Dans le cadre du festival Nos Futurs – la parole à la relève, une rencontre autour de la thématique « Sexualité, amitié et couple : comment repenser l’intimité dans notre société patriarcale ? » est prévue samedi 25 mars à 17h. À l’occasion, la rédaction s’est entretenue avec Camille Aumont-Carnel, influenceuse et autrice féministe présente à cette rencontre.
Le festival Nos Futurs – la parole à la relève, en partenariat avec Le Monde, revient pour une deuxième édition aux Champs libres du 21 au 26 mars 2023. Il donne la parole aux jeunes qui s’exprimeront sur diverses thématiques sociales et sociétales leur tenant à cœur, et partageront leurs projets au grand public. La sexualité et les relations hommes-femmes feront le sujet d’une rencontre samedi 25 mars intitulée « Sexualité, amitié et couple : comment repenser l’intimité dans notre société patriarcale ? ». Parmi les personnes invitées, Camille Aumont-Carnel, leadeuse d’opinion, entrepreneuse et chroniqueuse féministe. La jeune femme de 26 ans s’est notamment fait connaître via son compte Instagram @Jemenbatsleclito, lancé en 2018 et qui compte à ce jour 682 000 followers.
Un jour, en écoutant une discussion entre quatre amis hommes, Camille Aumont-Carnel se rend compte à quel point les clichés sur la sexualité féminine persistent. Ne trouvant pas de contenu sur Internet pour contrer ces idées reçues, elle décide de créer le sien. Ainsi naît le compte Instagram @Jemenbatsleclito. Le concept est très simple : « Ce sont des punchs, textes courts qui ont pour but de libérer la parole sur la sexualité féminine », écrits à la première personne pour que tout le monde puisse s’identifier. Par la suite, le compte devient une véritable plateforme d’échange, voire d’entraide.
« À la base, Il avait pour vocation de parler de ce que je vivais, et très vite je me suis rendue compte qu’on était des centaines de milliers à se poser les mêmes questions et à vivre les mêmes choses. C’est un endroit où on parle des vrais sujets, sans tabou. »
Le succès est tel que Camille décide d’arrêter la cuisine, son domaine professionnel initial, et de se consacrer à son activité d’influenceuse. Elle crée par la suite deux autres comptes : @jedisnonchef qui a pour but de dénoncer les violences sexistes et sexuelles en cuisine, et @lafaqdecamille consacré à l’éducation sexuelle. En parallèle, elle monte son entreprise qui a désormais 3 ans, participe à des émissions de télévision et collabore avec des marques.
Camille est également autrice du livre #Adosexo : Le guide d’éducation sexuelle de référence ! sorti en juin 2022. Véritable guide participatif, validé par des professionnels de la santé sexuelle, il donne la parole à des milliers de jeunes entre 14 et 18 ans, originaires de plusieurs pays francophones : France, Suisse, Belgique, Canada, Mali, Sénégal et Madagascar. Pour cela, elle s’est renseignée pendant deux ans sur les différents besoins en terme d’information sur la sexualité et l’amour. Et elle insiste sur l’importance de placer la parole des ados au centre du livre : « Ma volonté, c’est de ne surtout pas les infantiliser, mais de partir de leurs besoins. Ne pas me positionner en tant qu’adulte, mais de me mettre au même niveau qu’eux. Et de leur dire « si vous voulez qu’on écrive un livre ensemble, vous voulez qu’il parle de quoi ? » »
En effet, ce sont les ados eux-mêmes qui sont à l’origine du projet et, d’une certaine façon, qui l’ont écrit. Car il faut dire que malgré l’ampleur de certains mouvements comme #MeToo, l’éducation sexuelle dispensée à l’école a encore un temps de retard sur l’évolution de la jeunesse d’aujourd’hui. « Les cours obligatoires ne sont pas effectués, il y a donc déjà un vrai problème à ce niveau-là. Ensuite, on infantilise les ados, on ne répond pas à leurs questions… Ces espaces ne sont pas identifiés comme safe pour eux. » Les professeurs et intervenants chargés d’enseigner l’éducation sexuelle leur rappellent également souvent leurs parents, ce qui est une vraie source d’angoisse : « Ces personnes incarnent elles-mêmes cette notion de tabou ». Et Camille, à qui beaucoup de jeunes s’identifient, est perçue comme la meilleure interlocutrice pour répondre aux nombreuses questions sur la sexualité. Car finalement, l’école reste avant tout l’endroit où on les note et où on décide de leur avenir.
D’où l’intérêt du festival Nos Futurs, où les jeunes peuvent librement s’exprimer sur des sujets importants pour eux. Et c’est dans ce contexte que Camille y intervient, dans le cadre de la rencontre « Sexualité, amitié et couple ». Elle a par ailleurs déjà participé à d’autres évènements de ce genre, tels que le Festival du Monde où elle était invitée en 2021.
« C’est mon métier de m’exprimer auprès de la jeunesse qui est mise en valeur. Ça fait partie des projets qui me tiennent à cœur, et on vient me chercher pour ça. »
Discussion plus qu’un débat, le but de la rencontre est d’échanger sur la sexualité, les relations amoureuses et amicales, le patriarcat, etc., et chacun apporte son point de vue. « On n’a pas d’enjeu, à part celui de rendre visible ce sujet, de l’incarner et surtout de faire passer un maximum de messages. » Le tout, évidemment, dans la bienveillance et le respect. « Ce qui est important, c’est qu’on a tous et toutes une véritable estime, une considération pour les autres personnes. On est tous contents et contentes d’en faire partie. »
Globalement, on constate au fil du temps une libération de la parole autour de la sexualité, avec un discours de plus en plus décomplexé. Mais qu’en est-il, au final, des impacts sur la jeunesse ? On peut penser que désormais, les jeunes d’aujourd’hui s’informent mieux et sont donc plus à même de démêler le vrai du faux en matière de sexualité. Seulement, en réalité, c’est bien plus complexe qu’on ne le croit. « J’appelle ça la génération ‘le cul entre deux chaises’. Elle n’a jamais eu autant de contenu décomplexant, informatif et éducatif, et en même temps c’est la génération qui n’a jamais été autant exposée à la pornographie. C’est tant libérateur que réducteur, finalement. » La capacité d’accès aux informations et l’entourage sont aussi des facteurs à prendre en compte. Tous n’ont pas les mêmes valeurs, ni reçu la même éducation. Et #MeToo, pour l’instant, ne suffit pas à faire évoluer les choses, du moins de façon radicale.
Le combat est donc loin d’être terminé pour Camille, qui cherche à diversifier les supports d’expression pour faire passer davantage de messages : « Continuer à investir les espaces, sortir des réseaux sociaux, c’est très important. » Parmi ses nombreux projets, son prochain livre, qui paraîtra en octobre aux éditions Le Robert, aura pour sujet les différentes expressions employées autour de la sexualité. Car la langue française, comme le fait remarquer Camille, comporte de nombreuses expressions qui insultent ou invisibilisent les femmes. « Les premières violences commencent au moment où on apprend à lire et à écrire et qu’on nous dit que le masculin l’emporte sur le féminin. C’est pas facile quand dès 5 ans, on nous conditionne et on nous dit que la moitié de la planète compte plus que toi. » Elle a voulu changer les choses en créant ses propres expressions telles que « Je m’en bats le clito » : « La langue, un de mes grands sujets de prédilection, en dit beaucoup sur notre situation en tant que femme dans la société française. Ma seule solution, c’est de me la réapproprier ».
Elle souhaite aussi désormais toucher un public plus large, qui varie beaucoup en fonction des espaces de parole : pour la télévision, par exemple, ce sont généralement des plus de 50 ans qui la suivent. « C’est ça, l’importance de diversifier. On a une offre de diffusion qui est beaucoup plus complète. » Car la sexualité, au final, concerne tout le monde, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes. D’où l’importance de libérer la parole : « La sexualité et les questions du corps, c’est très intergénérationnel. »
Infos pratiques
Rencontre « Sexualité, amitié et couple : comment réinventer l’intimité dans notre société patriarcale ? » Samedi 25 mars 2023, 17h, à l’Auditorium des Champs Libres.
Rencontre traduite en LSF (langue des signes française) suivie d’une séance de dédicaces. Avec Camille Aumont-Carnel, Lauren Bastide, Isabelle Clair, Thomas Messias et Louise Morel.
Une conversation à poursuivre au Café des Champs Libres avec des étudiants du CIREFE (Centre International Rennais d’Études de Français pour Étrangers).