Panne mondiale d’AWS : ce qu’elle révèle de notre dépendance au cloud américain — et comment s’en prémunir.
Lundi 20 octobre 2025, entre 9 h et 12 h 30 (heure française), un incident sur la région US-EAST-1 d’Amazon Web Services (AWS) a provoqué une vague d’interruptions touchant des services majeurs (Snapchat, Fortnite, Roblox, Signal, Airbnb, Coinbase, etc.). AWS a indiqué des “taux d’erreurs en hausse et des latences” avant d’annoncer, en milieu de journée, un retour progressif à la normale. L’incident a été lié à un problème de DNS impactant des services clés (dont DynamoDB), sans signe d’attaque cyber.
Pourquoi un incident aux États-Unis paralyse des services en France ?
Beaucoup d’applications utilisées en Europe s’appuient, pour des fonctions critiques (authentification, API, données), sur des briques hébergées aux États-Unis. Quand une région AWS centrale connaît une défaillance, les dépendances inter-régions (DNS, bases managées, files d’événements, identités) créent des effets domino : même si vos serveurs web sont en Europe, ils peuvent rester bloqués s’ils attendent une réponse d’un service resté aux États-Unis.
Souveraineté numérique : quelles alternatives concrètes en France ?
Depuis 2021, la doctrine française du “Cloud de confiance” vise à protéger les données sensibles des lois extraterritoriales (Cloud Act) et à garantir un niveau de sécurité élevé via la qualification ANSSI SecNumCloud. Plusieurs offres existent désormais :
- OVHcloud : offre SecNumCloud-qualifiée (Bare Metal Pod), objectif d’extension au Public Cloud d’ici fin 2025. Adaptée aux SI nécessitant isolement, réversibilité et hébergement en France.
- 3DS OUTSCALE (Dassault Systèmes) : SecNumCloud 3.2 sur un périmètre large (y compris Kubernetes managé). Présent sur l’UGAP pour la commande publique.
- Orange Business : “Cloud Avenue SecNum” annoncé qualifié en 2025, positionné pour des besoins publics/para-publics.
- S3NS (Thales + Google) : “Trusted Cloud” opéré en France, conçu pour viser SecNumCloud (pré-généralisation en 2025).
- Bleu (Orange + Capgemini avec technologies Microsoft) : cloud de confiance destiné au secteur public et aux opérateurs d’importance vitale, montée en charge progressive selon la feuille de route de qualification.
- NumSpot (Docaposte, Banque des Territoires, Bouygues Telecom, Dassault Systèmes) : offre souveraine en cours d’industrialisation et de parcours de qualification.
Enjeux juridiques et stratégiques pour les acteurs publics
Pour les administrations, collectivités et opérateurs d’importance vitale, l’hébergement de données sensibles sur des plates-formes SecNumCloud est de plus en plus recommandé, voire requis selon les usages (santé, justice, éducation, finances). Des modèles hybrides — logiciels américains opérés par une entité de droit français qualifiée — émergent, mais exigent gouvernance, contrôle des clés et audits précis. L’épisode AWS du 20 octobre 2025 rappelle que la résilience (géographique, juridique, contractuelle) est un enjeu autant politique que technique. Et que la France est très en retard en matière de souveraineté numérique.
La panne comme stress test
La panne de ce jour n’est ni la première, ni la dernière. Elle agit comme un stress test grandeur nature : à l’heure où IA générative, télétravail et objets connectés saturent les chaînes de dépendances, une seule défaillance régionale peut immobiliser des pans entiers du web. La bonne réponse n’est pas l’ostracisme technologique, mais une ingénierie de la sobriété de dépendance : multi-région réfléchi, décentralisation des points critiques, capacité de bascule, et options souveraines crédibles pour les données sensibles.
