnie Fêtes Galantes
- Du 2 au 6 novembre 2020 / EHPAD Ker Bleuniou – Gouesnou (29)
Résidence avec les résidents de l’EHPAD autour de la création de Jedeya – Sofian Jouini, Cie La 37ème Porte
- Samedi 13 décembre 2020 / Cléguerec (56)
Vivace – Alban Richard, CCN de Caen Normandie
Les projets Créatives en Bretagne :
- Du 7 septembre au 15 octobre 2020 / Rennes (35)
Artistes associées : Florence Casanave et Véronique Thomas
Restitution / MJC La Paillette – Rennes (35) – date à confirmer
- Du 22 septembre au 27 novembre 2020 / Saint-Malo (35)
Artistes associé.e.s : Dominique Le Marrec et Cyril Catarsi
Restitution le vendredi 27 novembre à 18h30 / Espace Bouvet – Saint-Malo (35)
- Du 8 octobre au 18 décembre 2020 / Brest (29)
Artistes associées : Marie-Laure Caradec et Sophie D’orgeval
Restitution le vendredi 18 décembre à 18h et à 20h / Espace Lcause – Brest (29)
- Du 2 novembre au 11 décembre 2020/ Morlaix (29)
Artiste associée : Betty Tchomanga
Restitution le vendredi 11 décembre à 18h / Centre social Carré d’As- Morlaix (29)
Les projets Portraits en mouvement en Bretagne :
- Du 10 Novembre au 4 décembre 2020 / Rennes (35)
Artiste associé : Sébastien Laurent
Restitution / Maison de Quartier Villejean – Rennes (35) – date à confirmer
- Du 26 octobre au 20 novembre 2020 / Brest (29)
Artiste associé : Alexandre Fandard
Restitution le vendredi 20 novembre 17h /Brest (29)