C’est avec délectation que nous avons savouré jusqu’à la dernière goutte l’élixir d’amour que nous proposait en première représentation l’opéra de Rennes vendredi 5 mai. Tout y était ! Musique énergique et réjouissante, mise en scène en parfait accord avec l’intrigue, bel équilibre vocal et orchestre mené…à la baguette. Pour ceux qui l’auraient manqué, retrouvez ce bel opéra sur écran le 15 juin 2023.
Informations pratiques :
Le 15 juin 2023, retrouvez l’élixir d’amour projeté à Rennes sur les écrans suivants :
3 écrans extérieurs :
1/ Îlot de l’octroi – Esplanade Julie-Rose Calvé
2/ Halle du Triangle
3/ Plage de Baud – Prairie festive
-5 écrans intérieurs :
4/ Le Tambour – Université de Rennes 2
5/ Auditorium des Champs Libres
6/ Bibliothèque Thabor-Lucien Rose
7/ Le Grand Cordel MJC
8/ Le Blizz
Pour son premier passage, la jeune cheffe d’orchestre Chloé Dufresne a assuré son rôle avec une belle autorité à la tête de l’opéra L’Elixir d’amour de Donizetti. Il faut dire que l’outil qui avait été mis entre ses mains, à savoir l’orchestre national de Bretagne, est un ensemble expérimenté à l’éclectisme souvent étonnant. Aussi, rien de surprenant à ce que l’osmose opère entre les deux composantes.
Comme c’est souvent le cas, l’intrigue de l’Elixir d’amour proposé par le livret de Felice Romani, d’après « Le philtre » d’Eugène Scribe, relève de la plus parfaite cucuterie. Un jeune paysan, Nemorino, est l’amoureux transi de la belle Adina, laquelle, en coquette accomplie, le fait passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel en faisant les yeux doux au sergent Belcore. Survient un personnage haut en couleur, le docteur Dulcamara, lequel, en tentant de vendre son élixir d’amour souffle sur cette histoire un vivifiant vent de panique.
Notons-le d’emblée, ce rôle tenu par Giorgio Caoduro, grand gaillard chevelu et moustachu à souhait, sera un des nombreux motifs de réjouissance de cette soirée. Nonobstant sa voix puissante et grave, il donne à son personnage une dimension caricaturale et théâtrale qui emmène tout le public à sa suite. Son arrivée chevauchant un vélo qui traîne une improbable caravane constitue un signal de la bonne humeur.
Dans le registre du comique, l’excellent Marc Scoffoni, en Belcore, fait montre, une fois de plus, de son remarquable talent pour la scène et sa capacité à vivifier les personnages. Il propose un spadassin un brin matamore du meilleur aloi. Sa voix aux étonnantes possibilités convainc sans difficulté un public réjoui de ses facéties.
Dans ce triangle amoureux, directement inspiré des personnages de la comèdia del Arte, Perrine Madoeuf, dans le rôle d’Adina, impressionne par ses remarquables aptitudes vocales. Elle contrôle avec aisance les pages les plus techniques de cette œuvre belcantiste et ses aigus, lorsqu’ils deviennent périlleux, forcent l’admiration d’une assistance entièrement acquise à sa cause.
Mathias Vidal, en Nemorino, confère à son personnage une dimension dramatique qui contraste avec les autres protagonistes. Sa vision théâtrale le conduit parfois à des attitudes un peu outrées et des vibratos trop présents ; son « una furtiva lagrima » correctement exécuté manque légèrement de dépouillement. Malgré ces détails, en bien des instants il nous enchante et met dans son interprétation une telle conviction qu’il sera sans doute le seul à tirer de nous cette larme furtive dont il est le chantre talentueux.
Dans un rôle plus effacé, Marie-Bénedicte Souquet propose une Giannetta tout à fait crédible et participe au succès de cette production.
À tout bijou correspond un écrin dont la destination est de le mettre en valeur. C’est ce rôle qui est donné au chœur de l’opéra soit l’ensemble Mélismes et dont il se tire de façon étincelante. Extrêmement sollicité dans cette œuvre, le chœur de chambre mené par Gildas Pungier soutient sans faille le déroulement de l’intrigue et une fois de plus s’impose comme une véritable colonne vertébrale de la mise en scène.
Tiens d’ailleurs, parlons-en ! Le travail de David Lescot permet une lecture de l’œuvre aisée et limpide, elle facilite à celui qui viendrait pour la première fois à l’opéra une compréhension immédiate.
Les costumes de Marianne Delayre, à l’image de la robe de mariée délirante en forme de pièce montée, semblent nous entraîner quelque part en Europe de l’Est dans le milieu de ceux qu’on appelait naguère les Romanichels. Cette fluidité et cette cohérence nous tiendront en haleine pendant tout le déroulé de l’intrigue.
Autre motif de réjouissance, la présence au deuxième balcon de plus de cinquante élèves, entre seconde et terminale, du lycée Félix Le Dantec de Lannion. Menés d’une main bienveillante par leur professeure de musique, ils ont su se faire remarquer par leur tenue irréprochable et leur respect pour le lieu, la musique et les interprètes. Habillés avec élégance, ces jeunes mélomanes croisaient nœud papillon et robe de soirée. Même si des escarpins conviennent mieux pour terminer une silhouette qu’une paire de sneakers… saluons l’effort accompli !
Faute de rencontrer la totalité du groupe, parti rapidement vers le bus, nous avons échangé avec un trio de ces « beaux gosses » un peu rebelles (mais pas trop). Après un accueil soupçonneux, ils ont accepté de partager leurs impressions : ils ont aimé et reviendront volontiers si on leur propose. Balayé l’argument qui voudrait que l’opéra soit l’apanage d’une élite dont ils ne feraient pas partie et c’est sans doute ce qui est le plus important pour tous ceux qui œuvrent à promouvoir ce genre musical ! Leurs réponses nous furent comme un baume apaisant.
L’opéra l’élixir d’amour s’affirme donc comme un nouveau succès retentissant des co-producteurs Opéra de Rennes, Angers Nantes Opéra et Opéra national de Lorraine. Pour ceux qui n’auraient pas eu le bonheur d’assister au spectacle, une nouvelle chance est donnée le 15 juin. Le 15 juin, c’est opéra sur écrans : en de nombreux lieux de Bretagne, l’opéra L’élixir d’amour sera projeté sur écran géant. À Rennes, cette fois, ce ne sera pas place de l’hôtel de ville, mais en d’autres lieux qu’il vous faudra découvrir…
Photos : Julien Mignot