La Petite Fille au fusil – Histoire d’une jeune résistante, publié aux Éditions du Ricochet est Inspiré d’une histoire vraie. Ce roman graphique nous entraîne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une Lituanie meurtrie par les occupations successives. À travers le regard vif et ingénieux de Magda, une enfant de dix ans, c’est toute une page méconnue de l’Histoire européenne qui s’ouvre au lecteur.
Magda n’est pas une héroïne de fiction surdimensionnée. Elle est une enfant comme tant d’autres, espiègle, fascinée par les histoires que son père lui racontait. Mais lorsque sa famille est brutalement arrêtée et déportée en Sibérie par l’armée soviétique, la petite fille bascule dans un monde où l’enfance et la guerre se télescopent. Recueillie par son ancien maître d’école, devenu chef de la résistance lituanienne, elle découvre la vie des « frères de la forêt », ces hommes et ces femmes qui, jusqu’en 1953, ont combattu pour la liberté de leur pays.

Entre ses préoccupations enfantines, son courage instinctif et une étonnante débrouillardise, Magda devient l’incarnation d’une résilience bouleversante. Le lecteur est rapidement saisi par son énergie, son humour et sa force intérieure, qui font d’elle un personnage terriblement attachant.
L’album n’est pas seulement une belle histoire : il constitue aussi une porte d’entrée précieuse vers une mémoire oubliée. Peu de récits évoquent la lutte des résistants lituaniens face à l’occupation soviétique après 1945. Les auteurs parviennent à rendre cette complexité historique lisible pour un jeune public dès dix ans, sans sacrifier la profondeur. La guerre, la répression, la déportation, mais aussi l’espoir et la solidarité : tout est évoqué avec justesse, à hauteur d’enfant, permettant à la fois l’identification et la réflexion.

L’illustration, d’abord surprenante par son style atypique, se révèle être l’un des points forts de l’ouvrage. La palette de tons terreux – beige, kaki, orangé – épouse parfaitement l’ambiance des forêts et des bunkers. Les visages naïfs et expressifs apportent une touche de fraîcheur et d’humour qui contrebalance la dureté du sujet. Loin d’affaiblir le propos, ce contraste le renforce : la guerre est montrée avec la gravité nécessaire, mais toujours du point de vue d’une enfant qui garde son imaginaire vivant.
Grand format, calligraphie soignée, équilibre entre pleines pages et vignettes : tout a été pensé pour une lecture fluide et stimulante. L’album se situe à la croisée de la bande dessinée et de l’album jeunesse, une hybridation réussie qui captive autant les jeunes lecteurs que les adultes. On peut parier que La Petite Fille au fusil se lira en famille, suscitant des questions, des échanges et une transmission de mémoire.

Au-delà de la Lituanie et du contexte de 1944, La Petite Fille au fusil raconte l’histoire universelle des enfants emportés malgré eux dans le tourbillon de la guerre. Il rend hommage au courage des anonymes qui ont choisi la liberté plutôt que la soumission, et rappelle que l’histoire des résistances européennes ne se limite pas à la France ou à l’Italie.
Ce livre est un véritable coup de cœur : une œuvre à la fois bouleversante, instructive et lumineuse, qui mérite de trouver sa place dans toutes les bibliothèques, scolaires comme familiales.

