Parle-moi, s’il te plaît à la Conciergerie d’art de Rennes ou l’opération solidaire en soutien à Utopia 56

L’exposition Parle-moi, s’il te plaît de Camille Outin est présentée à La Conciergerie d’art, 28 rue Saint-Louis, du 3 au 27 novembre 2022. Elle fait suite à la parution du recueil du même nom dans lequel la plume de l’écrivain Jean-Louis Coatrieux rencontre les pinceaux de l’artiste plasticienne Camille Outin. De cette publication autour de l’immigration et l’exil est née une opération solidaire au profit de l’association Utopia 56 dont l’exposition découle. Unidivers avait rencontré les deux protagonistes en juillet 2022, en amont de ladite publication alors qu’une campagne de dons était lancée…

« Qui se souviendra d’eux Qui
Tous ces corps sans papiers
Sur la route
Trois, dix, cent vies hier
Et demain combien d’autres
Encore. 
»

Jean-Louis Coatrieux.

Parle-moi, s’il te plaît de Jean-Louis Coatrieux et Camille Outin paraîtra à l’automne 2022. La publication s’inscrit dans une opération solidaire de grande envergure et réunit plusieurs acteurs et actrices locaux : l’écrivain, l’artiste plasticienne, la maison d’édition rennaise La Part Commune, la Conciergerie d’art gérée par Sylvie Aveillan, l’association Utopia 56 et le journal Unidivers.fr.

Après un appel à mécénat pour financer la publication, l’heure est venue d’ouvrir la campagne de dons mise en ligne par l’association Utopia 56. Elle s’ouvre aujourd’hui, lundi 4 juillet, et dure jusqu’au 31 août 2022 dans le but de proposer au plus grand nombre de faire un don, en échange d’un ouvrage. Une exposition est également prévue à la Conciergerie d’art, 28 rue Saint-Louis, du 3 au 27 novembre 2022.

Jean-Louis Coatrieux Camille Outin
Jean-Louis Coatrieux et Camille Outin

L’idée a émergé de l’esprit de Jean-Louis Coatrieux, scientifique de formation et dont les écrits n’ont de cesse de raconter des histoires construites autour de réfugiés, d’exilés confrontés à des guerres ou à des dictatures. Et ce depuis son premier roman Là où la rivière se repose, en 2014, qui retrace l’histoire d’une mère et de son fils qui quittent la Catalogne devant la menace des troupes franquistes. « Le récit-poème Cours, Mounia, sauve-toi [2018, ndlr.] raconte la fuite d’une petite fille arabe au Moyen-Orient. » Quant à Le rêve d’Alejo Carpentier, en deux tomes (Coabana et Orinoco), l’histoire retrace la vie du futur écrivain qui quitte Cuba avec l’aide de Robert Desnos pour échapper à la dictature . « Le plus déchirant dans tous ces drames se multipliant dans le monde concerne les enfants lorsqu’ils ont perdu tous les leurs. Je crois profondément que personne ne peut y rester insensible », souligne Jean-Louis Coatrieux.

L’écrivain livre à chaque fois des tranches de vie émouvantes, souvent inspirées d’histoires vraies, dans le but de capter l’attention du lecteur sur cette réalité du monde, sans pour autant arborer un ton moralisateur. Après Tu seras une femme, ma fille en 2022, fuite d’une enfant juive devant les troupes nazies inspirée de la vie d’Erika Reiss, il revient accompagné de l’artiste-plasticienne Camille Outin avec Parle-moi, s’il te plaît. Une nouvelle fois, l’auteur met son écriture au service de ces enfants, parfois orphelins, trop souvent malmenés par la vie, irrémédiablement perdus dans leur repère. Diplômée d’un master Création numérique de l’université Rennes 2, l’artiste s’essaie quant à elle pour la première fois à l’illustration de livre. « La thématique de l’émigration fait écho à mon travail de recherche sur la poétique des ruines », confie-t-elle. « Les paysages que je crée sont bien souvent désincarnés, les êtres ne sont plus présents, seuls les vestiges de leurs histoires viennent parsemer de symboles ces microcosmes fragmentés. »

Jean-Louis Coatrieux Camille Outin
Couverture du récit-poème Parle-moi, s’il te plaît, parution à l’automne 2022.

Désireux d’aider concrètement, les deux protagonistes ont donné naissance à un projet de plus grande ampleur dans le but de soutenir l’association Utopia 56. « Les mots, les paroles, un livre ne suffisent pas », indique Jean-Louis Coatrieux.

Cette initiative, dans l’esprit du livre Parle-moi, s’il te plaît, vise à soutenir les actions menées en faveur des demandeurs d’asile, de leurs familles et de leurs enfants. « L’objectif est, à travers les fonds réunis, d’une part de contribuer à l’accueil et l’hébergement de migrants fuyant la guerre et l’extrême pauvreté qui sont à la rue en attente de l’obtention du droit d’asile en France et, d’autre part, de faciliter leur insertion par l’accès à l’éducation et à la culture, en particulier pour les enfants mineurs et majeurs de ces familles », précise-t-il encore.

Bien ancrée sur le territoire breton, l’association co-créée en 2015 par le Breton Yann Manzi (régisseur des campings aux Vieilles Charrues), Gaëdig (assistante de direction pendant 10 ans au Festival Interceltique de Lorient) et Liza (régisseuse technique au FIL, encadrant de vastes équipes de bénévoles) suite à l’actualité de la jungle de Calais, tente justement de répondre à cette urgence. L’antenne de Rennes s’occupe notamment de la mise à l’abri des familles et fournit tentes et couvertures à des familles en les orientant vers d’autres associations comme Les Restos du Cœur pour subvenir à leurs besoins. « Un projet qui mêle à la fois mécénat, livre et exposition permet de mettre en commun plusieurs canaux de communication et de toucher un public différent de celui qu’on peut rencontrer dans nos actions de sensibilisation », déclare Marion, de l’association Utopia 56. « Ce projet est pour nous l’occasion de faire connaître les actions de l’association, mais aussi plus largement sur la situation des personnes exilées à Rennes », particulièrement les enfants.

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Action coup de poing d’Utopia 56 place de la Mairie, avril 2021 © Emmanuelle Volage – Unidivers

Richement illustrés par l’artiste Camille Outin, Rennaise d’adoption depuis 2011, les vers de Parle-moi, s’il plaît mentionnent avec douceur et pudeur cette vérité dans un rapport texte-image complémentaire sans être simplement illustratif. Les talents des deux fusionnent et créent une unité, entre le recueil de poésie et le livre d’artiste. « L’art, quelle que soit son expression, est une voie de partage, d’échange. Un livre peut être illustré bien sûr, mais même limité à ce simple rôle, il faut créer une résonance avec le texte, une correspondance dans les émotions et les images. C’est là le secret de ce lien avec mon ami Mariano Otero dont les expressions les plus abouties se trouvent, je pense, dans les livres L’intérieur des terres et Tango-Monde », déclare Jean-Louis Coatrieux avant de poursuivre : « Camille a su trouver ce chemin à la lecture du texte. Ses aquarelles, toutes en couleurs légères et délicates, habitées de silhouettes où la solitude et l’espoir, l’attente d’un regard et d’un mot se devinent, témoignent de cette fusion. »

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Les aquarelles envahissent l’espace des pages blanches, s’invitant parfois dans les pages de texte. Telles des apparitions qui surgissent de manière aléatoire, elles dirigent le regard et se révèlent une métaphore de ces personnes exilées souvent oubliées, mises à l’écart. Elles apparaissent dans notre champ de vision et matérialisent plastiquement toutes ces vies. Teintées d’une douce mélancolie, d’une solitude réelle suggérée, les illustrations sont illuminées par un espoir insufflé grâce à la palette colorimétrique choisie, délicate et épurée. « L’usage des tons bleus m’a permis de suggérer la mélancolie, la perte, l’angoisse d’un passé bien trop présent et pourtant toujours baigné d’une lueur jaune pâle. »

La poésie de Jean-Louis Coatrieux a façonné les lignes de l’artiste, donnant naissance à des formes entre abstraction et figuration, silhouettes errantes sur le chemin de la vie. L’aspect inachevé des illustrations peut se lire comme un avenir en construction, une histoire en cours d’écriture. « Le plus gros travail a été de rendre les silhouettes aussi douces que l’est le texte, un travail aux formes courbes, diaphanes, des corps évanescents sortis des limbes et dans l’attente d’un futur. » Ses dessins tendent à former des bulles d’espoir au cœur d’un sujet brûlant d’actualité.

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Action coup de poing d’Utopia 56 place de la Mairie, avril 2021 © Emanuelle Volage – Unidivers

Actuellement, c’est trente-quatre personnes, dont dix-sept enfants qui survivent à la rue à Rennes. « Ce chiffre ne prend pas en compte tous les hommes seuls mais seulement les familles. Ces familles sont pour la majorité des familles qui sont en procédure de demande d’asile ou qui ont obtenu leur demande d’asile et qui, par conséquent, devraient avoir accès à des logements mais qui se retrouvent à la rue, faute de place dans les hébergements », expose Marion de l’association Utopia 56. Il y a aussi des familles qui sont déboutées de leur droit d’asile. La mairie de Rennes a mis en place un dispositif d’hébergement pour ces familles mais il est aujourd’hui saturé et les familles n’ont plus accès à un hébergement. « C’est une situation qui tend à s’aggraver et les familles sont toujours plus nombreuses à nous contacter faute de solution d’hébergement, que ce soit dans des centres d’hébergement ou à travers le 115, numéro d’urgence pour les personnes à la rue », poursuit-elle.

Suite à la promesse « 0 enfant à la rue » de la maire Nathalie Appéré, Rennes a en effet mis en place un dispositif d’hébergement pour les familles. 950 places ont été ouvertes dans différents hébergements, mais le dispositif est déjà saturé depuis plusieurs mois. « Nous avertissons régulièrement la mairie (ainsi que la préfecture) de la situation de ces familles à travers des actions de plaidoyers et de communication, cependant nos requêtes restent sans réponse », explique Marion.

Utopia 56 Rennes accompagne également vingt-trois jeunes dans leur procédure juridique, leur scolarisation et cherche pour eux des hébergements solidaires. « Le pôle mineur accompagne les jeunes mineurs isolés en recours juridique pour prouver leur minorité auprès de l’ASE », précise Marion d’Utopia 56. « Le dispositif d’hébergement long terme est actuellement saturé, pourtant, régulièrement des jeunes remis à la rue par la Mission MNA viennent solliciter l’aide d’Utopia 56. Ainsi, en plus d’un campement accueillant les familles, nous craignons la constitution d’un campement de mineurs. »

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Soutenue gracieusement par la maison d’édition La Part Commune pour tout ce qui touche à l’édition, la parution est prévue pour l’automne 2022. Pour l’heure, une campagne de dons s’est ouverte aujourd’hui sur le site d’Utopia 56 jusqu’au 31 août 2022. Sachant qu’il est impossible pour une association d’offrir une contrepartie en échange d’un don, à moins que ce dernier ne soit quatre fois supérieur au prix de l’objet, les acteurs et actrices du projet ont composé avec les aléas juridiques et ont mis en place deux paliers. Dès 100 €, le donateur recevra en échange, dans la limite des stocks disponibles, l’ouvrage d’une valeur de 25 €. Et à partir de 200 €, il recevra un livre numéroté ainsi qu’une reproduction. À noter par ailleurs que les dons ouvrent droit à une réduction fiscale de 75%.

camille outin parle moi

Dans l’exposition, les dessins de Camille Outin seront exposés à La Conciergerie d’Art, 28 rue Saint-Louis à Rennes. L’occasion de rencontrer les acteurs et actrices du projet. Pendant la durée de l’exposition, il est possible d’acheter le livre et, ainsi, soutenir la cause. Le livre non numéroté (tiré à 200 exemplaire) est au prix de 25 € et les exemplaires numérotés (tirés à 100 exemplaires), accompagnés d’une reproduction, sont offerts à partir d’un don de 100 €.

Du 3 au 27 novembre 2022, exposition Parle-moi s’il te plaît de Camille Outin à La Conciergerie d’art.

28 rue Saint-Louis, 35 000 Rennes

Horaires d’ouverture :

Du lundi au samedi : 14 h à 18 h 30

Dimanche : 14 h à 17 h

Ecoutez l’émission « Et nous, liserons – Jean-Louis Coatrieux, l’homme de lettres est notre invité » sur Radio Laser

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