Le Chant du Marabout est le dernier événement du Théâtre Dromesko, en partenariat avec Ay-Roop et Les Tombées de la Nuit. Dans un dernier turlututu collectif, la troupe invite à la fête avec quatre spectacles à découvrir du 14 au 17 décembre 2023. Avant son envol vers un horizon sans baraques et l’atterrissage d’Ay-Roop à la ferme de Haut Bois, Dromesko mêle joyeusement les arts, une dernière fois, avant le baisser du rideau.
« Dernier chant avant l’envol, dernier arrêt avant le cimetière, dernière sortie avant l’autoroute, derrière tristement comme toujours, dernier coup au bout du zinc, derrière reste l’envie de toi. »
Depuis 25 ans, Saint-Jacques de la Lande est agitée culturellement par Igor et Lily du Théâtre Dromesko qui ont élu domicile en 1998, sa troupe et ses animaux sous le bras, à la Ferme de Haut Bois, devenu le campement Dromesko. Dans une dernière fête, il met les petits plats dans les grands et ouvre le campement à son successeur, l’association Ay-Roop – Scène de Territoire pour les arts de la piste, pour un dernier chant avant l’envol : Le Chant du Marabout. Parastos de Dromesko, Tierra de nadie de la compagnie Chouka et L’Oral et Hardi de Jacques Bonnaffé sont les trois créations programmées par la troupe de théâtre, et Ignis de Nicolas Fraiseau est signé d’Ay-Roop. Prenez garde, les places partent vite…
Il est parfois dur de décrocher… En 2017, Dur désir de durer était justement annoncé comme le dernier spectacle du Théâtre Dromesko, puis il y a eu Errance en Syllogomanie en 2021. Finalement, ce sera Parastos, mais attention : « Parastos n’est pas un spectacle », contredit derechef Lily du Théâtre Dromesko. Enfin… « c‘est un spectacle pour dire au revoir, un dernier turlututu, une création rapide lyophilisée, on met un peu d’eau et hop », continue-t-elle avec humour. Recommençons alors : Le Théâtre Dromesko remet une dernière fois le couvert avant de rendre les clefs du campement et de s’envoler en Espagne, ou ailleurs, non pas avec un spectacle donc, mais un petit quelque chose qui leur ressemble. « La création est faite rapidement parce qu’on bosse avec ces personnes depuis 20 ans. Le marabout, ça fait 36 ans qu’il est avec nous. C’est pensé en fonction de chacun et après, ce sont eux, séparément, qui le nourrissent », poursuit Igor.
Dans un dernier festin artistique, Dromesko provoque une ultime rencontre entre les artistes et les spectateurs d’ici et d’ailleurs qui ont traversé le campement, avec ce qu’ils savent faire de mieux : une création singulière, hors des cadres et des conventions, qui s’inscrira certainement dans la tête et le cœur des publics. Ainsi, la troupe prendra une dernière fois la parole dans Parastos, spectacle transdisciplinaire inclassable, mais est-ce utile ? Malgré la ténacité avec laquelle médias et critiques ont voulu l’identifier comme telle, Parastos n’est pas une création circassienne, comme le Théâtre Dromesko n’a jamais été du cirque. Igor et Lily ont mouillé historiquement dans la discipline, avec le Cirque Aligre et Zingaro qu’ils fabriquent avec d’autres compères, mais s’en sont détachés et ont orienté leurs créations vers ce qu’ils affectionnent particulièrement : les histoires de vie et le mélange des disciplines artistiques. « Dès qu’il y a des animaux, c’est du cirque », déplore Lily. « Beaucoup de critiques de théâtre ont été énervés qu’on ose prendre la parole au début », se rappelle Igor en citant L’Utopie fatigue les escargots qui a essuyé de virulentes critiques du Masque et la plume, une émission de radio française. « Ils étaient méchants gratuitement », regrette Lily. « C’était le premier spectacle où il n’y avait que du texte. On était partis d’un texte de Paolo Magelli dans lequel il racontait sa vie, Serge Valletti l’avait réécrit et on avait pioché des extraits. Le monde du théâtre n’a pas supporté qu’on prenne la parole de A à Z. » Et Igor de continuer : « Certains critiques de théâtre ont demandé de quoi on se mêlait. On a donc décidé de relever le défi et on a proposé la petite opérette Margot, une arnaque du début à la fin. »
Alors, que sera ce fameux Parastos ? Le terme désigne un service mémoriel, dans les églises orthodoxes ou catholiques, de rite byzantin pour le repos des morts accompagné d’un partage, sur la tombe du défunt, de ses plats et boissons préférés. « Les gens boivent et mangent sur la tombe du défunt pour un dernier pique-nique. C’est la fin de Dromesko, mais Parastos est une fête. C’est pas comme si on était mort, on enterre nos souvenirs. C’est une façon de marquer le coup avec le public de Rennes qui nous a accompagnés et avec qui on a une vraie complicité », déclare Igor avant de dire avec humour : « À un moment, il faut savoir arrêter et être sérieux ».
Mais Le Chant du Marabout ne se résume pas qu’à Parastos. Trois autres spectacles animeront les lieux. La compagnie Chouka présentera Tierra de nadie, « un banquet. Ou plutôt, un hommage à la vie. L’intérêt d’une réunion où l’on déambule en pensant faire quelque chose d’important, alors qu’en réalité on ne fait rien. » Dans cette création, dans laquelle Igor et Lily ont eu un droit de regard puisqu’il s’agit de leur fille sur les planches, la cie propose un moment de théâtre et de partage où les gestes parlent, les mots se taisent et où l’absurde n’a besoin d’aucun alibi. Après avoir été joué en petit comité dans le Nord de la France, Tierra de nadie sera jouée pour la première fois sur scène.
Pour la magie circassienne, Ay-Roop présentera Ignis, le premier spectacle de Nicolas Fraiseau. Comme le symbole d’une page qui se tourne pour les lieux, l’artiste aura comme compagnon de scène le feu, symbole de renaissance. « Le feu devient agrès pour la première fois dans le cirque contemporain », précise Olivier Daco, codirecteur d’Ay-Roop. La forme courte présentée dans quelques jours est destinée à devenir un spectacle d’une heure, mais le circassien fait la primeur de ce petit bout de création à Rennes. « Les propositions qu’Ay-Roop choisit ont toujours une originalité dans l’agrès ou dans la façon d’aborder l’écriture circassienne. On cherchait aussi à faire un rebond avec le Parastos. ».
Avant que Dromesko ne quitte définitivement les planches, Jacques Bonnaffé, un habitué qui participera d’ailleurs à Parastos, prendra une dernière fois le micro au campement pour, bien évidemment, parler. Créé il y a dix ans, L’Oral et Hardi, d’après les textes de Jean-Pierre Verheggen, c’est des tonnes de boniments adaptés aux circonstances particulières du weekend. « C’est un mec incroyable, il travaille autant avec les plus grands du cinéma comme Godard que dans l’associatif », explique Lily. « Ce qu’il aime, c’est la parole. Il a un débit de dingue et une façon d’interpréter les choses extraordinaire. » Dimanche, le dernier jour où le marabout chantera, son allocution poétique clôturera le dernier éclat artistique du campement Dromesko, jusqu’au nouveau chapitre.
À la fin du weekend, Dromesko tirera sa révérence et laissera le public rennais orphelin. Comme le phénix qui renaît de ses cendres, le campement éteindra ses lumières ce dimanche 17 décembre avant de se rallumer début janvier 2024. Logée temporairement au BAM, Ay-Roop posera alors ses valises. « C’est une vraie responsabilité de reprendre l’équipement vu le combat qui a été mené pour garder ce site à destination culturelle », admet le codirecteur d’Ay-Roop avant que Lily ne raconte : « Depuis que les travaux ont été faits il y a 10 ans, il y a une certaine vigilance parce qu’il y a eu un gros investissement financier, mais c’était hyper précaire avant. La ferme menaçait de s’écrouler, même nous, on ne pouvait pas y rentrer. Si on n’avait pas tenu jusque là, c’est évident que la ferme aurait été démolie. » À part le bâtiment central qu’est la ferme, l’ensemble sera démonté, la grande baraque partira par exemple à Montpellier.
« L’idée, c’est de garder l’âme qui a été constituée ici. », précise Olivier Daco. Après son déménagement, Ay-Roop continuera de collaborer avec la structure en exploitant ponctuellement l’espace de la salle de concert pour des résidences. « On va accueillir un aquarium qui mesure 2 x 1,20 x 2,80 m et qui fait 8000 litres d’eau dans le cadre d’une résidence. Comme aujourd’hui on ne sait pas si le plancher est capable de le supporter, il sera installé dans l’ancien Antipode. » Cette future création des acrobates apnéistes Frédéric Vernier et Sébastien Davis-Vangelder sera montrée à l’inauguration du nouveau lieu en juin 2024. Après plus de 20 ans d’expérience à Rennes, le Théâtre Dromesko passe la main avec plaisir à Ay-Roop afin de s’envoler vers d’autres rencontres improbables.
Le Chant du Marabout, du 14 au 17 décembre 2023, au Campement Dromesko, rue du Haut Bois, Saint-Jacques-de-la-Lande.
Un bar et une restauration seront ouverts sur place afin de se restaurer avant ou après les spectacles, pour un dernier moment de partage au campement Dromesko !