Rennes. Le manoir de Baud en attente d’un tiers-lieu ?

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Le manoir de Baud-Chardonnet, seul vestige de l’ancien domaine qui a donné son nom à la plaine de Baud, va bien être sauvé et restauré. Mais il n’accueillera pas le vaste lieu festif initialement annoncé en 2022. La Ville de Rennes et son aménageur Territoires ont changé de méthode : d’abord remettre le bâtiment d’aplomb, ensuite chercher un nouvel opérateur à travers un appel à manifestation d’intérêt.

Un bâtiment remarquable au cœur de la ZAC Baud-Chardonnet

Situé à l’est du centre-ville, le manoir de Baud, dit aussi de Boon ou de Born, est attesté dès le XIIIe siècle. Il a longtemps été intégré à un parc d’activités avant son rachat par Territoires en 2018. Dans le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), il est répertorié trois étoiles au titre du patrimoine bâti d’intérêt local. Autrement dit : on ne peut pas le laisser dépérir au milieu d’un quartier neuf. Son intérêt patrimonial justifie une réhabilitation, d’autant que l’ensemble de Baud-Chardonnet est en train de prendre forme avec logements, commerces, équipements et, à terme, le dépôt de bus de la plaine de Baud sur les terrains voisins.

2022 : l’annonce d’un grand lieu festif, Born to be dead…

Au printemps 2022, la municipalité valide un programme ambitieux porté par Roman Le Furaut et Jean-Louis Serre, déjà à la tête de plusieurs établissements rennais. L’idée est alors double :

  • réhabiliter le manoir pour y installer un restaurant-bar complété par une salle de concerts et de spectacles pouvant accueillir environ 400 personnes deux soirs par semaine ;
  • construire à l’ouest un bâtiment neuf pour une brasserie artisanale, destinée à approvisionner le lieu.

L’ensemble, d’une surface d’environ 3 500 m², devait devenir un nouveau pôle culturel et convivial sur la rive est, à l’abri des platanes conservés et relié au parc de Baud par un cheminement paysager. À l’époque, le calendrier parlait de travaux de la brasserie en 2024, puis de réhabilitation du manoir en 2025-2026.

Un projet trop lourd, finalement abandonné

Entre 2023 et 2024, le projet patine. Coûts de construction qui montent, complexité d’un site ancien à réhabiliter, exigences publiques sur l’usage du lieu, contexte économique moins favorable pour des équipements festifs de moyenne capacité… Les porteurs finissent par jeter l’éponge. La Ville et Territoires confirment alors que le projet « Born » ne se fera pas en l’état.

Ce retrait ne remet pas en cause la volonté de restaurer le manoir, mais il oblige à revoir l’outil : plutôt qu’un grand équipement métropolitain ouvert jusqu’à 3 h du matin, il faudra imaginer un programme plus ramassé, mieux proportionné au quartier et plus soutenable économiquement.

Automne 2025 : lancement de la réhabilitation

Pour ne pas perdre de temps, la collectivité engage dès septembre 2025 des travaux de remise en état du bâtiment : curage, sécurisation, interventions sur le gros œuvre et les parties les plus fragiles. C’est un point important de la nouvelle stratégie : on réhabilite d’abord le patrimoine public, on le met à niveau, puis on le propose à des opérateurs.

Ce phasage présente deux avantages :

  • l’opérateur futur n’aura pas à assumer seul le coût de sauvegarde d’un bâtiment ancien ;
  • la Ville garde la main sur le niveau de qualité architecturale attendu.

Un appel à manifestation d’intérêt annoncé

Une fois la réhabilitation avancée, le manoir sera proposé via un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Ce dispositif permet d’ouvrir la porte à plusieurs profils : restaurateur, opérateur culturel ou hybride, acteur de l’économie sociale et solidaire, voire groupement mêlant programmation culturelle et restauration. L’idée n’est plus de négocier directement avec un seul porteur, mais de comparer les propositions et de retenir celle qui répond le mieux aux objectifs publics.

Quels seront ces objectifs ? Les éléments qui reviennent dans les communications publiques laissent penser qu’ils tourneront autour de :

  • l’animation du quartier Baud-Chardonnet à l’année, et pas seulement en soirée ;
  • une ouverture plus large aux habitants (convivialité, restauration, événements de proximité) qu’un modèle très orienté concerts ;
  • la mise en valeur du patrimoine bâti restauré ;
  • un modèle économique réaliste.

Vers un lieu plus de quartier que métropolitain

On s’éloigne donc du premier scénario qui voulait faire du manoir un “nouveau gros lieu festif à Rennes”. Le contexte d’aménagement joue : Baud-Chardonnet est en train de devenir un quartier de vie, avec des habitants, des familles, des cheminements vers le parc et la Vilaine. Dans cet environnement, un équipement convivial, culturellement actif mais moins bruyant et moins coûteux qu’une salle de 400 places ouverte la nuit semble mieux adapté.

On peut imaginer, sans préjuger de l’AMI, un lieu qui combine restauration, café culturel, petites formes artistiques, rencontres, éventuellement une programmation musicale à jauge réduite et aux horaires maîtrisés. La forme exacte dépendra des candidats et des arbitrages de la Ville.

L’AMI étant ouvert par principe, rien n’empêche qu’un collectif, une association déjà implantée à Rennes ou un opérateur de l’économie sociale et solidaire se positionne avec un projet de tiers-lieu. Trois conditions devront toutefois être clairement posées pour convaincre Territoires : d’abord la compatibilité avec le voisinage, en proposant plutôt des usages de journée ou de début de soirée et des formats peu bruyants, là où le projet Born pêchait par son caractère très événementiel ; ensuite un modèle économique lisible (café, petite restauration, ateliers payants, privatisations ponctuelles, complétées au besoin par des subventions) pour éviter un lieu sympathique mais déficitaire au bout de quelques mois ; enfin une vraie valeur d’intérêt général, puisque le bâtiment aura été restauré sur fonds publics, ce qui suppose de rendre un service au quartier, aux acteurs culturels, à l’ESS ou aux jeunes structures créatives. Dans ce cadre, le tiers-lieu apparaît comme une bonne hypothèse de repli par rapport au “gros lieu festif” de 2022 : un lieu sobre, de proximité, mêlant culture, café, fabrication légère ou coworking, plutôt qu’une grande friche nocturne.

Un maillon de la transformation de la plaine de Baud

Le devenir du manoir ne doit pas être lu isolément. Territoires exploite et recompose tout le secteur : terrains libérés de l’ancien parc d’activités, emprise prévue pour le dépôt de bus, arrivée de nouveaux immeubles, ouverture d’équipements. Dans cet ensemble, le manoir restauré doit faire office de repère patrimonial et de lieu de sociabilité. Il rappellera l’ancienneté d’un site dont il ne subsiste plus que cette bâtisse à pans de bois relookée au début du XXe siècle.

Manoir de Baud, Rennes
Manoir de Baud, 65 rue Chardonnet, Rennes (crédit : Franck Hamon)

À retenir

  • Le manoir est tout de même en cours de réhabilitation depuis septembre 2025.
  • Un appel à manifestation d’intérêt désignera le futur occupant.
  • Le futur programme devrait être plus léger, plus de quartier, et articulé à l’aménagement global de Baud-Chardonnet.

Adresse : Manoir de Baud, 65 rue (ou avenue) Chardonnet, 35000 Rennes.