Un simple sujet de conversation ? Ô que non, Lou est un hymne à la tolérance.
«Lou, y es-tu?»
Oui, Lou est là. Elle prépare ses armes.
«M’entends-tu?»
Non, Lou n’entend plus. Elle gronde.
«Elle s’appelle Lou et demain elle change de tanière. Elle prend ses louveteaux dans sa gueule pour les emmener ailleurs. Elle défait son couple. Elle déconstruit une famille. Elle va bâtir sa vie.»
Lou quitte Marc son mari, l’homme de sa vie. Pourquoi ?
Parce que Lou, femme libre a rencontré quelqu’un. Ce sont des choses qui arrivent même aux personnes en apparence les plus accrochées, les plus fidèles, les plus inscrites dans une sorte de schéma instauré depuis toujours. Le coup de foudre n’est pas une nouveauté. Et pourtant, pour Lou, c’est un grand chambardement. Elle va tout remettre en question et avant tout, elle-même. Son quotidien, ses jours ses nuits, son présent son avenir. Ses relations avec les siens, avec les autres. C’est la peur au ventre qu’elle avance Lou. La peur de se tromper, la peur du regard de l’autre, des autres, de ses gosses, de son mari qu’elle aimera toujours malgré tout. Cette boule qu’elle trimballe au fond des ses tripes est-elle justifiée alors qu’elle est amoureuse et totalement éprise de la personne qu’elle a rencontrée ?
Peut-être ? Peut-être pas…
Qui sait ? Qui peut juger Lou en dehors d’elle-même ? Personne ! Tout le monde !
Pourquoi ? Parce que Lou est amoureuse de Lucie, la belle Lucie. La battante Lucie. La tempête Lucie. Cataclysme dans la tête de Lou. S’imaginait-elle avec une femme, totalement dingue d’une femme ? Que vont penser les autres ? Comment va-t-elle se projeter avec une femme ? Comment peut-elle aimer le corps, les courbes, le sexe d’une femme, elle qui était presque «acquise» à l’hétérosexualité ?
Julie Gouazé, avec une véritable délicatesse, une crudité parfois, une criante vérité, nous
entraîne dans une histoire d’amour, celle de Lou et Lucie, dans une réflexion sur le
contrôle ou l’absence de contrôle des vaisseaux du cœur, de ces choses que l’on ne
maîtrise pas, tomber amoureux d’une autre, d’un autre, du même sexe que soi. Elle lève le
tabou et bouscule la rhétorique des bien-pensants, de celles et ceux qui clament haut et
fort–à tort parfois voire souvent-, que la sexualité des être est définitive. Hétéro ou
homo, on l’est pour un jour donc pour toujours. En réalité les choses sont plus subtiles,
plus complexes. L’auteure défend avec honnêteté et justesse la thèse selon laquelle on
tombe d’abord amoureux d’une personne pour ce qu’elle est et non de son identité
sexuelle. Le corps c’est une autre histoire. L’amour c’est tout ce qui se passe en dehors du
sexe, il n’y a qu’à relire les recherches d’éminents psychanalystes.
Comme dans un conte pour enfants, faussement naïf et terriblement cruel, Julie Gouazé
livre avec force et authenticité le combat de Lou contre l’homophobie, révélant le courage
de tout laisser derrière soi alors que l’on avait tout pour soi.
Un roman d’une pertinence inouïe.
Quand on parle de Lou, Julie Gouazé. Éditions Belfond, 155 pages. Parution : octobre 2018. Prix : 17,00 €.
Couverture : Anton Lenoir – Photo auteur Julie GOUAZE © Philippe Rateau.