La révélation, en janvier 2024, de l’usage chronique de traitements de purification interdits (lampes UV, charbon actif, micro‑filtration renforcée à 0,2 μm) par Nestlé Waters sur ses marques Perrier, Vittel, Contrex et Hépar a ébranlé la confiance des consommateurs. Un an et demi plus tard, les dernières pièces ajoutées au dossier montrent que l’affaire dépasse largement la seule responsabilité de l’industriel. Un rapport d’enquête du Sénat, la mise en demeure préfectorale du 7 mai 2025 et une offensive judiciaire d’UFC‑Que Choisir confirment une collusion d’intérêts et un possible « scandale d’État ».
Mis à jour le 18 juin 2025
14 mai 2025 : un rapport sénatorial accablant
Après six mois d’auditions (73 personnes entendues, dont quatre ministres), la commission d’enquête sur « les pratiques des industriels de l’eau en bouteille » publie un rapport de 650 pages. Elle y établit que :
- L’État était informé dès 2021 des procédés illicites et a pourtant laissé Nestlé continuer à commercialiser ses eaux comme « minérales naturelles ».
- Des documents officiels ont été édulcorés à la demande du cabinet ministériel et de Nestlé, occultant des contaminations bactériennes (E. coli) et des métabolites de pesticides détectés dans la source de Vergèze.
- Le manque de réaction administrative a permis à Nestlé de dégager plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur des produits non conformes.
- La commission saisit le procureur de Paris pour faux témoignage d’un cadre de Nestlé lors de son audition du 26 mars.
« L’État n’a pas fait cesser l’infraction, il l’a dissimulée », conclut le rapporteur Alexandre Ouizille (PS). (senat.fr)
7 mai 2025 : Nestlé sommé de retirer ses filtres
À la lumière des investigations, le préfet du Gard a mis Nestlé Waters en demeure de retirer sous deux mois le système de micro‑filtration installé sur la ligne Perrier de Vergèze. Les mêmes exigences ont suivi pour le site vosgien (Vittel/Contrex). Faute de conformité, la production pourrait être suspendue dès août 2025. Nestlé affirme « travailler à une solution technique » mais n’a pas, à ce jour, présenté de calendrier détaillé.
20 mai 2025 : l’UFC‑Que Choisir pose six grandes questions
Dans une analyse fouillée, l’association de consommateurs revient sur les points cruciaux du scandale : nature exacte de la fraude, inertie des autorités, risques sanitaires et enjeux économiques. L’article – devenu viral – synthétise le rapport sénatorial et rappelle que 30 % des marques françaises auraient eu recours à des procédés analogues. (quechoisir.org)
3 juin 2025 : l’offensive judiciaire
Constatant l’absence de mesures de retrait généralisé, l’UFC‑Que Choisir a engagé trois actions en justice :
- Référé « d’heure à heure » devant le tribunal de Nanterre pour obtenir le rappel immédiat des bouteilles Perrier non conformes.
- Plainte pénale contre Nestlé Waters et plusieurs de ses dirigeants pour tromperie aggravée et falsification.
- Plainte à la Cour de justice de la République visant quatre anciens ministres, soupçonnés d’avoir couvert la fraude.
L’audience de référé est fixée au début juillet 2025.
Une portée désormais européenne
Le Guardian et d’autres médias internationaux relaient le dossier, soulignant qu’il remet en question la définition même d’une « eau minérale naturelle » dans l’UE et expose un problème plus large de capture réglementaire. (theguardian.com)
Quelles suites ?
- Calendrier judiciaire : décision du tribunal de Nanterre attendue en juillet ; information judiciaire pour tromperie toujours en cours à Paris.
- Réglementation : le ministère de la Santé dit « travailler à » un décret renforçant l’interdiction de la micro‑filtration < 0,8 μm. Aucun texte n’est, pour l’instant, mis en consultation.
- Impact économique : selon le Sénat, un arrêt prolongé des lignes Perrier mettrait 1 200 emplois en péril dans le Gard, tandis que la marque représente encore 9 % des exportations agroalimentaires du département.
En résumé
- Le rapport sénatorial (14 mai) établit la responsabilité conjointe de Nestlé et de l’État.
- Le préfet (7 mai) ordonne le démantèlement des filtres sous deux mois.
- L’UFC‑Que Choisir (3 juin) engage trois procédures pour rappel de produits et poursuites pénales.
- Une audience cruciale se tiendra en juillet pour décider d’un éventuel retrait immédiat du marché.
À suivre : le jugement en référé de juillet, la réaction de Nestlé sur son plan industriel, et la publication attendue d’un décret sanitaire renforcé.
