Longtemps considéré comme désuet, concurrencé par l’avion low-cost et les voitures toujours plus rapides, le train vit aujourd’hui un retour en grâce inattendu. Des lignes de nuit ressuscitent, les rails tissent de nouvelles connexions entre métropoles, et une génération de voyageurs redécouvre le plaisir du temps long. Le railtrip s’impose comme une tendance de l’été 2025 : une manière écologique, sensorielle et, parfois, économique de traverser le continent.
Le retour en grâce des trains de nuit
Dormir à Paris, se réveiller à Berlin. Monter à Vienne, ouvrir les yeux à Venise. Le romantisme ferroviaire, un temps effacé par la frénésie des vols low-cost, reprend ses droits. L’Autriche a ouvert la voie avec ÖBB Nightjet, relançant en quelques années des liaisons vers l’Allemagne, l’Italie et bientôt la France. Depuis décembre dernier, le Paris–Berlin de nuit est redevenu réalité, attirant aussi bien backpackers que cadres en quête d’une alternative durable.
En Suède, le trajet Stockholm–Hambourg séduit les jeunes Européens qui partent sac au dos explorer le continent, tandis qu’en Espagne, la renaissance du Trenhotel permet à nouveau de rejoindre Barcelone à Madrid en dormant.
Le train de nuit, autrefois symbole d’un âge révolu, devient un art de vivre : une cabine à partager, un compartiment couchette où l’on entend la respiration de la voie ferrée, un bar où se tissent des conversations improbables.
Quand le rail devient lifestyle
Prendre le train, c’est aussi redécouvrir le voyage comme expérience et non comme simple transition. Là où l’avion réduit l’Europe à une série d’aéroports interchangeables, le rail laisse filer les paysages.
Ainsi, le train du Douro au Portugal offre un voyage de Porto à Pocinho à travers les vignes en terrasses. En Écosse, la ligne des West Highland emmène le voyageur de Glasgow aux rives sauvages de Mallaig, dans une ambiance de film. Plus au sud, l’Italie déploie des panoramas méditerranéens sur la ligne Naples–Palermo, longeant la côte avant d’embarquer sur un ferry ferroviaire vers la Sicile.
Ce n’est plus seulement un moyen de transport, mais une immersion culturelle. Chaque gare, chaque compartiment devient une escale, un fragment d’Europe.
L’obstacle persistant : le prix
Le paradoxe reste cruel : voyager en train coûte encore souvent plus cher que l’avion. Selon une étude citée par Le Monde (août 2025), rejoindre Rome, Berlin, Londres ou Milan depuis Paris revient systématiquement plus cher en train qu’en avion. En moyenne, le billet de train est 2,5 fois plus cher que le billet d’avion en Europe.
Comment expliquer cette distorsion ? L’absence d’harmonisation entre les réseaux nationaux, le coût élevé de l’entretien des infrastructures, et la faiblesse des subventions au rail, comparées à celles de l’aviation. Résultat : prendre le train reste un acte militant ou passionné, rarement un choix rationnel pour le portefeuille.
Une Europe du rail en construction
Pourtant, la tendance est claire : 2023 a marqué une année record pour le transport de voyageurs en train, selon Eurostat. De la France à l’Allemagne, de la Suisse à la Pologne, la fréquentation grimpe. Les États investissent massivement : l’Espagne et l’Italie multiplient les lignes à grande vitesse, l’Allemagne finance de nouvelles interconnexions, et Bruxelles rêve d’une véritable « Europe du rail ».
L’ambition de la Commission européenne : doubler le trafic ferroviaire à grande vitesse d’ici 2030. Objectif stratégique pour le climat, mais aussi pour forger une identité commune. Voyager en train en Europe, c’est faire l’expérience de l’unité par la diversité, passer sans heurts de langue en langue, de paysage en paysage.
Des destinations phares pour un railtrip estival
Chaque trajet raconte une petite Europe miniature : ses langues, ses climats, ses paysages. Voyager en train, c’est sentir le passage, éprouver le continent dans sa continuité – là où l’avion ne montre qu’un départ et une arrivée. Quelques idées concrètes pour un été sur les rails :
- Paris – Vienne (Nightjet, Autriche)
Montez à bord à la tombée du jour, croquez un dernier croissant avant le départ, puis laissez-vous bercer par les secousses douces de la voie ferrée. Au réveil, Vienne se dévoile derrière les vitres embuées : dômes baroques, café viennois et valses de Strauss au coin des rues. - Venise – Munich (ÖBB Nightjet, Italie/Allemagne)
En quittant la Sérénissime, le train s’élance dans la nuit, traverse les Dolomites et grimpe les cols alpins. L’air devient plus frais, la lune éclaire les sommets enneigés. À l’arrivée, la bière bavaroise remplace le spritz : un voyage où la géographie se ressent jusque dans le verre. - Stockholm – Narvik (Suède/Norvège)
C’est l’un des plus longs trajets d’Europe : près de 20 heures à travers forêts boréales, lacs miroitants et paysages qui s’étirent jusqu’au cercle polaire. Quand le soleil de minuit rase l’horizon, on a l’impression d’entrer dans une peinture impressionniste infinie. - Lisbonne – Saint-Jacques-de-Compostelle (Portugal/Espagne)
Les rails longent l’océan Atlantique, les pins se mêlent aux effluves salés. C’est un voyage lent, presque contemplatif, où chaque halte ressemble à une petite procession : cafés fumants dans les gares, chants galiciens qui résonnent à l’arrivée. - Barcelone – Zurich (Espagne/Suisse)
Ce trajet diurne plonge d’abord dans la Méditerranée étincelante avant de s’engouffrer dans les vallées pyrénéennes. À mesure que le train grimpe, les oliveraies se changent en pâturages, et bientôt les Alpes s’ouvrent comme un rideau de théâtre. - Berlin – Budapest (Allemagne/Hongrie)
Une liaison directe qui raconte l’histoire d’une Europe centrale vibrante. On traverse les plaines fertiles, on longe le Danube, on voit apparaître les clochers baroques. À Budapest, la magie des bains thermaux efface la fatigue du rail. - Rome – Palerme (Italie)
Un voyage unique : le train roule jusqu’à la pointe de la botte, puis embarque… sur un ferry. Les wagons flottent sur la mer Tyrrhénienne, avant de reprendre leur course en Sicile. Entre parfum d’agrumes et horizon marin, c’est un passage initiatique. - Prague – Cracovie (République tchèque/Pologne)
Une escapade de nuit au cœur de l’Europe de l’Est. Les wagons grincent doucement, les gares secondaires sentent la soupe et le charbon. À l’arrivée, Cracovie offre sa place du marché médiévale et ses pierogi fumants comme récompense. - Vienne – Split (Autriche/Croatie)
En une nuit, on passe des capitales impériales aux rivages adriatiques. L’air change, chargé d’embruns marins. Les palmiers bordent les quais à Split, où l’on peut plonger dans la mer turquoise quelques minutes après avoir quitté son compartiment. - Londres – Édimbourg (Royaume-Uni)
Le Caledonian Sleeper n’est pas qu’un train, c’est un salon roulant. Whisky au bar, plaid écossais sur les épaules, on traverse les landes embrumées avant que les premiers rayons révèlent les falaises et la silhouette gothique d’Édimbourg. - Paris – Barcelone (France/Espagne)
À grande vitesse, ce railtrip est un passage d’un monde à l’autre : les villages français blottis sous les clochers, les Pyrénées majestueuses, puis l’explosion méditerranéenne à l’arrivée. Le soleil catalan semble récompenser la traversée. - Zurich – Milan (Suisse/Italie)
Court mais inoubliable. Les tunnels s’ouvrent sur des vallées alpines, les lacs scintillent entre les montagnes. Puis, brusquement, le climat change : la douceur italienne, les marchés parfumés, les façades colorées de Milan accueillent le voyageur.
Le rail comme ciment européen
Derrière les rails, c’est un projet politique qui s’esquisse. En redonnant du souffle aux trains de nuit, en harmonisant les réseaux, en baissant les tarifs, l’Europe pourrait transformer le railtrip en pratique culturelle partagée. Comme l’Erasmus a rapproché les étudiants, le train peut rapprocher les peuples.
L’avenir du rail est radieux — à condition de résoudre l’équation économique. Si demain, le train devient aussi abordable que l’avion, il pourrait bien devenir l’ossature invisible d’une identité européenne vécue, reliant villes, paysages et citoyens dans un même mouvement.
Des offres Interrail (résidents européens) permettant de voyager plusieurs jours à petit prix à travers l’Europe :
Interrail Global Pass
Idéal pour explorer plusieurs pays.
- Tarifs « normaux » à partir de 212 €
- Offres continues :
- 15 jours consécutifs : 357 €
- 22 jours consécutifs : 440 €
Interrail One Country Pass
Parfait pour explorer un seul pays à fond.
- Tarifs à partir de 58 €
- Prix selon les zones (niveau de coût national)
Réductions selon l’âge
- Jeunes (-27 ans) : tarif réduit d’environ 23 %
- Seniors (≥ 60 ans) : environ 10 % de réduction
- Enfants (< 12 ans) : jusqu’à 2 enfants voyagent gratuitement avec un adulte
Frais de réservation à prévoir
Les Pass couvrent le billet de train, mais certains suppléments sont indispensables sur trains rapides ou de nuit :
- Trains nationaux rapides : ~10 €
- Trains internationaux (correspondances) : ~15 €
- Trains de nuit internationaux (couchette ou lit) : ~20 € en moyenne
- Réservations spéciales (ex. Eurostar, etc.) : de £25 à £54 selon la liaison
Récapitulatif synthétique
| Offre | Validité/Durée | Prix indicatif | Réduction possible |
|---|---|---|---|
| Global Pass (Flexi/Continu) | 4–7 jours / année / 15–30 jours contigus | 212 € – 440 € | Jeunes, seniors, enfants, promos |
| One Country Pass | 3–8 jours dans un mois | dès 58 € (niveau 5) à 329 € (niveau 1) | Jeunes, seniors, enfants, promos |
| Réductions d’âge | Jeunes (< 27), Seniors (> 60) | –23 % / –10 % | Oui |
| Enfants gratuits | < 12 ans (jusqu’à 2 accompagnés) | Gratuit | Oui |
| Promos ponctuelles | Durée limitée (ex. Renfe) | Jusqu’à –15 % | Oui |
| Frais de réservation | Trains spéciaux (rapides, nuit, etc.) | 10 € – 20 € ou plus | À prévoir |
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