L’action de l’opéra Norma se déroule en Gaule transalpine occupée par les Romains, vers l’an 50 avant Jésus-Christ. La druidesse Norma a eu deux enfants de son amant Pollione, proconsul romain en Gaule. A voir ou revoir à l’opéra de Rennes les lundi 28 mai, 20h – mercredi 30 mai, 20h, vendredi 1er juin, 20h, dimanche 3 juin, 16h – mardi 5 juin, 20h.
Norma, grande prêtresse des druides est liée par un amour secret au romain Pollione,dont elle a eu deux enfants. Pour lui, elle retarde la guerre prête à éclater. Mais avec le temps, l’amour du guerrier s’est émoussé et ses regards se portent vers la jeune Adalgisa. Naïve, celle-ci évoque avec Norma les avances dont elle est l’objet. Notre grande prêtresse, qui n’a pas compris, au début, de qui il s’agissait, finit par découvrir la trahison. De rage, elle est prête à tuer ses enfants.Elle n’en fait rien. Pour respecter les traditions, Pollione doit être sacrifié aux dieux afin d’assurer la victoire. Norma lui propose d’oublier ce nouvel amour en échange de la vie sauve. Pollione reste inflexible et ce faisant impressionne Norma. Elle s’accuse de trahison et exige de prendre sa place. Cette noblesse de cœur, ravive les sentiments de Pollione, c’est ensemble qu’ils montent au bûcher !
Quelle grandeur dans cet opéra en deux actes dont le livret, de Felice Romani, s’inspire de l’œuvre de l’académicien Louis Alexandre Soumet, « Norma ou l’infanticide ».L.A.Soumet, tombé dans l’oubli, fut pourtant en son époque un poète et un dramaturge très connu. Son inspiration a bien souvent puisée dans les épisodes héroïques de l’antiquité. A défaut d’être très originales, ses réalisations sont marquées par une réelle qualité d’écriture.
C’est une véritable gageure à laquelle s’est livré le théâtre Suisse de Saint Gallen en produisant cette œuvre si fameuse, dont les grands airs ont été immortalisés par ce que l’art lyrique a connu de mieux. De Joan Sutherland, Renata Tebaldi, Montserrat Caballé, sans oublier les plus contemporaines René Fleming, Anna Netrebko, toutes les grandes voix se sont frottées à cette charmante cavatine qu’est « Casta diva», si faussement simple. Bien entendu, Maria Callas reste totalement hors norme et hors concours.
Première approche proposée au public : le lever de rideau laisse apparaître ce qui semble être les ruines d’un château ou d’une maison bourgeoise. Des femmes lavent avec une douceur maternelle le corps sans vie d’un adolescent ensanglanté. Le décor de Andréa Belli, sombre et pourtant intime offre un écrin idéal au drame qui va se dérouler sous nos yeux.
Nicola Berloffa, le metteur en scène a choisi de transposer au XIXe siècle cette œuvre supposée se dérouler au moment de l’occupation romaine. Tous ces parti-pris fonctionnent plutôt bien et personne ne s’étonne de voir les membres des chœurs de l’opéra circuler sur scène en arborant crânement des couvre-chef emplumés dignes des bersagliers italiens.
C’est Christophoros Stamboglis, dans le rôle de Oroveso, père de Norma, qui ouvre le bal avec une saine vigueur. Le gaillard est à n’en pas douter expérimenté et sa forte voix comme sa vigoureuse présence scénique placent, d’entrée de jeu, la barre assez haut. Il reçoit le soutien des chœurs, toujours solides et impeccables, laissant les travées de l’opéra de Rennes, prises d’assaut jusqu’au dernier strapontin pour cette soirée de première, frémissantes de plaisir.
Tous attendent, bien entendu, l’arrivée de Norma, en la personne de Daniella Schillaci, puisque le grand air de cet opéra se situe au premier acte. Lorsque la prêtresse des druides apparaît, c’est un silence religieux qui accueille les premières mesures du « Casta diva ». En empruntant une position très penchée vers l’avant au début de son interprétation, Daniella Schillaci nuit malheureusement à la bonne projection de sa voix. Ses prises de souffle un peu bruyantes et théâtrales nuisent à la nécessaire linéarité de ce grand air. Au moment des notes élevées et tenues, elle a tendance à beaucoup « pomper » ; ce qui facilite sans doute la tache mais n’est pas esthétiquement séduisant. Et elle est parfois obligée de puiser dans ses réserves et conduit sa voix aux limites de ses capacités, rendant certains aigus périlleux…
Heureusement, d’un point de vue théâtral, elle est remarquable : offrant à son personnage une palette de sentiments contrastés et une dimension psychologique transparente. Nouvelle Médée, elle ouvre toute grande, son âme torturée, aux regards d’un public subjugué.
Pollione, son amant aussi romain qu’infidèle, sera tenu par le bouillonnant Angello Villari qui donne du personnage, une interprétation solide et pleine de lumière transalpine. Il fait preuve à n’en pas douter d’une belle présence. Sur ce terrain, il est rejoint par Claudia Pavone, laquelle, servie par une voix fort bien dominée, propose une Adalgisa, sensible, fragile mais d’une grande force d’âme. Les trois nous offriront d’ailleurs en conclusion du premier acte une confrontation splendide et passionnée, même si à l’époque, elle fut modérément gouttée du public, car elle sortait des codes habituels de l’opéra. Dans un rôle plus modeste, bon travail également de Sophie Belloir en Clotilde, confidente de la prêtresse, qui avec adresse souligne l’intensité dramatique lors de la décision de Norma de tuer ses enfants pour en punir le père. Comment d’ailleurs ne pas craquer devant les tout jeunes Alix Diveu-Touchard et Léo Gravelat-Raymond qui interprètent, du haut de leurs 8 et 10 ans, ces deux rôles muets avec la grâce propre à leur âge.
L’orchestre et les chœurs de l’opéra de Rennes offrent à cette coproduction une colonne vertébrale qui en assure la belle tenue. L’impression est globalement positive et les amateurs d’opéra devraient en tirer une certaine satisfaction. Beaux costumes, beaux éclairages, décors et mise en scène en adéquation, niveau vocal élevé, quelques menus réglages sont encore nécessaires, comme par exemple le curieux ballet – vraiment pas au point – qui ne rend pas hommage au travail du chorégraphe Emmanuel Gazquez. L’ensemble est plaisant, à certains endroits magique.
NORMA BELLINI
Opéra en deux actes sur un livret de Felice Romani,
d’après la tragédie d’Alexandre Soumet, Norma ou l’infanticide.
Musique de Vincenzo Bellini. Editions ricordi
1831
Mise en scène Nicola Berloffa
Scénographie Andrea Belli
Chorégraphie Emmanuel Gazquez
Costumes Valleria Donata Bettella
Lumières Marco Giusti
Orchestre Symphonique de Bretagne
Direction musicale Rudolf Piehlmayer
Chœur de l’Opéra de Rennes
Direction Gildas Pungier
Pollione Angelo Villari
Oroveso Christophoros Stamboglis
Norma Daniela Schillaci
Adalgisa Claudia Pavone
Clotilde Sophie Belloir
Flavio Florian Cafiero
Photos : Laurent Guizard