Olivier Hodasava est un voyageur virtuel. Il arpente quotidiennement les artères du monde de Google Street View. Quand l’image saisie devient le réel ultime de la fiction commune… Pour Unidivers, l’arpenteur avance à la façon d’un fildefériste sur une ligne (presque) imaginaire : le 48e parallèle Nord. Latitude sur laquelle est située la ville de Rennes. Aujourd’hui, il découvre Makarov dans l’île de Sakhaline en Russie.
Aux couleurs de la Russie… Makarov, posée entre Sibérie et Pacifique sur l’île de Sakhaline, n’est pas loin d’être un coin perdu du bout du monde.
Il suffit de jeter un œil à la page Wikipédia de la ville pour comprendre que l’on a affaire ici à un véritable ailleurs. On y lit : Makarov est située sur la côte orientale de l’île de Sakhaline, baignée par la mer d’Okhotsk, dans la baie Patience ou Tertenia (Залив Терпения), à l’embouchure du fleuve côtier Makarovka. Makarov se trouve à 186 km au nord de Ioujno-Sakhalinsk, la capitale régionale, et à 6 508 km à l’est de Moscou.
De 1905 à 1945, possession japonaise, Makarov s’est appelée Shirutoru, mais il ne reste aucune trace ou presque de cette parenthèse nippone.
Au sortir de la guerre, et durant une bonne part de l’époque soviétique, la vie s’est révélée (relativement) prospère : industrie du bois et mines de lignite étaient des appels à main d’œuvre. Aujourd’hui, plus rien de tout cela n’existe.
Makarov est figée dans un temps révolu. Les barres d’immeubles sont fissurées, les habitations de bois délabrées. Les rues ne sont que rarement goudronnées et les rares commerces qui survivent sont improvisés autour de containers disséminés le long des voies principales. Il n’empêche. Des gens vivent ici. Ils sont plus de six mille.
En bonne part, ils sont jeunes ; j’ai croisé des enfants, j’ai croisé des gamins à peine sortis de l’adolescence… Difficile d’imaginer comment, eux, ils voient leur avenir. Peut-être cherchent-ils surtout à oublier la question, profitant de la trêve estivale pour l’enterrer le plus profondément possible en attendant l’automne et ses typhons porteurs de tourmentes de neige, l’hiver et son manteau de glace prêt à tout recouvrir, à tout effacer.
Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. (Céline, Voyage au bout de la nuit)