Personne n’a peur des gens qui sourient, affirme le titre du nouveau roman de Véronique Ovaldé paru chez Flammarion début février 2019. L’auteure y propose un nouveau portrait de femme remarquable.
Ce que je sais de Véronique Ovaldé est qu’il faut se méfier des cœurs transparents. L’auteur a la grâce des brigands pour déloger l’animal derrière les personnages du vaste monde. Elle peut facilement nous entraîner dans la touffeur d’un pays imaginaire d’Amérique du Sud ou vers des personnages bien moins lisses qu’ils n’y paraissent.
« Tu n’as pas remarqué qu’on nous demande de toujours sourire pour ne pas effrayer les hommes. »
Avec ce nouveau roman, Véronique Ovaldé nous fait partir à la rencontre de Gloria Marcaggi, une jeune mère de famille que la peur contraint à tout quitter dans l’instant. À l’approche de l’été, elle s’enfuit de son cabanon bleu de Vallenargues, passe chercher ses deux filles au lycée et à l’école, jette les portables et part à Kayserheim en Alsace dans une vieille maison ayant appartenu à sa grand-mère maternelle.
Si Loulou, six ans, y voit un jeu, Stella, adolescente est furieuse de quitter ses amis. Que fuit donc Gloria avec une telle peur ? À Stella, elle parle d’un certain Pietro.
Le récit alterne entre le récit de leur installation en Alsace dans cette maison hantée par le souvenir d’Antoinette Demongeot, la grand-mère qui n’a jamais eu la moindre attention pour sa famille, et le dévoilement progressif du passé de Gloria. Véronique Ovaldé nous plonge ainsi dans le mystère, dans l’angoisse d’une mère traquée prête à tout pour protéger ses petits.
Cette protection parentale, Gloria, ne l’a pas eue. À sept ans, son univers s’effondre. Sa mère quitte le foyer pour s’installer avec un dentiste. Son père, bienveillant mais désespéré, meurt d’un cancer alors que Gloria n’a que seize ans. Son seul recours, Tonton Gio, ancien associé de son père, lui offre une place de serveuse dans son bar, La Traînée, qu’il avait ouvert avec le père de la jeune fille. À dix-huit ans, elle pourra contacter Pietro Santini, l’avocat de son père, afin de connaître son héritage. En attendant, elle tombe amoureuse de Samuel, un petit délinquant en affaires avec Tonton Gio. Si le vieil homme tente de la mettre en garde, Gloria aime la sensibilité de Samuel. Cet homme parvient à contenir la colère suscitée en lui par un sentiment constant de persécution.
« Sur quoi reposait une relation : était-ce simplement sur la capacité d’oubli et de pardon de chacun des protagonistes ? »
Quand on retrouve Gloria et ses deux enfants en Alsace, on comprend que Samuel a disparu. Il ne reste à Gloria qu’un sentiment de peur. L’environnement isolé de cette maison familiale, avec son étang noir et son voisin bourru, contribue à renforcer cette impression.
De plus, Véronique Ovaldé aime ajouter une pointe de surnaturel pour perdre le lecteur dans le mystère. L’auteure accompagne son lecteur pour mieux le plonger dans son univers. Elle n’hésite pas à nous interpeller par des apartés, des impressions entre parenthèses. Avec un style particulièrement fluide, cette conteuse hors pair sait capter l’attention du lecteur grâce à son aisance à manier les choses invisibles, les apparences.
Personne n’a peur des gens qui sourient de Véronique Ovaldé – Flammarion – 270 pages. Parution : 6 février 2019. Prix :19 €.
Véronique Ovaldé a publié neuf romans dont Et mon cœur transparent (éditions de l’Olivier, prix France Culture-Télérama 2008), Ce que je sais de Vera Candida (prix Renaudot des lycéens 2009, prix France Télévisions et Grand Prix des lectrices de Elle), Des vies d’oiseaux, La Grâce des brigands (2013) et, plus récemment, Soyez imprudents les enfants (2016). Elle a également publié des livres illustrés, parmi lesquels La Très Petite Zébuline (Bourse Goncourt du livre jeunesse, Actes Sud Junior, 2006), Paloma et le vaste monde (Pépite du meilleur album, Actes Sud Junior, 2015), La Science des cauchemars (Thierry Magnier, 2016) et À cause de la vie, en collaboration avec Joann Sfar (Flammarion, 2017).