Mars est déjà terminé. Ce troisième mois de l’année s’est annoncé avec le début du printemps et le retour du soleil après le froid hivernal. Voici quelques BD coups de coeur du mois dernier pour fêter l’arrivée du beau temps !
Si les bandes dessinées de mars devaient se définir par deux mots : ce serait “aventure humaine”. Entre malédiction, amour, peur, quête pour la liberté, rebondissements, un thème central ressort, l’humanité, les liens qu’elle tisse, l’identité qu’elle cherche, l’objectif qu’elle tente d’atteindre, les conséquences qu’elle cause… Découvrez les pépites de mars proposées par Unidivers.
Commençons avec une héroïne explosive !
Texto & cie
Je m’appelle Morgane et, pour moi, aucun défi n’est insurmontable. Au contraire ! Je suis passionnée et je suis intense ! Végétarienne, écolo et toujours habillée bizarrement ( selon les autres !) … je suis unique en mon genre. J’aime l’écriture et particulièrement le journalisme… Rien ne pourra m’empêcher de réaliser mon rêve : mettre sur pied un journal étudiant révolutionnaire au sein de ma nouvelle école. Ma vie est remplie de surprises, de coups de coeur, et de petits secrets… que je m’apprête à découvrir en compagnie d’Annabelle, Eddy et Thomas, mes nouveaux amis.
Rentrez dans la vie explosive de Morgane, qui rentre dans une nouvelle école… Vive, souriante, téméraire, rien ne l’arrête, elle est toujours pleine d’idées en tête pour amener un peu de peps dans sa vie étudiante. Des personnages hauts en couleur, de multiples intrigues qui se mélangent, un rythme effréné et une héroïne tout feu tout flamme au milieu, Texto & Cie est un mélange étrange, une bande dessinée intense qui ne nous laisse pas le temps de souffler. Le lecteur peut être vite perdue dans la vie de Morgane et son océan de pensées, entre le journal étudiant, la rupture d’Annabelle, les cachoteries d’Eddy, les mille textos avec Thomas et le mystérieux Roméo. Mais c’est cette énergie saccadée, hachée et belliqueuse qui fait tout le charme de Morgane et de ce premier volet.
Continuons avec une héroïne mystérieuse et magique…
La Malédiction de Mamo
Orla, petite dernière d’une lignée de sorcières, se voit de retour dans la ville où elle a grandi. La disparition de sa grand-mère, Mamo, a mis Haresden en émoi : les mers se déchaînent, les récoltes se gâtent, et le grenier de Jo, qui est venue chercher son aide, est pris d’assaut par un esprit frappeur ! Tous ces problèmes semblent partager une seule et même source : Mamo. Mais Orla a fui cette vie et se confronter à la malédiction de Mamo réveillera en elle un tourbillon de magie.
Mystique, sorcière, ancre et partage, La Malédiction de Mamo nous emmène à Haresden, village en proie à la colère de la nature et des êtres magiques. Au cœur de ce tourbillon, le phalène et sa porteuse disparue, Mamo. La bande dessinée nous emmène dans une mythologie nouvelle, où la magie se crée par le partage. Sas Milledge offre un récit captivant, un voyage initiatique dans l’enfance d’Orla, accompagné par son puit de pouvoir, Jo. Tandis que le poids de son passé l’empêche de se libérer de ce village, nous partons avec Orla, dans les antres de sa mémoire, où tout converge vers une seule figure : sa grand-mère, Mamo. L’évolution des deux personnages principaux tout comme celle de leur relation se trouvent intimement liées à cette mystérieuse malédiction. Comme si le destin l’avait déjà prédit, comme si Jo et Orla étaient faîtes pour partager la magie. Poignant et poétique, La Malédiction de Mamo est une histoire passionnante, sensible et qui tourne autour des us et coutumes tous plus mystiques les uns que les autres, où faune et flore sont maîtres du monde.
C’est au tour d’un (tout petit) héros de faire son entrée !
Issunboshi
Dans un Japon féodal où le mythe et le folklore sont réels, un démon décide de reforger une arme ancienne très puissante pour conquérir le monde. La légende dit que seul un véritable guerrier sans peur pourra l’arrêter. Au même moment, sur une autre île, naît Issunboshi, un jeune garçon d’à peine quelques centimètres de haut. Malgré sa petite taille, il suit l’entrainement pour devenir samouraï. Et si c’était sur ses petites épaules que reposait le sort du monde ? Issunboshi, par les choix qu’il va faire, nous rappelle qu’on ne nait pas héros, on trouve le courage d’en devenir un.
Une tradition japonaise adaptée en roman graphique ! Voyagez tout droit au pays du soleil levant et plongez dans l’une de ses mythologies magiques, pleines de sens et de poésie. Notre petit héros Issunboshi, mais au cœur immense et au courage à braver la tempête, nous amène dans une aventure à couper le souffle où seul sa motivation et sa rage de vaincre pourra l’amener à la victoire. Une panoplie de personnages se déroulent à travers les chapitres, des parents aimants, au mentor mystérieux, en passant par les alliés caractériels… Toutefois ceux qui retiennent notre esprit et nous rendent tout autant mal-à-l’aise qu’impressionné sont les monstres japonais, sortis tout droit de la culture nippone entre les Oni, démons violents, les Tengu, corbeau maléfique, le Bakeneko, démon-chat et autres monstres terrifiants de Japon. Tout un monde s’ouvre à nous à la première page tournée. Ryan Lang arrive avec brio à nous tenir en haleine, sa profession dans l’audiovisuel et l’animation se fait ressentir dans la construction de l’histoire, tout autant que dans son dessin. Si toutefois le nuancier de gris et la couleur sombre de la page empêche une certaine clarté dans sa lecture, le rythme de la bande dessinée et l’enchainement des évènements parviennent à masquer ce malus. Issunboshi est le récit d’une vie, toute petite certes, mais au message immense.
Ralentissons un instant et profitons du soleil avec Hiroto…
Hirayasumi
Hiroto Ikuta, 29 ans, freeter, a reçu en héritage une petite maison de plain-pied que lui a léguée une vieille dame avec laquelle il s’était lié d’amitié. Rejoint par Natsumi, sa jeune cousine qui vient d’arriver à Tokyo pour poursuivre des études d’art, ils entament sous le même toit une vie à la fois paisible et mouvementée !
Dans un monde où tout va à mille à l’heure, où nous avons plus le temps de rien, soufflez un bon coup avec Hiroto, ce héros au rythme particulier, qui semble profiter de la vie de tous les jours et de prendre le temps. Avec lui, vous serez obligé de ralentir et cette lenteur particulière permet de mieux comprendre le monde, de le regarder et non plus seulement le voir. Le souvenir de cette grand-mère mystérieuse se dessine dans cette petite « bicoque », dans ses moindres recoins, par son toit qui fuit, son plancher qui craque, ses ustensiles usés mais aussi ses beaux hortensias qui ornent le jardin. Hirayasumi est un appel à ralentir, à prendre le temps de profiter de la vie et des petits bonheurs qu’elle regorge, dans les repas dégustés, sur un pont au-dessus de la route ou dans le quotidien monotone d’une vie. Tout comme attendre patiemment quelques secondes sur l’escalator au lieu de le dévaler dans une hâte permettrait de souffler, s’arrêter quelques instants et reprendre son souffle permettrait de ne pas perdre le temps.
Retournons quelques siècles en arrière et combattons pour la liberté de penser !
Du mouvement de la Terre
Dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, la religion régit la société et le moindre faux pas mène à la torture et au bûcher… Le jeune Rafal prépare des études de théologie. Brillant et bourré d’ambition, il compte bien réussir dans la vie… Pourtant, un seul homme, Hubert, va le chambouler. Condamné par l’Église, son crime a un nom : l’héliocentrisme. Sous ses airs de repenti, Hubert continue son étude des astres, et sa ferveur déteint sur l’étudiant… À ses côtés, le monde de Rafal bascule. Pour la première fois de sa vie, il entrevoit la vérité sur l’univers… et par là même, sa beauté ! Il n’y a plus de retour en arrière possible : l’astronomie sera sa voie, quitte à mettre sa vie dans la balance…
« La Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil », cette affirmation est aujourd’hui une vérité générale. Mais si nous retournions à un temps où elle ne l’était pas ? Un temps où penser que la Terre n’est pas le centre de l’Univers était hérésie ? C’est en cette époque que Du mouvement de la Terre nous emmène, quand la religion avait le pas sur la science et où remettre en question la science revenait à se trouver au bûcher. Ce manga nous rappelle avec amertume et violence, le combat qu’il est de repenser le monde et l’univers qu’il habite, chaque question posée était un risque de perdre la vie. Mais la quête de vérité a toujours eu le pas sur la peur de la mort. Rafal, dans ce premier tome, nous raconte sa quête, celle tout d’abord d’un rusé qui n’a qu’un seul objectif : réussir sa vie en suivant la règle préétablie. Mais quand un homme, du nom mystérieux d’Hubert vient chambouler ses pensées, le voilà en quête d’une vérité qui le dépasse, celle de l’héliocentrisme, la profane qu’il n’arrivera pas à abandonner. Ce premier tome entre en grande fanfare et introduit une série captivante. Les tomes semblent raconter chacun la destinée d’un personnage, de la découverte de la beauté de l’univers et qui le mènera à sa perte. Pourtant, ce qui reste à la fin est la vérité, la connaissance. L’intelligence seule est mère de la science, elle ne peut être éteinte, contenue. « Ce n’est pas le genre d’animal dont un petit groupe peut se rendre maître facilement. » D’un index dénonciateur, vindicatif et criant d’un combat pour la liberté de penser et de douter, Du mouvement de la Terre rappelle la conséquence de la main mise de la science par la religion et de la censure qu’elle impose au profit de sa pratique.
Quand amour et sport se rassemblent, seule une explosion peut en résulter !
Blue Box
Taiki Inomata, membre du club de badminton, a eu le coup de foudre pour Chinatsu Kano, la star du club de basket de son établissement. Il s’entraîne à ses côtés tous les matins. Sa relation avec Chinatsu va prendre un tournant totalement inédit lorsqu’un jour de printemps, une nouvelle des plus déconcertantes va lui offrir une opportunité inespérée de conquérir sa belle.
Cette histoire reprend les codes du manga de sport et les retournent de manière surprenante. Là où le sport est le point centre de ce manga, il n’est pas pour autant le thème de base. L’amour l’est. Là où l’amour est à peine introduit, le voilà à être le sujet majeur de notre livre, et toute l’histoire s’en trouve changer. Le lecteur suit l’histoire de Taiki et a envie de l’encourager pour le voir avancer, toujours aller plus loin et ne jamais abandonner. Les passages d’amertume et de douceur que l’amour apporte à cette bande dessinée ne vient que sublimer cette histoire tendre. Ce premier tome in medias res introduit une histoire en plein courant, avant même de comprendre l’histoire, nous voilà dans l’œil du cyclone. Tandis que le personnage de Chinatsu est mis en second plan dans ce tome, il nous tarde d’en apprendre plus sur cette jeune lycéenne mystérieuse et explosive. D’un rythme rapide et enflammé, nous lecteurs nous embrasons devant les efforts de Taiki et espérons qu’une chose, qu’il gagne, tant en sport qu’en amour !
Et si nous basculions du côté sombre de la société ?
Mighty Mothers
Employée d’une épicerie, professeure d’école, tenante d’un restaurant le jour, mercenaire la nuit. Trois femmes veulent remettre l’ordre dans la campagne japonaise où le gangrène envahit la paix des habitants. Mère célibataire et femme combattante, Akane Honjô est l’une de ces super-espionnes au « service » du jardin d’enfants et base de l’organisation. Elle part en missions au péril de sa vie pour sauver de jeunes femmes victimes de trafic.
Eiji Karasuyama nous emmène dans une épopée sombre, violente et sanglante au sein d’un combat acharné contre la pègre qui a pris le contrôle du village. Nous y trouvons trois femmes d’exception, toutes plus redoutables les unes que les autres et ensemble, elles se battent au quotidien pour retrouver la paix perdue. La laideur de l’être humain se dévoile à la lumière du jour dans ce manga, trafic, enlèvements, ventes d’organe, systèmes de prostitution. Tout l’horreur qui peuple les nuits des jeunes filles nous est dépeint d’un crayon macabre. Puissant et sans appel, Mighty Mothers est une histoire coup de poing, sur la position de la femme dans le monde, des dangers qu’elle encourt. Un premier tome prometteur et qui nous laisse sur un cliffanger palpitant. Une seule pensée nous vient à l’esprit : que va-t-il se passer dans le second tome ! Pour un public averti.
Et si nous finissons maudits ?
Saisons maudites (tome 1 et 2)
Saisons maudites (Tome 1 et 2), Asuka Konishi, éditions Pika, mars 2023
Fiancée de manière arrangée à Tôgo Hiiragi, héritier d’une riche et puissante famille, Haru était pourtant folle amoureuse de ce jeune homme avant de décéder d’un cancer, à seulement 19 ans. Natsumi, l’aînée de Haru, supporte mal cette disparition et cherche désespérément à se raccrocher au souvenir de sa petite soeur, qui représentait tout pour elle. Alors, pour sauver ces fiançailles convenues entre leurs deux familles, Natsumi accepte de remplacer Haru et de sortir avec Tôgo à une condition : qu’il l’emmène uniquement aux endroits où il s’est rendu avec sa soeur. Mais au fil des saisons, le souvenir de Haru va prendre la forme d’une malédiction pour ce couple qui n’aurait pas dû exister…
Asuka Konishi nous emmène dans un voyage entre la vie et la mort, à travers deux personnages au caractère diamétralement opposé. Pourtant le lien qui les unit est la mort, celle de la sœur, celle de la fiancée… Les thématiques sont violentes : amour interdit, deuil, culpabilité, peur… La mort se porte en étendard de cette série. En deux tomes nous voilà emportés dans une histoire morbide, où le songe de la sœur persiste dans la mémoire de l’héroïne. Criant d’émotions et d’une vérité terrible, Saisons maudites nous fait plonger dans une aventure à travers le temps, à travers les saisons qui marquent chaque étape de leur relation. Au ton sombre et à l’atmosphère obscure vient s’ajouter un humour racoleur et vif, seul signe de vie des deux personnages. Complexes et paradoxaux, Natsumi et Tôgo dénotent de leur apparence première et de ce caractère d’apparat dont ils se vêtent pour garder un semblant de paix dans le tourbillon qu’est devenu leur vie. Les sentiments sont laids, violents et immoraux et c’est pour ça que l’on continue la lecture de ces deux tomes, car aussi vils soit cet amour et ces émotions, il n’y a pas plus humain que la noirceur de l’âme, d’un cœur sordide. Entrez dans une histoire qui défie tout étique et sombrez dans le péché, quitte à être maudit avec Natsumi et Tôgo.