Malaven de Olivier Bal, une île bretonne pour un huis clos psychologique tendu

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Malaven, le dernier thriller d’Olivier Bal, déroule un récit sur une île fictive du Finistère. L’auteur construit un huis clos psychologique tendu, imbriquant mémoire, culpabilité, adolescence perdue et expérience traumatique. L’écrivain s’y affirme en artisan du labyrinthe narratif, jouant avec la mémoire du lecteur autant qu’avec celle de ses personnages.

Une recommandation de l’émission Faites-moi lire : une coproduction Champs libres-TVR-Unidivers.fr, présenté et rédigé par Nicolas Roberti en collaboration avec les bibliothécaires de la bibliothèque des Champs libres où vous pouvez consulter cet ouvrage.

L’intrigue repose sur un dispositif connu, mais redoutablement efficace : vingt ans après un drame collectif survenu en 1987, quatre survivants de la « bande des Confins » sont convoqués sur les lieux par un écrivain énigmatique, Jonas Waverley. L’île est vide, le passé enfoui, la mémoire fragmentaire. Ce qui s’annonce comme une réunion devient un piège : un escape game cruel à ciel ouvert, orchestré comme une cérémonie de résurgence. Peu à peu, les souvenirs remontent, et avec eux, la vérité — subjective, diffractée, rugueuse.

Ce qui fait la singularité de Malaven, au-delà de ses influences assumées (Agatha Christie, Stephen King, Souviens-toi l’été dernier), c’est l’ambition du roman à explorer la mémoire comme territoire fictionnel. Le roman n’est pas seulement un thriller : c’est une enquête intérieure. L’alternance des temporalités — 1987, 2007, parfois d’autres — donne une respiration au texte, tout en brouillant volontairement les repères du lecteur. Olivier Bal excelle à manipuler ces fractures temporelles, même si certains lecteurs peuvent s’y perdre : mais n’est-ce pas là le sujet même du livre ? La perte de l’unité, la fragmentation du souvenir, l’impossible retour.

L’île de Malaven n’est pas un simple décor. Elle est entité. Vivante, hantée, ambiguë. Elle devient le réceptacle des projections, des peurs, des refoulements. La mer ne lave rien ici. Elle creuse. Elle expose. C’est dans ce paysage hostile et beau, entre falaises, criques et maisons vides, que Bal déploie son univers mental. On retrouve la puissance sensorielle de ses précédents livres, mais avec une densité plus tragique, presque mythologique.

Certes, Malaven n’échappe pas à certaines conventions du genre : personnages archétypaux, ressorts narratifs attendus, surenchères parfois. Mais Olivier Bal s’en empare pour mieux les tordre, et surtout, pour faire passer autre chose. Une angoisse sourde. Une émotion enfouie. Une réflexion sur ce que signifie grandir, oublier, se reconstruire. Ce n’est pas un roman qui cherche à plaire. C’est un roman qui cherche à remuer.

Le final, imprévisible pour certains, excessif pour d’autres, bouleverse justement par cette tension entre le réalisme psychologique et l’hypothèse métaphysique. Et l’on comprend, dans un ultime retournement, que ce n’était pas une chasse au tueur, mais une chasse à la vérité — et à la part d’ombre que chacun porte.

Malaven est un roman d’îles : insulaire, resserré, battu par les vents. C’est aussi un roman d’îlés — ces êtres isolés, décentrés, que la société oublie ou que la mémoire trahit. Olivier Bal ne signe pas un simple thriller, mais un récit de passage, au sens initiatique. Une traversée de l’oubli pour retrouver ce qui fait lien.

  • Titre complet : Malaven
  • Auteur : Olivier Bal
  • Éditeur : XO Éditions
  • Date de parution : 25 avril 2025
  • Genre : Thriller psychologique / suspense / huis clos
  • Nombre de pages : 464 pages
  • ISBN : 9782374486421
  • Format : Broché (existe aussi en numérique)
  • Prix : 21,90 € (broché) / 14,99 € (version numérique)
  • Public visé : Adultes, amateurs de thrillers psychologiques, fans de Stephen King, Agatha Christie, Franck Thilliez
Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il étudie les interactions entre conceptions spirituelles univoques du monde et pratiques idéologiques totalitaires. Conscient d’une crise dangereuse de la démocratie, il a créé en 2011 le magazine Unidivers, dont il dirige la rédaction, au profit de la nécessaire refondation d’un en-commun démocratique inclusif, solidaire et heureux.