Depuis la gare de Villennes-sur-Seine, une petite embarcation à moteur nous conduit jusqu’à l’île du Platais. C’est là où est projeté, à l’occasion des Journées du Patrimoine, Physiopolis IV de Guillaume Massart et Adrien Mitterrand.
Après avoir été investie par Cézanne et Zola, l’île est achetée à la fin des années 1920 par les frères et docteurs Durville, qui la transforment en paradis pour bikinistes et la nomment Physiopolis. Aujourd’hui subsistent les vestiges d’une splendeur passée, telle cette piscine habitée désormais par les canards et la vase, où le toboggan donne des idées de noyade. Derrière elle, un bâtiment somptueux pour accueillir les visiteurs qui ne viennent plus, dont les nombreuses cabines sont aujourd’hui pleines de feuilles mortes.
C’est cette nature fantomatique de l’île qu’interroge le film de Guillaume Massart et Adrien Mitterrand, recueil de témoignages suffisamment ouvert pour que les cinéastes puissent y esquisser une fiction. La parole des deux doyens de l’île se mêle sans effort à l’errance de deux corps – les cinéastes eux-mêmes – s’inventant une vie de spectres dans les ruines, l’un lisant les menus des festins passés, l’autre faisant un feu et s’endormant. Manière d’apprivoiser l’invisible : par la nuit, le feu et la parole, les cinéastes font œuvre de reconstitution sans costumes d’époque. Les fêtes passées sont là, lointaines, et errent parmi les décombres.
C’est bien la combinaison du documentaire et de la fiction qui est le plus remarquable ici. Le film s’essaie aussi bien à l’archive qu’à l’entretien, à la contemplation qu’à la fiction, selon une trame assez subtile. Et c’est peut-être la meilleure définition possible de ce qu’est un documentaire (dans ce qui le distingue du reportage) : retrouver les fictions d’un espace déserté, convoquer le passé au sein d’un présent qui l’a abandonné.
Physiopolis IV d’Adrien Mitterrand & Guillaume Massart, 2012, 55 minutes
Image, son & montage : Guillaume Massart & Adrien Mitterrand
Montage son & mixage : Julie Roué & Niels Barletta
Affiche : L.L. de MarsUne coproduction Triptyque Films, TVFIL78 & Cinaps TV
Avec la participation du CNC
Avec le soutien de la Procirep – Société des réalisateurs & de l’Angoa