Envie de ralentir ? Les Champs Libres de Rennes ont lancé, du 18 janvier au 30 avril 2017, un cycle sur le ralentissement et le « slow movement ». Pour inaugurer ce temps fort, que l’on espère à la fois lent et long, une Nuit de la lenteur était organisé le 18 janvier. Retour décéléré sur une soirée douce et indolente. Après une petite introduction au ralentissement…
Si Karl Marx vaticinait à la fin du XIXe siècle la fin du capitalisme à la suite de l’emballement de l’accélération des crises du capital, un siècle après : le capitalisme est toujours là et l’accélération s’est incorporée au quotidien. Certes, la fatigue et l’usure se sont emparées du monde, surtout occidental ; alors notre société réagit en produisant des anticorps sous forme d’intenses drogues balsamiques. La société des loisirs s’est muée en digital entertainment. Mais l’accélération est telle que diminue année après année la capacité des drogues à cacher la question du sens.

Que devient alors le sens de la vie, de l’existence, d’une existence réalisée et réussie ? Retour de balancier, contrepied en contrepoint, incroyable capacité du capitalisme à dépasser les contradictions : il est venu le temps de ralentir ! Le temps du slow. Ce temps où l’instant est de nouveau goûté, dégusté. Autrement dit, un retour de l’intensité de l’intime.
Slow movement, slow food, slow tv, slow tourism, slow book, slow entainternment – tous les pans de la production, en particulier des biens de consommation culturels, adoptent cette nouvelle posture. Les recherches préliminaires puis approfondies de notre rédaction nous ont conduits à découvrir que même la vidéoindustrie américaine de la cuisse et du vice développait depuis quelques années un nouveau type de films : le slowporn. Rencontre de l’intime et de l’obscène ou quand l’obscène se fait intime…

Dans son ouvrage La Mobilisation infinie, vers une critique de la cinétique politique, le philosophe allemand Peter Sloterdijk défend l’idée d’un EuroTaoïsme et espère son déploiement en Occident. Immobilité, non-agir et détachement viendraient contrebalancer l’emballement, la proactivité optimisée et la fascination événementielle. Alors, enfin la paix ?
Un temps peut-être. Jusqu’à la prochaine crise entre l’intime et l’obscène, le contemplatif et le productif. Qui à son tour engendrera un nouveau retour de balancier. Et un nouveau bond technologique. De crise en crise, l’aspiration à la lente et paisible découverte du sens refait toujours jour. Voilà à ce jour l’actualité de notre condition humaine.
Nicolas Roberti
*.


Pendant près de 4 mois, les Champs Libres et ses partenaires vont présenter des rencontres et ateliers particulièrement stimulants : notons par exemple la venue du
pionnier de la « slow attitude », le mondialement connu Carl Honoré, auteur d’une Éloge de la lenteur. Et cette première nuit ? Que l’on se rassure, les usagers des Champs Libres ne marchaient pas en « slow motion » entre les livres et dans les étages. Quoique ! La soirée a offert aux visiteurs des images peu communes du lieu culturel rennais. Pensons à cet atelier de shiatsu ou de bien-être. Parmi les nombreuses activités présentées entre 19 et 23 heures : concert de Le Comte et Thomas Poli, projections de slow TV, sprint lent à vélo ou visites décalées du musée.

Thibault Boixière
