À l’origine contre la gestation pour autrui, le journaliste et animateur Marc-Olivier Fogiel est revenu sur sa décision après la naissance de ses deux filles par ce procédé. Il raconte son histoire dans son livre, Qu’est ce qu’elle a ma famille, paru le 3 octobre. Il est aussi allé à la rencontre de nombreuses personnes pour rassembler des témoignages.
« Le père, c’est celui qui aime. » Marcel Pagnol, in Fanny.
Avant tout, après la lecture de ce livre « témoignage (S) », il est important de laisser retomber l’émotion, les émotions qu’il suscite, les émotions qu’il réveille… Qu’est-ce qu’elle a ma famille ? C’est d’abord et surtout un livre sur l’Amour. L’Amour d’hommes et de femmes, d’hommes et d’hommes, de femmes et de femmes, qui s’aiment, qui sont unis et qui – dans une démarche on ne peut plus classique au fond-, nourrissent un désir réfléchi de fonder une famille pour donner du sens à leur existence, mais également – et c’est là tout l’intérêt des phrases construites par l’auteur -, aimer des enfants, les entourer, les accompagner, les rassurer, œuvrer à leur autonomie pour en faire des êtres épanouis libres, au sein d’un foyer parental et plus tard dans leur vie d’adulte.
Même si le schéma sort quelque peu de ceux classiques connus depuis des siècles, il répond non sans évidence à une évolution de la société. Hors les clichés du people, journaliste, animateur-producteur, chef d’entreprise qui a réussi dans le monde des médias, Marc-Olivier Fogiel – qui utilise sa notoriété à bon escient -, s’inscrit comme un homme, un citoyen, un PAPA qui raconte son « besoin » de parentalité profondément ancré dans sa personnalité, dans son cœur, dans ses tripes depuis longtemps pour donner une descendance à son histoire personnelle, pour donner du sens à son couple, pour devenir un être humain « abouti ». Avec une immense pudeur, des mots pesés, une réflexion puissante, il expose le parcours d’un couple, formé avec son mari, François Roelants, qui s’engage dans le projet d’avoir un ou plusieurs enfants.
Mais voilà, quand on est un couple gay dans la société française, il y a peu ou pas de solutions hormis une hypothétique adoption pour avoir des enfants. Un peu plus facile pour des femmes, chacun le comprendra (on pourrait illustrer le propos par la chanson connue de JJ Goldman : Elle a fait un bébé toute seule). Et aujourd’hui, la PMA (procréation médicale assistée). Évidemment, impossible pour un homme, pour des hommes hormis passer par la bonne copine et accepter une coparentalité. (mais dans le livre on en découvre toutes ses limites)
Alors… pourquoi pas la GPA « éthique » (gestation pour autrui), pensent Marc-Olivier et François ? Puisqu’il n’est pas possible de faire autrement alors que nous voulons des enfants biologiquement, génétiquement « à nous », c’est cette solution qui apparaît la plus idoine aux deux hommes, pour former leur famille. Deux papas, deux enfants. L’auteur nous entraîne dès lors dans un chemin qui n’est pas des plus simples tant sur le plan éthique, qu’administratif sinon juridique. Mais à force de pugnacité, de volonté, en 2011, Michelle, la femme porteuse des ovocytes procurés par Jane et fécondés par les spermatozoïdes des deux hommes (séparément), donne naissance à Mila, la première petite fille. En 2013, la même Team donnera naissance à Lily, la demi-sœur de Mila. Si Mila est la fille biologique de Marc-Olivier, Lily est celle biologique de François. Éthique !
Quand on a que l’amour, pour vivre nos promesses, sans nulle autre richesse que d’y croire toujours… Quand on a que l’amour…
Justement, cette « maternité-paternité » s’appelle GPA éthique. Pourquoi ? Parce que la donneuse d’ovocytes n’est pas la porteuse du bébé, parce que la porteuse n’est pas la donneuse. Parce que la femme qui a porté les embryons abandonne dès la naissance tout lien avec le nourrisson et le remet aux « parents intentionnels », tel est le terme employé. Parce les sommes déboursées par les futurs parents servent à défrayer la personne donneuse, la personne qui porte le bébé pendant neuf mois (eh oui pendant cette période de gestation elle ne travaille pas, donc c’est une compensation), à assumer les frais médicaux et d’accompagnement et surtout les émoluments juridiques pour assurer une bonne gestion du dossier.
Alors ? La GPA est-elle finalement réservée à des bobos qui ont largement les moyens de « se payer » un enfant sous le pseudo GPA éthique en Amérique du Nord, en Inde ou ailleurs ? Pas nécessairement comme le souligne avec force Marc-Olivier Fogiel dans son livre même s’il reconnaît avec honnêteté que cela représente un véritable sacrifice financier pour des quidams. Mais il lutte contre les « bien-pensants » qui dénoncent avec des arguments de plus en plus éculés une marchandisation des corps, des ventres à louer et les exergues qui annoncent des témoignages de couples approchés en illustration de ses propos ne manquent pas de sel sinon de venin. Le tout sourcé en bon journaliste fait souvent froid dans le dos. Et peut même déclencher quelque moment d’indignation voire de colère.
Sans jamais aucun angélisme, l’auteur nous narre aussi les parcours des autres, des anonymes, des femmes, des hommes, des couples hétéros, homos qui ont eu recours à la
GPA éthique. Et ce n’est en rien une sinécure ; c’est même souvent un combat. Il faut vraiment les vouloir et les aimer déjà ces gosses pour s’engager dans un tel processus. Et le pire est souvent à venir dès lors qu’ils sont nés, les nourrissons, parce démarre alors juridique plus complexe que censé. (Ainsi en prenant la décision d’une GPA éthique, un couple peut prendre le chemin d’une famille heureuse et enfin constituée comme aboutir à des désillusions, des souffrances, un enfer, un couple qui bat de l’aile…)
Si le droit américain finalement s’avère assez souple, mais très cadré, le droit français fait figure d’un archaïsme déroutant avec une pléiade de jurisprudences épouvantables au nom du « droit des enfants ». Et pourtant… L’auteur sait – avec méthode et pédagogie – expliquer pourquoi le juridique verrouille autant les choses ; il y a des questions éthiques qu’il n’élude jamais ; il y a des questions d’encadrement qu’il ne réfute pas. (Même si souvent on se demande où est passée toute forme d’entendement quand on se frotte à des articles de lois ancestraux, à des juristes cacochymes ou incompétents, quand on se trouve face à des murs de conservatisme, à des diktats politico-religieux). Et puis… Il y a la question du regard des autres, de cette fange de la société qui ne cesse de décrier la GPA (comme ce fut le cas de la PMA, du mariage pour tous ou encore de l’avortement en son temps).
Mais Fogiel choisit le chemin de la réflexion pour nous expliquer, pour tenter de comprendre les réticences et les questions. Il ne condamne pas les autres (il était lui-même autrefois dubitatif quant à la GPA), il ne cherche pas non plus à convaincre, il demande seulement le droit de laisser une famille vivre dans le bonheur (parents et enfants, homos ou hétéros). Et il a raison. Au terme du livre, touchant de part en part, sans jamais aucune complaisance, sans jamais d’outrance, des larmes de joie coulent sur nos joues quand Mila et Lily s’expriment et parlent de leurs deux papas. Ce n’est pas un tableau angélique de leur situation « un peu différente », ce sont juste des paroles d’enfants. Naturellement.
Qu’est-ce qu’elle a ma famille ?, Marc-Olivier Fogiel, Éditions Grasset – 245 pages Parution : octobre 2018.
Couverture : © François Roelants Bestimage – Photo auteur Marc-Olivier FOGIEL © Eléphant & CiePrix : 19,00 € – www.grasset.fr
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