Cette Alice-là n’est pas au pays des merveilles, mais dans une contrée de souffrances… Elle vient de subir un très grave accident de voiture (elle a embouti un poteau au milieu de la nuit et a dû être désincarcérée de son véhicule) et se retrouve sur un lit d’hôpital, avec de nombreuses fractures et cicatrices sur le corps. Au début, dans un coma léger, elle perçoit quelques signes de l’extérieur, mais est surtout concentrée sur ce qui se passe dans son corps, et dans sa tête.
Cette période d’immobilisation forcée va en effet la pousser à penser, à retourner dans son passé, à affronter ses souvenirs et ce sont bientôt les cicatrices morales qui vont se ré-ouvrir, pendant que les cicatrices du corps lentement commencent à se refermer.
Alice revit plusieurs épisodes de son enfance, parle de ses parents et de leur vie de couple, de son mari détesté et de son fils avec lequel elle a une relation en dents de scie, qui l’ont quittée tous les deux, l’un en divorçant et l’autre en s’éloignant d’elle pas à pas. Elle confie à son nouvel ami, un homme marié qu’elle rencontre dans le centre de rétablissement, son mal-être, cette impression de faire tout faux ou à côté des choses depuis des années. Elle dit tout, ses regrets, ses révoltes, jusqu’à dire un jour l’indicible…
On se demande si finalement cet accident n’était pas pour Alice l’occasion de naître à elle-même, enfin. Corps cassé, certes, qui va demander deux ans d’efforts inouïs pour se remettre en marche, pour tout réapprendre, mais coeur mis à nu lui aussi, revenu à l’essentiel, au vital, et prêt pour un nouveau départ.
Cette histoire est envoûtante, bien que le sujet soit vraiment difficile et Alice poursuit longtemps le lecteur. Seul bémol : ne pas retrouver au fil du roman les personnages du début, ces travailleurs de la nuit sur les routes, qui avaient été témoins de l’accident et dont les descriptions des pensées étaient si belles.
Alix Bayart
Régine Detambel, Actes sud, 17 août 2011, 160 p. 17€