Paris. Le musée de l’Orangerie rend hommage à la galeriste Berthe Weill jusqu’au 26 janvier 2026

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berthe weill
30 ans ou la vie en rose, Raoul Dufy

Le musée de l’Orangerie de la capitale propose une exposition captivante sur Berthe Weill (1865-1951), une galeriste visionnaire à son époque, qui a révélé de grands peintres. Elle a aussi été la première femme à s’engager auprès de jeunes artistes ; elle a marqué l’histoire du cubisme et du fauvisme.

Le parcours de l’exposition Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde rassemble des dessins, des peintures, des sculptures, des estampes et de nombreuses archives qui illustrent les trente-neuf années de carrière de galeriste de Berthe Weill. Cette richesse met aussi en lumière le rôle essentiel et déterminant des galeristes, à l’image de relais qui viennent en soutien et aident à construire les carrières et les mouvements artistiques.

Berthe Weill
Galerie B. Weill : 28 décembre 1926

Berthe Weill ouvre sa première galerie en 1901, au 25, rue Victor-Massé à Paris. Sa devise est : Place aux jeunes, car elle défend des artistes qui bousculent les codes. Avant même l’ouverture officielle de sa galerie, elle aide le peintre Pablo Picasso (1881-1973) à vendre ses toiles ; pour le peintre italien Amedeo Modigliani (1884-1920), elle organise la seule exposition personnelle de son vivant, en 1917…

Amedeo Modigliani, Jeune Apprenti
Amedeo Modigliani : Jeune Apprenti

Biographie :

Berthe Weill naît le 20 novembre 1865 à Paris, au sein d’une famille juive nombreuse et modeste. Le père de famille est chiffonnier ; la mère, ancienne couturière, a cessé son activité professionnelle pour élever ses sept enfants. Après l’école primaire, la jeune Berthe, de santé fragile, travaille auprès de son cousin Salvator Mayer, marchand d’estampes et de curiosités installé rue Laffitte dans le 9e arrondissement, un quartier où tous les tenants du marché de l’art se regroupent. Auprès de ce professionnel, elle fait connaissance avec les différents acteurs du milieu culturel. À la mort de son mentor, en 1897, Berthe Weill prend son indépendance. Avec son frère Marcellin, ils trouvent une minuscule boutique rue Victor-Massé dans le même arrondissement et y vendent des antiquités et des estampes. Berthe Weill rencontre alors Pedro Mañach, un jeune industriel catalan installé à Montmartre, qui se charge de promouvoir la colonie d’artistes espagnols. Elle achète trois œuvres qu’elle revend aussitôt à Adolphe Brisson, le directeur de la revue Les Annales littéraires.

Berthe Weill

Parce qu’elle n’est pas d’accord avec son frère sur la gestion de la galerie, le duo se sépare en 1901. Berthe conserve l’adresse de la rue Victor-Massé et devient la première femme à diriger une galerie d’art à Paris. Elle rénove la boutique pour lui donner de l’envergure. En haut de la devanture est peint en gros caractères : Galerie B. Weill. Elle n’inscrit pas son prénom, en raison de la misogynie ambiante envers les très rares femmes indépendantes. Le petit réduit est vite couvert de tableaux du sol au plafond…

Elle est la première à vendre les œuvres de Pablo Picasso et à promouvoir l’œuvre peinte de Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901). En avril 1902, elle vend pour la première fois une peinture de Henri Matisse (1869-1954), ce clerc de notaire qui lâche tout pour la peinture : la toile est une nature morte de grande qualité…

Berthe Weill

Impressionnée par les peintures d’Émilie Charmy (1878-1974) au Salon des indépendants de 1905, Berthe Weill décide aussitôt de promouvoir son travail, louant l’indépendance d’une artiste qui ne fait partie d’aucune chapelle. Cette rencontre marque le début d’une amitié qui unit les deux femmes jusqu’à la disparition de la marchande. Elles s’épaulent et tissent des liens quasi familiaux. Berthe Weill présente les œuvres de l’artiste pendant près de trente ans, au fil d’une trentaine d’expositions.

Berthe Weill

En une quarantaine d’années, Berthe Weill organise des centaines d’expositions et présente plus de trois cents artistes. Parmi eux : le peintre Raoul Dufy (1877-1953), la peintre Suzanne Valadon (1865-1938), le sculpteur Otto Freundlich (1878-1943), le peintre mexicain Diego Rivera (1886-1957), le peintre portugais (Francisco) Francis Smith (1881-1961) et son épouse, la sculptrice Yvonne Mortier-Smith, autant de noms essentiels à l’histoire des avant-gardes…

Berthe Weill publie ses mémoires en 1933 : Pan ! dans l’œil, un ouvrage témoin et pionnier du genre, consacré aux trente premières années de sa carrière. Avec son franc-parler, elle y raconte ses combats solitaires dans un monde d’hommes en faveur de peintres d’avant-garde et sa détermination à maintenir, envers et contre tout, l’activité de sa galerie.

C’est finalement en 1940, en pleine période de turbulences politiques et historiques, que sa galerie ferme ses portes. Elle s’éteint chez elle le 17 avril 1951, au 39 rue Saint-Dominique dans le 7e arrondissement, à l’âge de 85 ans, impotente et presque aveugle…

À l’inverse des artistes qu’elle a exposés, le nom de Berthe Weill n’est pas passé à la postérité. De son vivant, le grand public reste majoritairement ignorant de la carrière de cette galeriste qui joua pourtant un rôle déterminant dans l’essor de la production artistique de l’entre-deux-guerres.

C’est pourquoi l’exposition du musée de l’Orangerie joue un rôle pédagogique : elle met en lumière le travail de Berthe Weill et démontre que l’apparition d’un mouvement artistique ne tient pas uniquement à l’œuvre des artistes, mais à tout un réseau de relais : les galeristes, dont Berthe Weill, les collectionneurs et les critiques, tous prêts à défendre les nouvelles voix…

Infos pratiques :

Exposition Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde, jusqu’au 26 janvier 2026 au musée de l’Orangerie.

Adresse : Jardin des Tuileries – place de la Concorde, Paris.
Nocturne tous les vendredis jusqu’à 21 h.

Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale à Paris et dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.