La compagnie Maurice et les autres présentera sa relecture féministe et itinérante de Carmen du 2 au 4 juillet aux Halles en commun dans le cadre des Tombées de la nuit.
« Elle le quitte, il la tue ». Dans le cadre du festival Les Tombées de la nuit, en partenariat avec l’Opéra de Rennes, la compagnie de théâtre musical et opéra Maurice et les autres présentera Carmen les 2, 3 et 4 juillet 2024. Une adaptation collective et de plein-air du cultissime opéra de Bizet.
Ovni dans le contexte de la fin du XIXe siècle, Carmen est un opéra comique étrangement non-bourgeois. Non seulement il n’y a aucun bourgeois sur scène, mais les lieux du livret sont également décors d’un espace public populaire. Pour Jeanne Desoubeaux, metteuse en scène et comédienne, c’est le signe ultime que l’opéra doit être monté en extérieur et en itinérance. “Ca nous semblait hyper important et pertinent de le monter en extérieur et en itinérance parce qu’on est convaincus que comme cette oeuvre est extrêmement populaire, elle a toute sa place dans l’espace public et non pas dans les salles d’opéra dont on sait qu’il peut être difficile de pousser les portes”. Avec la compagnie Maurice et les autres, qu’elle a fondé en 2015, elle défend l’idée de faire du théâtre musical accessible et de parler du monde sans aucun surplomb.
Depuis sa création en 1875, Carmen a souvent été lu et interprété comme un crime passionnel ou une histoire d’amour qui tourne mal. Pour Jeanne Desoubeaux, il était plus que nécessaire de poser un regard actuel et féministe sur le livret : “Bizet et ses livrettistes ont mis en scène des choses qui aujourd’hui ont des mots qu’ils ne portaient pas à l’époque comme le harcèlement de rue ou le féminicide. Placer ces mots aujourd’hui, regarder l’histoire avec des yeux féministes, c’est aussi une manière de lutter à notre échelle contre les violences faites aux femmes”.
Pour donner à l’opéra ce nouveau souffle plus contemporain et politique que jamais, la compagnie a pris la liberté d’ajouter quelques scènes mais aussi de retravailler les rôles. “On a voulu mettre en scène un Don José qui ne soit pas un agresseur né, parce qu’on sait aujourd’hui que les monstres n’existent pas. Les agresseurs sont souvent les conjoints, les ex-conjoints, les pères, les frères, ceux qui sont proches de nous…” Pour Jeanne Desoubeaux, il était nécessaire de créer de l’empathie pour ce personnage : “si on le présente comme un monstre d’emblée, y’a pas d’enjeu, tout le monde le déteste et puis c’est tout”. Le personnage de Carmen a également été retravaillé pour l’éloigner de son image séductrice “elle l’a bien cherché”. Exit la robe rouge et le décolleté plongeant, ici elle est présentée comme une femme forte, déterminée à ne pas se laisser marcher dessus. “On a modifié les codes de la séduction pour qu’ils soient plus contemporains et féministes”.
“Le fait de placer cet opéra dehors, c’est aussi un symbole. Placer ça au cœur de la société, c’est en faire notre sujet à tous et à toutes.”
Jeanne Desoubeaux
Monter un opéra en plein air, ça n’a rien de facile. Mauvaise acoustique, intempéries, mobilité… les défis sont nombreux. Si la compagnie a eu quelques difficultés à faire accepter son projet d’entrée de jeu, la metteuse en scène a vite été suivie par une équipe motivée et trouvant du sens dans cette interprétation. Jeanne Desoubeaux l’admet, cette configuration implique de perdre un peu musicalement, mais pour gagner symboliquement et politiquement : “Près de Caen par exemple on a joué en bas des tours d’un quartier HLM. Acoustiquement c’était compliqué mais on gagnait quelque chose à jouer à côté d’un terrain de basket avec des enfants autour. On faisait de l’opéra en bas des tours, ce qui n’arrive jamais”.
Pour que la musique soit à la hauteur du projet, Jérémie Arcache a arrangé la partition pour un trio d’instrumentistes (piano, violoncelle et clarinette). Autour de cela, il a écrit pour les chanteurs qui ont tous repris leurs instruments de conservatoire pour l’occasion, composant un orchestre hétéroclite qui vient bousculer l’univers opératique. Il accompagne et souligne les trésors de second degré et d’énergie de cette mise en scène qui en ces temps troublés, “fait paradoxalement beaucoup de bien”.
Le spectacle Carmen sera joué les 2, 3 et 4 juillet dans le cadre des Tombées de la Nuit à Rennes. Le départ se fera aux Halles en commun (24 avenue Jules Maniez) à 19h30.
Lien vers la billetterie : https://www.lestombeesdelanuit.com/spectacles/carmen/
Tarifs : 15€ / 10€ (-18 ans & étudiants) / 4€ Sortir!